«Pas d’amalgame!»

Ce slogan court les rues en ce temps de guerre où s’étripent joyeusement «barbares et croisés». Jusqu’à ce jour, je connaissais une acception positive de cet alliage servant à obturer une dentition cariée. Mais voilà que cette symbiose métallique serait néfaste et redoutable quand on veut en faire un usage – métaphorique – en sociologie des religions. Il ne faudrait donc pas amalgamer la Coran aux prêches djihadistes, Muhammad à Ben Laden, pas plus que Jésus à Torquemada! J’ajouterais même qu’il faut éviter de confondre le croyant lambda avec l’évangile dont il se réclame.

Donc, «distinguons pour unir», comme le préconisait un célèbre, philosophe en vogue dans ma jeunesse estudiantine. Programme périlleux en matière de religion, tant subtile est la frontière entre le bien et le mal, l’erreur et la vérité et vive la tentation, en bons manichéens que nous sommes, de peindre le diable sur la muraille et de nous compter parmi les élus.

Il est toutefois d’autres amalgames qui courent les rues avec la bénédiction de l’opinion et des gens pressés. En voici un ou deux échantillons: « Nous avons tous le même bon Dieu», «Toutes les religions distillent la violence», «Nous irons tous en paradis!», «Juifs, chrétiens et musulmans appartiennent à la religion du Livre». Et j’en passe… Ces amalgames-là, tout aussi nocifs que les premiers, sont l’expression de la paresse intellectuelle ou de la peur de voir les choses telles qu’elles sont et non telles qu’on souhaiterait qu’elles soient. La rigueur et l’honnêteté intellectuelles sont la clef d›un dialogue interreligieux vraiment constructif. Sinon, on court le risque de bâtir un accord sur l’illusion et l’apparence. Autant dire sur le sable. L’enjeu est trop important pour se contenter de la «bonne foi» des uns et des autres.

Je décèle enfin un autre danger à amalgamer les religions: celui de les confondre toutes par égard à une laïcité publique et quasi universelle ou, plus prosaïquement, pour des raisons d’économie budgétaire. Plutôt que d’en favoriser certaines, les services publics sont tentés de les ignorer toutes. Sans tenir compte de leur enracinement local, pas plus que de la valeur sociale et culturelle de leurs apports au bien commun. In cauda venenum! Dois-je comprendre ainsi la motivation qui a conduit la RTS à supprimer de ses antennes les magazines chrétiens? Plus qu’une erreur. Une faute!

Guy Musy | 19.11.2015

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