Pierre Kohler (PDC Jura): «Je défends le modèle traditionnel du couple marié»

Candidat du parti démocrate-chrétien jurassien à la chambre haute de l’Assemblée fédérale à Berne, l’avocat et député de Delémont Pierre Kohler bénéficie, à 51 ans, d’une déjà longue expérience politique.

Il l’a acquise tout jeune, tant au niveau d’un parlement communal, cantonal et fédéral, que d’un exécutif. Il fut en effet ministre dans le gouvernement jurassien et vient de quitter, le premier jour du printemps, sa fonction de maire de Delémont.

Catholique fervent dans sa jeunesse, il fut servant de messe comme nombre de ses camarades de l’époque, et s’intéressait beaucoup, quand il avait 18-20 ans, à l’engagement social de l’Eglise latino-américaine et à la théologie de la libération. «J’étais ‘fan’ de l’encyclique Rerum novarum sur la doctrine sociale de l’Eglise…»

Etre chrétien, ce ne sont ni l’apparence ni les «bondieuseries»

Sa pratique religieuse s’est toutefois refroidie sous le pontificat de Benoît XVI, qui lui paraissait intransigeant et distant, et également suite aux scandales de pédophilie qui ont éclaboussé le milieu clérical. Aujourd’hui, Pierre Kohler dit avoir retrouvé une certaine confiance dans l’Eglise avec l’arrivée du pape François.

«On retrouve ce souffle, il nous redonne du pep. Beaucoup de jeunes ont retrouvé la foi et reviennent à l’Eglise!» Pour le véritable «animal politique» qu’est Pierre Kohler, être chrétien, ce ne sont ni l’apparence ni les «bondieuseries» qu’il détecte chez certains catholiques, mais des valeurs vécues dans la pratique, avec comme leitmotiv la solidarité concrète et quotidienne, l’engagement pour la collectivité.

La famille, cellule fondamentale de la société

Commentant le rapport sur le droit de la famille, publié en mars 2015 par le Conseil fédéral (*), et face aux propositions de mutations assez profondes de la notion de famille, le Delémontain ne cache pas que dans ce domaine, il est «un peu plus conservateur». «Pour moi, la famille est la cellule fondamentale de la société, et je défends le modèle du couple marié – homme, femme et enfants. Cela doit rester l’exemple».

Pierre Kohler admet que la société évolue, «mais on ne doit pas renverser le char, car on a un peu l’impression que la famille traditionnelle est devenue exotique, c’est quasiment devenu la dictature des minorités, la société de consommation l’emporte sur l’éthique et l’humanité».

Au niveau des droits civils, le politicien démocrate-chrétien, qui a des amis homosexuels, se refuse à toute discrimination. S’il est favorable à l’union civile des couples homosexuels (le PACS), il estime cependant que le mariage «devant Dieu» est une institution sacrée qui doit être réservée aux couples hétérosexuels. Et de regretter l’opinion devenue «politiquement correcte» qui suggère que ceux qui défendent la famille traditionnelle sont des homophobes.

En cas de divorce, «l’homme n’a souvent qu’à payer…»

En cas de dissolution d’une communauté de vie, il faut en principe conserver pour le règlement des questions financières le système des trois piliers (communauté des acquêts, partage de la prévoyance professionnelle, contribution d’entretien). Cependant, et c’est là l’avocat, l’ancien maire et l’ex-ministre qui parle d’expérience: en cas de divorce, on est encore loin de traiter l’homme et la femme de façon égale. Les enfants sont toujours quasi-automatiquement attribués à la mère, et l’homme n’a souvent qu’à payer…»

Combien de fois a-t-il vu que des conventions de divorce ne sont pas respectées, les pères de familles ne voyant plus leurs enfants pendant des mois, alors qu’ils ont un droit de visite! «Aujourd’hui, la société a évolué, et de plus en plus d’hommes s’occupent de leurs enfants, alors il faut sortir des a priori», insiste Pierre Kohler.

Les femmes qui veulent rester au foyer ne sont pas valorisées

S’il est pour le développement des crèches pour offrir des possibilités de garde aux mères qui veulent ou qui doivent travailler, l’avocat delémontain estime toutefois que les exigences de professionnalisation du personnel des crèches et des accueils extra-scolaires sont exagérées. «Ces structures de la petite enfance entraînent de tels coûts qu’il y a un risque de retour de flammes… D’autre part, je pense que l’on ne valorise pas du tout le choix des femmes qui veulent rester au foyer pour élever leurs enfants. Ces femmes n’ont aucune reconnaissance dans la société, on les montre du doigt, comme si on les obligeait à faire ce choix. On devrait surtout parler de salaire pour ces femmes, car qui est plus qualifié qu’une mère pour élever son enfant ? On dévalorise par trop la mère au foyer!»

Pierre Kohler reconnaît cependant qu’il faut des crèches pour les mères qui choisissent de continuer à travailler et à se consacrer à leur profession. De telles structures favorisent aussi l’intégration des enfants issus de familles immigrées. S’il est favorable à l’introduction au plan fédéral d’un congé-paternité pour les pères, «il doit être plus court que celui accordé à la mère, qui a tout de même porté l’enfant et qui doit pouvoir se reposer».

Non à l’adoption d’un enfant extérieur au couple homosexuel

S’il refuse dans tous les cas le recours aux mères porteuses et l’adoption d’un enfant extérieur au couple homosexuel, il qualifie de «normale» l’adoption par ce couple d’un enfant de l’un(e) des partenaires. Il pourrait toutefois admettre l’adoption par ces couples d’un enfant qui a atteint un certain âge, «car un enfant de dix ans peut commencer à comprendre».

Le démocrate-chrétien veut également un meilleur soutien de la famille de la part des collectivités publiques, notamment par des déductions fiscales plus importantes. Les déductions actuelles sont largement insuffisantes pour faire face aux coûts engendrés par l’arrivée d’un enfant dans une famille.

Pour des prestations complémentaires pour les familles (PCFam)

Il admet cependant que pour les familles à faibles revenus et qui ne paient pas ou peu d’impôts, les déductions fiscales n’apportent rien, et de ce fait ne les soulagent pas. Dans ce cas, l’augmentation des allocations familiales a davantage d’effets. Pierre Kohler est partisan de l’introduction de prestations complémentaires pour les familles (PCFam), notamment pour les familles monoparentales, dans le but de remplacer ou d’éviter le recours à l’aide sociale.

A choisir, pour soulager le porte-monnaie des familles des classes moyennes, «car elles paient pour tous!», il plaide pour des déductions fiscales, l’augmentation des allocations familiales et la réduction des primes d’assurance-maladie.

Transformer les bourses en prêts d’honneur

Quant aux bourses de formation, Pierre Kohler suggère de les transformer en prêts d’honneur: «ces bourses, ce sont, dans notre cas, les contribuables jurassiens qui les paient, et les étudiants ainsi subventionnés, qui ont étudié à Fribourg, Lausanne ou Genève, ne reviennent pas forcément dans le Jura. Il n’y a pas dans ce cas de retour sur investissement. Si un étudiant boursier ayant fini ses études gagne ensuite bien sa vie, par exemple comme avocat ou médecin, il devrait rembourser, pour permettre à d’autres de bénéficier d’un prêt. Celui qui ne trouve pas de place de travail, cesse ses études ou n’a pas de grands moyens n’aura pas à rembourser. C’est plus juste ainsi!»

Alors que la libre circulation des personnes a amené en Suisse un nombre élevé de familles étrangères, cela crée certaines difficultés pour les collectivités en matière d’infrastructures et pose des problèmes d’intégration. Pierre Kohler est certes d’accord avec la mise en place de mesures spéciales pour accueillir les enfants étrangers – comme des appuis et des cours de langue – mais il est d’avis que les enfants doivent avant tout s’intégrer dans les structures existantes: crèches, garderies, jardins d’enfants, clubs sportifs, associations de quartier, etc. Il s’agit de favoriser la compréhension de la langue et la connaissance de la culture de la société locale.

Pas question, donc, d’accepter la formation de ghettos. «Il faut veiller, dans les procédures de naturalisation des étrangers, qu’ils maîtrisent une langue nationale, et ne pas accepter que des femmes qui sont là depuis des années soient confinées à la maison sans apprendre la langue du pays où elles vivent».

(*) Il faisait suite à une étude de l’Université de Bâle sur le droit de la famille commandité par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, qui proposait des mutations assez profondes de la famille.


Encadré

Duel pour le siège PDC jurassien au Conseil des Etats

Natif de Delémont, chef-lieu de la République et Canton du Jura, Pierre Kohler, 51 ans, est marié à une enseignante et est père de deux enfants. Après sa maturité socio-économique au Collège St-Michel à Fribourg, il obtient une licence en droit à l’Université de Fribourg, puis un brevet d’avocat jurassien après un stage chez Me Vallat, à Porrentruy. Passionné de politique dès sa jeunesse, il fonde les Jeunes démocrates chrétiens (JDC) de Delémont en 1983 puis devient en 1989 président des JDC Jura. Conseiller de ville à Delémont, puis député au Parlement jurassien, il est élu conseiller d’Etat (on dit ministre dans le Jura) et prend la tête du Département de l’Environnement et de l’Equipement de 1993 à 2002. Il est président du Gouvernement jurassien en 1995 et 2000. Il est ensuite élu au Conseil national (2003-2007) puis devient maire de Delémont, fonction qu’il occupe du 1er janvier 2009 au 21 mars 2015. Il démissionne, à la surprise générale, près de 3 ans avant la fin de son second mandat, avant d’annoncer sa volonté de retourner sous la Coupole fédérale. Depuis octobre 2010, Pierre Kohler est à nouveau député au Parlement jurassien. Le PDC du Jura a placé sa candidature aux Conseil des Etats sur la même liste que la sénatrice sortante, la PDC Anne Seydoux-Christe, qui se représente. Actuel président du Conseil des Etats, le socialiste Claude Hêche, 62 ans, se représente lui aussi, et devrait être réélu aux côtés d’un ou une PDC, soit Pierre Kohler, soit Anne Seydoux-Christe. (apic/be)

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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