Messe du jour de Noël
Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Psaume 96; Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18 ou 1, 1-5.9-14
C’est beau de voir comment Dieu s’y prend pour se faire connaître, pour faire irruption dans l’épaisseur de notre humanité. C’est toujours étonnant de voir comment Dieu travaille la pâte humaine.
On attendait un Dieu de puissance, et c’est la fragilité d’un enfant qui nous est donnée, la fragilité d’un sourire, la fragilité d’une liberté neuve.
On attendait à le voir dans des églises, dans des sanctuaires et cela se passe dans une étable sur la paille et au milieu des odeurs.
On s’attendait à une organisation grandiose, à un système bien huilé et c’est la nudité
d’une PAROLE, « le Verbe fait chair ».
« ce Verbe qui au commencement était auprès de Dieu,
ce Verbe qui était Dieu,
ce Verbe par qui tout est venu à l’existence,
ce Verbe qui est la vie et la lumière des hommes »
Vous l’aurez remarqué : l’Evangile du jour de Noël, ce fameux prologue de saint Jean nous
déplace…
Lors de la messe de la nuit, on était au descriptif de la naissance de Jésus dans les
conditions de pauvreté que l’on sait. On était au niveau de l’événement.
Aujourd’hui, jour de Noël, saint Jean nous pousse d’emblée à prendre de l’altitude
ou mieux de la profondeur. Il s’agit de ne pas rester à l’emballage, simplement à l’émotion devant ce Nouveau-Né, Sauveur du monde. Il s’agit d’en saisir le sens, d’aller au cœur de l’événement, d’en dégager les conséquences pour nos vies, pour toute l’humanité.
Si Dieu se met ainsi à hauteur d’homme, dans un amour infini, nous découvrons, émerveillés, que nous devenons capables de Dieu, que nous sommes appelés à l’inouï, devenir ce que Jésus est, devenir fils et filles bien-aimés du Père. C’est l’affirmation qui est au cœur, qui est le cœur du prologue de St Jean :
« A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, ceux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de DIEU. »
Frères et Sœurs, est-ce que nous mesurons assez l’immensité de ce cadeau de Noël. L’énormité de ce que le Seigneur nous offre par la naissance de Jésus ?
C’est réellement vertigineux, abyssal, extra-ordinaire au-delà de tout ce que nous pouvions imaginer !
Oui, si tu savais le don de Dieu …
Dieu n’est plus à conquérir, il est à accueillir.
Il vient naître en chacun, chacune de nous.
Pour laisser ce mystère de Noël nous fasciner et nous façonner, il nous faut apprendre 3 choses, comme 3 couleurs à contempler, comme 3 notes de musique à harmoniser, comme 3 chantiers de vie à ouvrir.
Premièrement, il nous faut réapprendre le silence, un silence d’émerveillement avec Marie, Joseph et les bergers.
Notre monde se saoule de trop de bruits étourdissants – et souvent on fait du bruit avec soi-même -.
Peut-être faut-il redécouvrir et apprivoiser un silence qui donne chance à la PAROLE faite CHAIR, un silence où on laisse monter à la conscience les questions essentielles que la vie nous pose :
qui suis-je ? qu’est-ce que je fais de ma vie ? A quoi, je la dépense ?
Deuxièmement, il nous faut ré-apprendre la pauvreté comme véritable richesse.
La naissance de Jésus se passe dans le dénuement, dans la simplicité, dans la transparence. Pour être à la hauteur de l’événement du salut, il est indispensable de nous dépouiller de tous les masques et les carapaces. Oser vivre dans la nudité de l’être sans système de défense, sans anesthésie. Cette pauvreté qui a l’allure de la sobriété me rendra aussi proche de tous mes frères et sœurs en humanité, en particulier ceux et celles qui vivent des pauvretés matérielles mais aussi psychiques et spirituelles.
Troisièmement, pour être en consonance avec Jésus et son mystère de naissance,
il nous faut ré-apprendre le goût de la chair,
« Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous »
Peut-être avons-nous trop vécu une religion désincarnée avec une méfiance pour tout ce qui touchait la vie du corps. On parlait volontiers de sauver son âme…le Christ vient sauver des hommes et des femmes – corps cœur et esprit – dans leur épaisseur d’humanité.
Il nous faut prendre de la distance face à tous les angélismes et les étourderies du ciel.
Avec Jésus, il nous faut retrouver le goût d’une vie « terrienne » :
avoir les pieds sur terre dans la paille des événements,
avoir de l’infini dans le cœur,
avoir du ciel dans les yeux.