E-Changer éjecté de l'alliance COMUNDO

L’association E-Changer, basée à Fribourg, ne sera plus membre, dès le 31 décembre 2016, de l’alliance COMUNDO, la plus grande organisation suisse de coopération au développement par l’échange de personnes. Ainsi en a décidé, après discussion, l’assemblée générale de COMUNDO, qui s’est tenue le samedi 5 décembre 2015 à la RomeroHaus de Lucerne.

La cinquantaine de membres présents ont suivi le comité de Bethlehem Mission Immensee (BMI), qui dispose d’une majorité automatique au sein du comité de COMUNDO, qui proposait de «mettre un terme à la collaboration» avec E-Changer pour la fin de l’année prochaine.

Le personnel des bureaux de Lucerne, Bellinzone et Fribourg ainsi que les coopér-acteurs et les coopér-actrices actifs dans les pays du Sud (une centaine dans 11 pays) ne devraient pas être touchés et leur contrat de travail, signé avec BMI, est maintenu, assure Rosmarie Dormann, présidente de BMI. Samedi, l’assemblée générale à Lucerne a refusé, après débat, les amendements aux statuts de l’association COMUNDO proposés par E-Changer. Bernard Fragnière, président de l’association romande, assistait à l’assemblée, mais ses propositions n’ont pas été retenues.

Majorité automatique pour BMI, pas de projets autonomes dans les régions

«Dans une perspective constructive et positive», E-Changer présentait un contre-projet. L’association romande demandait que l’on accepte que les associations membres disposent d’une marge de manœuvre et d’un droit légitime de mener des activités et des projets autonomes qui ne soient certes pas en concurrence ou contradictoires avec ceux développés par COMUNDO.

Elle réclamait également un rééquilibrage des pouvoirs, afin que lors de l’assemblée des délégués aucune des associations membres n’ait à elle seule la majorité absolue.

Pas de garantie de représentation des minorités dans le comité

E-Changer voulait également que la présence au sein du comité de toutes les régions linguistiques soit garantie. Ces amendements ont été rejetés, les statuts adoptés prévoyant simplement que «les régions linguistiques doivent dans la mesure du possible être représentées au comité, les sexes doivent être représentés au comité». Ainsi, la présence des minorités linguistiques au sein du comité n’est pas obligatoire, et les membres ne sont pas autorisés à planifier, financer ou exécuter des activités autonomes.

Rosmarie Dormann, présidente de BMI, et son vice-président Norbert Kieliger, affirment que du point de vue de BMI, la rupture est «irrévocable» avec E-Changer, qui était pourtant une des organisations qui a porté le projet de l’alliance COMUNDO. Cette alliance a été conclue en 2013 entre BMI à Lucerne, E-CHANGER, à Fribourg, et Inter-Agire, à Bellinzone. Ayant dénoncé le contrat de coopération avec E-Changer, l’une des associations fondatrices de COMUNDO, BMI affirme vouloir chercher un nouveau partenaire en Suisse romande pour être présente dans les trois régions linguistiques. Elle veut fonder juridiquement l’association COMUNDO dans la seconde moitié de l’année 2016.

E-Changer ne baisse pas les bras

Le ton était grave vendredi soir 4 décembre à la Brasserie de la Gare à Fribourg, lors de l’assemblée générale extraordinaire de l’association E-Changer, qui a réuni une quarantaine de membres. En ouverture, le président Bernard Fragnière n’a pas caché que le contexte était «extrêmement difficile», tout en gardant l’espoir qu’E-Changer allait continuer, sous une autre forme, sa lutte pour construire «un autre monde possible».

Il a été conforté par des messages de soutien venant notamment du Burkina Faso, ou encore des Valaisans Guy et Jeanine Balet, fondateurs il y a 57 ans de «Frères sans Frontières» (FSF), qui allait devenir E-Changer, et de la présidente d’Inter-Agire.

Gros dégât d’image

Le syndicaliste fribourgeois s’est dit déçu «que nous n’ayons pas pu réussir en Suisse ce que nous essayons de pratiquer dans les pays du Sud!» Il regrette aussi le dégât d’image causé par cette affaire, alors que la coopération au développement n’est déjà pas en odeur de sainteté dans certains milieux politiques en Suisse. Il a relevé qu’au sein du comité de COMUNDO, dont il fait partie, E-Changer n’avait pas voix au chapitre, «le pouvoir de BMI étant sans partage». Une attitude de gestion «verticale», qui va à l’encontre de la culture d’E-Changer, qui fonctionne sur une base associative, en consultant et en associant ses membres aux décisions.

Ce qui a le plus affecté E-Changer, c’est l’interdiction qui lui est faite, dans les statuts de COMUNDO, de développer des initiatives propres, qui correspondent à son «ADN». «Nous risquons ainsi de perdre toute notre dynamique de mouvement social de base», a souligné le président. «Aucun membre du comité d’E-Changer ne pense travailler et s’investir bénévolement dans un tel contexte!»

Une simple logique d’absorption

BMI n’était pas dans une logique d’alliance avec E-Changer, a-t-il déclaré, mais dans une simple logique d’absorption, nous considérant comme des idéalistes, alors qu’eux seraient des professionnels. «On a toujours été dans un esprit de partenariat loyal, alors que pour eux, on voulait monter une structure parallèle, avec nos propres projets».  Les tentatives de médiation – avec un médiateur externe – qui ont été menées durant des mois ont toutes échoué.

Les conséquences financières de cette rupture sont graves pour E-Changer. En effet, les réserves d’E-Changer avaient été transférées à Lucerne au début de l’alliance, et il en va d’un million et demi de francs. L’association romande a bien l’intention de récupérer une partie de ce fonds de départ – E-Changer n’a plus que 300’000 francs en caisse –  et ne va pas laisser BMI récupérer à son seul profit l’appellation COMUNDO. Elle va défendre ses intérêts avec le soutien d’un avocat.

Pour Bernard Fragnière, BMI a grandement sous-estimé les conséquences que cette rupture sur les relations avec  la Direction du Développement et de la Coopération de la Confédération (DDC), qui subventionne les projets de COMUNDO. A son avis, c’est tout le processus d’accréditation auprès de la DDC qui va devoir être repris, alors même que les pressions augmentent sur la DDC, qui voit ses crédits se réduire. (cath.ch-apic/be)

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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