La Saint-Nicolas de Fribourg: Une tradition ancestrale?

Chaque premier samedi de décembre, le cœur de la ville de Fribourg bat au rythme des tambours de la Saint-Nicolas. Une nouvelle fois ce 5 décembre, l’évêque de Myre a fait le déplacement vers la cité des Zähringen pour le plus grand plaisir des 25’000 «fidèles» venus l’acclamer – et recevoir ses fameux biscômes. Si cette tradition paraît ancestrale, elle ne remonte pourtant qu’au début du XXe siècle.

Cette année encore, la foule était compacte pour assister au cortège de saint Nicolas et ses pères fouettards. En procession vers la cathédrale, le premier distribue les biscômes aussi promptement que les seconds brandissent leur fouet. A les voir défiler ainsi, on dirait que ceux-là n’ont jamais cessé de fouler les pavés fribourgeois depuis les temps les plus reculés du christianisme.

Depuis 1906

Cette tradition ne remonte pourtant qu’au début du XXe siècle – en 1906 plus exactement – lorsqu’un groupe d’étudiants du Collège Saint-Michel prépara dans le plus grand secret une «farce» pour la fête du patron de Fribourg. Ils firent défiler l’antique évêque dans les rues de la ville, craignant la réprobation de la direction de l’école. Il n’en fut rien: un immense succès couronna leur initiative. La tradition reprit vie à ce moment-là et chaque année depuis, la classe de rhétorique du collège est chargée d’organiser la manifestation. C’est d’ailleurs l’un de ses étudiants qui revêt la chasuble et la barbe blanche de l’évêque de Myre tous les ans au début du mois de décembre.

Ces collégiens n’ont rien inventé. Ils ont simplement ressuscité une pratique plus ancienne. Depuis le Haut Moyen Âge, l’Eglise avait coutume d’accentuer la dimension théâtrale de ses liturgies pour instruire ses fidèles, majoritairement illettrés. C’est ainsi que les vitraux narrèrent l’Evangile et les parvis des églises devinrent des théâtres. On y jouait des scènes tirées des Saintes Ecritures et des cortèges de saints personnages étaient organisés pour préparer de leur célébration liturgique.

Ces manifestations religieuses populaires coïncidèrent rapidement avec des manifestations laïques, accompagnées de réjouissances populaires. A Fribourg, c’est le cas du cortège de la Saint-Nicolas dont les origines remontent à une grande foire bien plus ancienne, la «Foire aux étrennes», qui avait lieu au début de l’hiver.

L’interdiction du Conseil de ville

Or, rapidement, les excès de l’une firent du tort à l’autre au point que le Petit Conseil de la ville frappa d’interdit, le 3 décembre 1764, «toute céleste présence parmi les excès des ivrognes et les débordements moraux entraînés par les mouvements d’une foule commerçante en goguette».

Il aura fallu attendre 142 années pour que le défilé de la Saint Nicolas reprenne vie. Depuis 1906, la fête s’est régulièrement déroulée, hormis quelques exceptions durant les premières années et durant la 2e Guerre mondiale. Elle a pris un caractère officiel et solennel pour les étudiants du Collège Saint-Michel et pour toute la population fribourgeoise, attachée à saint Nicolas, patron de la ville.


Encadré:

Le discours de saint Nicolas

Dans son discours à l’issue du cortège, saint Nicolas est revenu sur les sujets qui ont fait l’actualité de cette année, notamment le scandale Volkswagen. «Prenez soin de ne pas polluer l’air, faites comme moi, employez la seule véritable voiture du peuple: un âne», a-t-il déclamé du balcon de la cathédrale fribourgeoise. «Ne vous abrutissez pas devant des écrans, soyez curieux et inventifs. Un livre vaut mieux qu’un jeu vidéo», a-t-il encore demandé à ses «bien chers enfants», «à l’image de notre cantonnier [Michel Simonet] qui transforme la poussière de nos rues en roses éclatantes».

Saint Nicolas a également fait mention de son «long et difficile» voyage jusqu’en Suisse. «Les frontières ont réapparu plus impressionnantes encore. Je ne suis pas le seul à vouloir rejoindre cette paisible Suisse. Espérons que chacun saura ouvrir son cœur», a-t-il affirmé avant d’encourager la foule à «réchauffer les cœurs plutôt que d’attiser la peur».

Saint Nicolas, qui boit «un grand verre de lait tous les matins», comprend «le raz-le-bol» des paysans. «Un grand lait est inestimable», a-t-il également martelé, avant d’aborder, en deux langues, l’importance du bilinguisme.

L’origine du culte: deux hypothèses

L’origine du culte de la saint Nicolas à Fribourg fait débat parmi les historiens. Deux hypothèses sont avancées. Une première mentionne les ducs de Zähringen comme ses initiateurs. Une seconde le fait remonter aux chanoines du Grand-Saint-Bernard qui, dans le courant du Xe siècle, propagèrent le culte de saint Nicolas, après l’avoir proclamé patron de leur hospice. Les chanoines possédaient en effet plusieurs prieurés dans le futur canton de Fribourg, notamment à Semsales et à Sévaz. (cath-ch-apic/pp)

 

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

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