Relève

Trop vieux pour être concerné, je consulte avec une pointe de sourire au coin des lèvres la liste des nominations de ceux et celles qu’on continue à appeler «agents pastoraux», comme s’ils travaillaient aux CFF, à la police, dans l’immobilier ou aux impôts. Chaque automne, nos évêques nous font connaître leurs noms, leurs fonctions et leurs destinations. Il fut un temps – bien lointain – où le nombre de prêtres indigènes était pléthorique et celui des paroisses disponibles insuffisant. Casse-tête pour leurs évêques qui conseillaient aux surnuméraires d’aller se faire voir ailleurs, si possible outre-mer, dans un diocèse esseulé.

Les temps ont bien changé. Les jeunes prêtres du crû se comptent sur les doigts de la main et leurs aînés sont poussés gentiment mais sûrement vers les maisons de retraite, antichambres du sommeil éternel. Il fallait bien subvenir à cette pénurie. D’où l’afflux de prêtres, «fidei donum» d’un nouveau genre, venus d’Afrique, d’Asie et, pour l’instant encore, d’Europe de l’Est.

Vétéran de la mission universelle, je me réjouis de voir arriver sur la terre de mes ancêtres des prêtres africains dont je peux même comprendre quelques bribes de leur langue maternelle. Mais la situation est bien différente. Autrefois, nous partions chez eux pour «planter» l’Eglise, là où elle n’avait pas encore poussé. Aujourd’hui, ils arrivent chez nous pour revigorer notre Eglise faible et vacillante. Le remède sera-t-il efficace? D’aucuns pensent que deux millénaires de christianisme devraient suffire pour faire surgir de notre sol de nouvelles pousses d’évangile, sans que nous ne soyons obligés d’arracher aux jeunes Eglises lointaines les «agents pastoraux» – pardonnez l’expression! – dont elles-mêmes ont besoin. Peut-être aussi cette suppléance risque-t-elle de freiner les efforts des chrétiens d’ici qui tentent de renouveler leurs communautés.

Je le répète, ce discours est celui d’un missionnaire rentré chez lui. Quand il était «là-bas», on l’a souvent mis en garde. Il ne fallait pas que sa présence soit pesante au point d’étouffer les initiatives des chrétientés locales. C’est pourquoi, tout en me réjouissant de leur présence, j’aimerais encourager ces prêtres venus de loin à ne pas se contenter d’occuper des cases vides sur un échiquier diocésain, ni à se livrer à une pastorale répétitive. Je souhaite de leur part une participation active à l’éclosion sur leur terre d’accueil d’une Eglise nouvelle, riche de toutes ses promesses.

Guy Musy | 08.09.2015

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