Loi et charité

J’ai été surpris des réactions hostiles enregistrées par l’Echo aux interviews de trois ex gardes suisses qui se prononçaient de façon argumentée en faveur de l’UDC. Ces réactions méritent qu’on s’y attarde car elles illustrent les difficultés auxquelles se heurte notre Eglise dans la prise en compte du pluralisme des points de vue éthiques.

D’abord il faut rappeler que le rôle de l’Eglise n’est pas de définir des orientations politiques. Depuis les origines il y a toujours eu en son sein des courants plus conservateurs et d’autres plus progressistes. La première encyclique sociale de Léon XIII date de 1891, et il y eut des curés en Bretagne qui ont fait prier leurs ouailles pour le salut de ce pape dont l’âme avait été captée par Satan!

Le rôle de l’Eglise est de proposer des orientations morales pour l’action individuelle et collective. Elle le fait à travers l’enseignement social-chrétien qui est fondé sur les dix Commandements et le nouveau Testament. Dans ce dernier le texte le plus fondamental est les Béatitudes qui explicitent la loi de l’Amour proposée par le Christ.

Les Chrétiens, comme tout un chacun, ont tendance à choisir dans ces textes ce qui les arrange. Certains mettent davantage l’accent sur la Loi (les dix Commandements) d’autres sur les Béatitudes. La première nous dit ce qu’il faut faire. Mais elle peut nous conduire à confondre la transgression de la loi qui est condamnable et la personne qui la commet, à qui Dieu, comme pour l’enfant prodigue, offre toujours sa miséricorde. Les Béatitudes nous ouvrent à l’amour de l’autre et donc à l’amour de nous-même. Heureux les doux, heureux les pauvres de coeur…( Evangile de St Matthieu, chapitre 5)

Le fait d’opposer Loi et charité est une infidélité profonde au message de l’Eglise. La Loi et les Béatitudes forment un tout. Le Christ n’est pas venu abolir la Loi mais l’accomplir. Ceux, qui au nom de la Loi, refusent une partie du texte des Béatitudes et en particulier son message de justice sont dans l’erreur. De même ceux qui, au nom du commandement de l’Amour, s’accommodent du pouvoir que se donne la société sur la vie humaine. Nous en avons eu un exemple récemment avec la loi votée par le parlement sur le diagnostic préimplantatoire et son extension à la trisomie. Les Ecritures sont exigeantes et nous n’avons pas de trop de l’entier de nos vies pour les comprendre et les vivre.

Terminons par une anecdote. Lors d’un voyage en Israël, nous nous sommes rendus avec des amis sur le Mont des Béatitudes. Et là, quelle ne fut pas notre surprise de voir, barrant l’entrée de ce lieu aménagé par des sœurs italiennes, un très grand panneau ne comportant que des interdits; il y avait là six grands pictogrammes allant de l’interdit des pique-niques à celui des shorts, de l’interdiction de fumer à l’interdiction de photographier, de celle de parler bruyamment à celle de porter des armes.

Introduire le lieu des Béatitudes par un ensemble d’interdits nous a paru extrêmement curieux. Ce n’est pas ainsi que l’on peut distinguer l’essentiel de l’accessoire et comprendre la vérité des deux messages des Ecritures. Il y a nécessité de tracer des ponts aujourd’hui entre la Loi et la Charité. Rappelons l’épître de St Paul. « J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante» (1ère lettre de St Paul aux Corinthiens chapitre 13).

Jean-Jacques Friboulet | 30.10.2015

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