Homélie du 07 octobre 2012

Prédicateur : Père Pierre Bou Zeidan
Date : 07 octobre 2012
Lieu : Eglise Notre-Dame de la Prévôté, Moutier
Type : radio

Chers frères et sœurs,

Il vous arrive peut-être comme moi de vous émerveiller devant la nature, par exemple devant une fourmi transportant une petite graine ou une brindille vers la fourmilière. Sa capacité à porter jusqu’à 60 fois son poids, pour peu qu’on soit attentif à ce « détail » si proche de nous, est impressionnante.

Et bien il y a quelques temps, un article de journal m’a édifié également : il m’apprenait que le cœur humain bat environ – tenez-vous bien ! – 100’000 fois par jour, soit en moyenne 3 milliards de fois durant une existence humaine. Un chiffre hallucinant si l’on y réfléchit bien : le cœur humain est d’une résistance extraordinaire, lui aussi capable d’une force presque inimaginable, de fournir une somme d’énergie colossale sur la durée ! L’occasion de s’émerveiller encore un peu plus de cette Création qui ne doit décidément rien au hasard. Et pourtant, aussi forte que soit notre pompe, elle finit tôt ou tard par « lâcher ».

Dans les textes bibliques de ce dimanche, il est aussi question de battements de cœur, de ces battements qui s’emballent lorsque naît une relation amoureuse entre un homme et une femme. De ces battements qui se transforment parfois en arythmie cardiaque…

Mais les difficultés rencontrées par les couples dont parle le passage de l’Evangile de ce jour, c’est également bien souvent pour nos contemporains une question qui fâche quand ils évoquent l’Eglise catholique, à qui ils prêtent fréquemment l’intention de contrarier la société, d’être en porte-à-faux par principe avec les idées du monde.

La question du couple et du mariage est un sujet de controverse, aujourd’hui comme au temps de Jésus. Les pharisiens qui viennent au-devant de Lui utilisent cette thématique pour le piéger, le prendre en défaut, trouver prétexte pour le critiquer et lui coller un procès.

« – Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Cette question divisait les spécialistes du droit religieux à cette époque. Si Jésus répond par « oui » ou par « non », il lui sera forcément reproché sa prise de position par l’une ou l’autre des parties : soit il sera taxé de laxiste, soit de rigoriste. Une manière de l’enfermer dans un des deux camps et de le stigmatiser.

Mais Jésus ne se laisse pas prendre au piège, il déjoue la tactique en renvoyant à la source de ce débat : « – que vous a prescrit Moïse ? » Et si Moïse avait fixé un cadre à la répudiation de l’épouse, c’était pour adoucir une pratique de toute façon déjà existante à l’époque chez les israélites. Une pratique qui était doublement injuste, puisqu’elle était seulement réservée aux hommes, et en plus la femme était souvent répudiée pour des raisons futiles.

Jésus prend alors dans la discussion un peu de hauteur, pour réajuster le débat : « – C’est en raison de votre endurcissement que Moïse a formulé cette loi ». En évoquant le texte de la Création, que nous avons entendu dans la première lecture, Il renvoie à l’intention originelle du Créateur. Créés homme et femme, dans la dualité et la complémentarité des sexes, les humains sont « à l’image de Dieu ». La grandeur de leur union se situe là, ils sont appelés à être le reflet de Celui qui leur a donné la vie.

En citant le livre de la Genèse, au chapitre 2, Jésus rappelle que « l’homme quittera son père et sa mère, qu’il s’attachera à sa femme et que tous deux ne feront plus qu’un ». De nos jours, les humoristes ont vite fait d’interroger cette affirmation. L’un d’eux disait : « Dans le mariage, l’homme et la femme ne font plus qu’un, reste à savoir lequel »…

mais il ne s’agit bien sûr pas de promouvoir le mariage comme une fusion de deux êtres : ils ne font plus qu’un, en ce sens où leur couple est une entité particulière, unique au monde, mais elle est aussi formée de leurs deux particularités. Ils sont appelés à n’être plus qu’un… couple, tout en restant deux… personnes.

Jésus, le Messie, l’envoyé de Dieu, vient donc redire l’intention du Créateur à propos de l’humanité. Il a de l’ambition pour elle, qui s’accompagne d’un appel et d’une certaine exigence. Mais Il ne tombe pas dans le rigorisme des pharisiens, Il est tout accueil pour chacun, quel que soit sa situation de vie en regard de la loi. On le voit lorsqu’Il choisit des publicains comme amis, dans sa manière très libre de s’approcher de ceux que l’on considère alors comme impurs, les lépreux, les pécheurs, dont Marie-Madeleine qu’Il accueille de façon inconditionnelle là où tous la condamnent. Jésus ne veut pas s’en tenir au légalisme, il vient nous appeler à tisser des liens plus profonds et plus vrais, mais avec une compréhension et un non jugement qui évitent à la personne de se sentir écrasée. En quelque sorte, Jésus ouvre ses bras pour mieux ouvrir les cœurs.

Cette attitude, à la fois exigeante et bienveillante, peut et doit nous inspirer pour aujourd’hui : en tant que chrétien, comment est-ce que je regarde ceux qui traversent des difficultés, quelles qu’elles soient, et en particulier des difficultés de couple ? Comment est-ce que je me pose en juge ou en soutien ? Tout être humain a ses fragilités, moi y compris. L’institution ecclésiale rappelle régulièrement combien l’amour, pour être vrai, a ses exigences. Elle ne communique probablement pas toujours de manière idéale sur ce sujet. Mais l’Eglise, pour accueillir chacun dans ce qu’il vit, n’a pas d’autres relais que nous, les baptisés d’ici, de notre région, de notre coin de pays. A nous d’être ces porteurs d’espérance, ces annonceurs de Bonne nouvelle, ces contagieux de l’Amour reçu de Dieu.

Un Amour qui a fait des merveilles au cœur même de la Création : alors comme le dit Adam à propos d’Eve qui lui est donnée pour compagne dans le récit imagé de la première lecture, nous pourrons nous exclamer au sujet de la Vie et de cette planète qui la porte (je paraphrase, c’est juste une traduction pour aujourd’hui) : « – Oh ! Quelle est belle ! C’est le top ! Merci Seigneur, c’est encore mieux que ce que j’espérais ! »

Cette prière, Seigneur, nous qui sommes dans cette église et unis bien au-delà, grâce aux ondes de la radio, nous te l’offrons maintenant, ensemble. AMEN.»

27e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Genèse 2, 18-24; Hébreux 2, 9-11; Marc 10, 2-16

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