Exit dignitas

Les affaires concernant le suicide assisté enflamment régulièrement la sphère médiatique. Le débat est régulièrement ré-attisé, dans ces broussailles émotionnelles si desséchées. Au milieu de la dense forêt des arguments pour ou contre, on peut facilement se perdre. Difficile de trancher entre le bon grain et l’ivraie. La question de la souffrance est particulièrement épineuse, celle de la liberté humaine, également.

Mais parmi les motivations avancées chez les personnes candidates au suicide assisté, on trouve souvent la préservation de la «dignité». Elles veulent souvent éviter de devenir un poids, une charge pour leurs proches. Elles redoutent de mourir aussi dans des cris, des râles, une expulsion des fluides corporels. Elles craignent la perte de leurs capacités, leur position sociale, le changement du regard de l’autre.

Une conception de la «dignité» qui nous paraît aller de soi, mais qui reste malgré tout subjective. On peut même la qualifier de dérangeante lorsqu’elle nous oblige à considérer, par extension, que nos grands-parents, nos aïeux, nos proches, toutes les personnes qui n’ont pas choisi sciemment de mettre fin à leurs jours, seraient décédées de façon indigne.

Cette notion de «dignité» est comme beaucoup d’autres qui conditionnent nos comportements le fruit de notre culture. Elle ne survient chez l’humain qu’à partir d’un certain stade de développement. Les excréments et l’urine ne révoltent pas les petits enfants, ni les animaux. Ils sont également indifférents à «l’honneur» et à l’orgueil. Ce n’est qu’au contact de nos congénères et de leurs visions du monde que nous commençons à considérer des choses comme «indignes». Il est possible qu’un certain aspect de la culture judéo-chrétienne y joue un rôle, où les choses «bassement» terrestres sont dévaluées.

Mais une idée prégnante dans notre culture joue un rôle prépondérant dans notre conception de la dignité: le besoin de contrôle.

Un cliché récurrent présent dans beaucoup d’œuvres culturelles contemporaines, notamment les films, met en scène un héros qui se donne la mort, d’habitude pour sauver ses compagnons, la planète, ou pour d’autres motifs altruistes. Si la valeur du sacrifice y est mise en exergue, ressort également celle du contrôle. Le héros est un héros parce qu’il choisit son destin, il maîtrise sa vie jusqu’au dernier instant.

L’acceptation, le lâcher-prise sont certainement des valeurs moins présentes dans notre société où l’efficacité et la liberté sont fortement valorisées. Il semble néanmoins évident pour beaucoup que ce contrôle que nous voulons prendre sur nos vies est le plus souvent illusoire. Une illusion qui permet certes de faire reculer la peur, mais qui reste un mensonge à nous-mêmes. Et finalement, au bout du chemin, nul ne peut éviter la mort, qui elle est bien réelle.

Raphaël Zbinden| 27.10.2015

 

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