Journée des migrants: Monthey en «flagrant-délit» de solidarité

Monthey, 08.11.2015 (cath.ch-apic) Des paroissiens catholiques et protestants de Monthey et des migrants se sont retrouvés, le 7 novembre 2015, autour d’un repas «Aux saveurs du monde» où il a été question du rôle que doit jouer l’Eglise dans l’accueil et l’intégration des étrangers.

«Idéalement, j’aimerais qu’à l’occasion de ce repas, chacun aie fait connaissance avec un étranger», souhaite Jaqueline Rigamonti, coordinatrice du groupe Réfugiés-rencontre. «Regardez, poursuit-elle, ils sont là et tout se passe bien, c’est l’Eglise vivante!», renchérit-elle. Le rôle d’accueil de l’Eglise est très important à ses yeux car elle permet de dépasser la peur de l’autre et le rapprochement des cultures. Cette soirée doit donner une idée positive du monde d’ailleurs. Ce que le curé Willy Kenda confirme en voyant dans ce repas « une Eglise d’acceuil » et surtout le sens d’un véritable engagement de laïcs en paroisse, qui apportent une vraie richesse à l’Eglise. Surpris par le succès de la soirée, il estime que «l’hospitalité est le sommet de l’amour du prochain». Mario Giacomino, diacre de la paroisse protestante et membre du groupe Réfugiés-rencontre, parle, pour sa part, d’un accueil digne des étrangers comme un défi de l’amour. «N’ayons pas peur, la différence est une richesse. Les Eglises doivent donner ce message, c’est dans notre ADN», affirme-t-il.

Pas d’angélisme

L’accueil reste la priorité mais sans naïveté. « Ne tombons pas non plus dans l’angélisme », relativise la coordinatrice du groupe. Elle évoque des cas, plutôt rares, de migrants venus solliciter de l’aide avant de disparaître. « Parfois on se fait rouler mais, poursuit-elle, il ne faut pas avoir peur d’être pris en flagrant-délit de solidarité! », s’exclame-t-elle en citant Mgr Jacques Gaillot qui avait tenu le propos, douze ans plus tôt, lors d’un passage à Monthey. Mario Giacomino, sur la même longueur d’onde, parle d’un cadre à poser pour « privilégier l’accueil des migrants sans regard angélique mais dans la vérité et d’une manière bien structurée ». Il a participé à l’élaboration de la plateforme mise en place par le diocèse de Sion, l’Eglise évangélique réformée du Valais (EREV) et le canton du Valais pour l’accueil des migrants. Il est aussi aumônier des prisons où il visite, en Valais, des requérants d’asile déboutés, ce qui lui confère une bonne connaissance des réalités difficiles de la migration.

L’Eglise à contre-courant

«C’est une belle ouverture pour nous comme pour eux», estime Anne-Marie, «vaudoise requérante d’asile, immigrée  en Valais», précise-t-elle avec humour. Ce repas est l’occasion de se cotoyer sans à-priori et d’entamer un dialogue tout en démontrant que la cohabitation est possible. «Parfois j’ai honte d’être Suisse», souffle-t-elle en faisant allusion au score réalisé par l’UDC aux récentes élections fédérales. «Avec le tour que prennent les choses, je m’inquiète beaucoup pour mes petits-enfants. Comment vont-ils pouvoir cultiver la fraternité si on montre ainsi du doigt les étrangers?», se demande Jaqueline Rigamonti. Elle espère qu’avec l’appel lancé par les Eglises et le canton en faveur des migrants, des bonnes volontés vont se lever. «En intégrant bien les nouveaux arrivants, nous préparons l’avenir», assure-t-elle. Mario Giacomino estime, pour sa part, que ces élections n’ont rien donné de bon. «Mais, justement, l’Eglise doit se profiler davantage sur l’accueil des migrants», estime-t-il. «Marchons à contre-courant, cela n’a rien de révolutionnaire, c’est notre devoir. La Bible est la vraie révolution», martèle-t-il.

Dilaoguer pour dépasser les préjugés

Sherin, kurde d’Irak, a préparé du boulgour et des aubergines farcies. Elle participe chaque année au souper et c’est pour elle un vrai plaisir de faire connaître sa culture à travers la cuisine. L’Eglise a, selon elle, un rôle à jouer dans l’accueil des étrangers. Participer à une soirée organisée par des catholiques et des protestants ne pose aucun problème à cette musulmane pratiquante. «Vous savez, j’ai des copines de toutes les religions ici. En Irak c’était comme ça. C’est naturel pour nous», répond-elle amusée. L’exode est difficile pour elle et son mari, partis à cause de la guerre. Toute sa famille est restée au Kurdistan. Le fait de partager, même brièvement, avec des convives est réconfortant. «L’Eglise doit jouer un rôle autant dans le partage et le dialogue que d’intégration», estime Kheira, algérienne installée en Suisse depuis 1992. «Les étrangers aussi doivent faire un effort en sortant de leur communauté, en s’adaptant au pays, même si cela prend du temps», ajoute-t-elle en évoquant l’apprentissage de la langue. Elle a eu l’occasion de discuter avec des convives à qui elle servait son couscous. «Il faut dialoguer pour dépasser les préjugés. Tous les musulmans ne sont pas des poseurs de bombes», assure-t-elle, navrée d’avoir à répéter souvent cette évidence.

La coordinatrice du groupe Réfugiés-rencontre ne sait plus où donner de la tête. Les 180 couverts prévus pour le quatrième «repas aux saveurs du monde», organisé avec les paroisses catholique et protestante de la ville, sont insuffisants. Les bénévoles courent chercher des tables qu’ils dressent à la va-vite, jusque dans le hall d’entrée de la Maison des jeunes. Ce «Repas au saveurs du monde» concocté par les migrants a finalement rassemblé plus de 250 convives.


Encadré

Le Groupe Réfugiés-rencontre

A Monthey, le groupe Réfugiés-Rencontre est interparoissial et actif dans l’accueil des personnes venues d’ailleurs et la promotion, en Suisse, du respect de leur culture. Cet objectif se déploie dans une action quotidienne, à temps et à contre-temps, et répond aux nombreux appels explicites ou très discrets.

Ainsi, les «repas aux saveurs du monde», la coordination de l’action communautaire «Crèches dans nos quartiers», les visites régulières au foyer pour requérants d’asile des Barges permettent des rencontres entre autochtones et étrangers. Le groupe privilégie les démarches plus modestes et personnalisées comme les visites aux familles soutenues par les services officiels mais qui, au moment de l’installation dans leur nouvel appartement, vivent dans un grand isolement.

Le groupe se rend régulièrement au foyer pour requérants d’asile des Barges pour des échanges sur des sujets vitaux comme l’asile, la religion, les possibilités de vivre en harmonie et dans la dignité au milieu de nous. (apic/bh)

 

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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