Saint-Maurice: la vocation de laïc, une joie quotidienne

Une cinquantaine de laïcs engagés en Eglise se sont rassemblés pour les journées thématiques de la Communauté romande de l’apostolat des laïcs (CRAL) les 23 et 24 janvier à Saint-Maurice sur le thème «Laïcs en Eglise et dans la société: une vocation source de joie et de bonheur». Le conférencier, l’abbé François-Xavier Amherdt, a proposé une réflexion sur la joie au quotidien, une joie pour le monde puisée dans la rencontre avec le Seigneur.

Des journées thématiques sur deux jours, la formule plaît, et elle s’est imposée depuis 2007. «C’est une bonne solution: nous avons plus de temps pour intérioriser les conférences, partager entre nous et prier. Cela permet de mieux entrer dans le thème et de le faire résonner autrement. Et les temps de convivialité sont importants pour mieux nous connaître», relève Melchior Kanyamibwa, secrétaire animateur de la Communauté romande de l’apostolat des laïcs (CRAL).

Une cinquantaine de participants, représentants de vingt-trois mouvements d’apostolat de Suisse romande, étaient réunis les 23 et 24 janvier au Foyer franciscain à Saint-Maurice. Ils étaient accompagnés le samedi par l’abbé Christophe Godel, vicaire épiscopal pour le canton de Vaud et répondant de la CRAL auprès de la Conférence des ordinaires de la Suisse romande (COR). Dans la prière d’ouverture il a rappelé, citant Benoît XVI, que les mouvements d’Eglise sont des lieux où témoigner de l’amour, de l’unité et de la joie et des écoles de communion pour diffuser la lumière du Christ dans les divers milieux de vie.

Projet Vitalis

Le nouveau président de la CRAL, Lorenzo Lanni, a inscrit la journée dans un mouvement de redynamisation concrétisé par Vitalis, un projet de revitalisation des liens fraternels des mouvements et organisations de laïcs catholiques en Suisse romande. Issu des mouvements d’Action catholique, il a été proposé par le bureau.

Le laïc est appelé à faire l’expérience de l’Amour de Dieu.

Son but? Inaugurer une nouvelle manière d’être en communion; instaurer un échange mutuel et régulier qui soit vecteur d’enthousiasme et de stimulation; insuffler une coopération qui soit vraiment missionnaire et obtenir une plus grande visibilité de la CRAL en Suisse romande. Dans la conviction que les chrétiens ont à bâtir un monde plus humain. Il devrait déboucher sur l’organisation, en 2018, d’une fête sur la place de la Riponne à Lausanne clôturée par une messe à la cathédrale. D’ici là, les membres des mouvements sont invités à prendre contact avec un maximum d’organismes et d’associations oeuvrant en Suisse romande et en lien avec des paroisses, des mouvements ou des congrégations religieuses.

La scie et le rabot

Le conférencier, l’abbé François-Xavier Amherdt, professeur de théologie pastorale à l’Université de Fribourg, a emmené les participants sur les chemins de la joie. Trois temps ont ponctué sa réflexion: la vocation du laïc, les sources de la joie et du bonheur, l’engagement dans l’Eglise et dans le monde.

La vocation du laïc, membre du peuple de Dieu, est une ouverture «à la musique de l’Esprit qui chante en chacun sa mélodie» et à sa fécondité. Elle sa source dans le baptême: par lui, le laïc est appelé à faire l’expérience de l’Amour de Dieu qui le transforme et à se laisser habiter par la grâce de l’Esprit qui l’invite à renaître. Tous les baptisés, a rappelé le conférencier, sont prêtres, appelés à se donner, prophètes, porte-parole, rois-serviteurs, chargés de faire l’unité. Et, affirme la constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, appelés à la sainteté comme déploiement plénier de la grâce baptismale.

Chacun est important comme membre du Corps du Christ

Chacun est important comme membre du Corps du Christ et comme une des six cordes de la guitare, appelé à s’accorder, à s’ajuster aux autres; chacun a sa voix, «indispensable dans la chorale des vivants et la communion des saints, même la scie, le rabot et les clous». Et chacun est apôtre, envoyé. «Tous les fidèles sont appelés à rayonner la joie de l’Evangile», écrit François dans Evangelii gaudium («La joie de l’Evangile»), qui reprend les intuitions de Vatican II dans Apostolicam actuositatem («L’activité apostolique du peuple de Dieu»). Baptisés et confirmés, certains assument des services bénévoles; d’autres, mandatés, participent à l’exercice de la charge pastorale.

Ma semaine avec Dieu

Comment vivre cette vocation jour après jour? «Avec Dieu, c’est toujours le moment favorable», a affirmé l’abbé Amherdt, qui a décliné les jours de la semaine selon les sept dons de l’Esprit en commençant par le dimanche. D comme Dieu: le dimanche est le jour du Seigneur, jour de repos et de liberté pour reprendre souffle, jour où «Dieu est à l’œuvre en chacun de nous» et nous invite au partage. J’ai rendez-vous avec Dieu dans ma famille, ma paroisse, mes amis et en moi-même dans l’Eucharistie pour l’aimer comme un Père – premier don de l’Esprit.

La vraie joie? Elle est d’abord intérieure, elle naît de la présence de Dieu au fond de nous

L comme lunettes: le lundi est le jour où nous sommes invités à «voir des signes d’espérance là où nous ne les attendions pas», à «nous ouvrir aux surprises de l’Esprit» au cœur du monde. Alors chaussons les bonnes lunettes «afin de faire les bons choix pour l’avenir» – c’est le don de conseil, de discernement. M comme mouvement, communauté: le mardi est le jour du rendez-vous avec les autres, auxquels Dieu s’identifie. «Quel frère, quelle sœur le Christ me demande-t-il d’aimer comme lui? Celui qui est différent, celui qui ne pense pas comme moi, celui qui cherche comme moi.» Pour cela, je dois demander le don d’intelligence.

M comme «main-tenir, main-tenant»: le mercredi, jour où «marcher pas à pas dans la confiance, où tenir, durer, où vivre la grâce de la persévérance et de la fidélité». J’ai rendez-vous dans la durée, qui demande le don de force. J comme Jésus, visage du Père. Jésus avec qui nous avons rendez-vous dans la prière, relation personnelle vécue dans le silence: «Mettons tout sur ›silencieux’ pour nous brancher sur lui. Alors nous pouvons tout lui dire». C’est l’accueil du don d’adoration, «émerveillement devant la tendresse de Dieu». V comme Vérité: j’ai rendez-vous pour «l’opération vérité et transparence: pour passer ma vie au scanner de l’Esprit avec Marie et ainsi sortir du péché qui casse la relation». J’ai à implorer le don de connaissance et de science pour m’ouvrir à la vérité de Dieu.

S comme Saint-Esprit: «Il est notre vie spirituelle, notre intériorité, une invitation à descendre en nous-mêmes». S comme saint: nous sommes invités à la sainteté, à nous laisser sanctifier en nous confiant à notre saint patron et à notre ange gardien. Nous avons rendez-vous avec les sacrements, don de sagesse, «une sagesse qui donne du goût».

La pastorale du parfum

Dans un deuxième temps, l’abbé Amherdt a conduit les participants aux sources de la joie et du bonheur. D’abord, «se brancher sur le smartphone du Seigneur», à sept chiffres: bonjour, bravo, merci, parle, pardon, s’il te plaît et amen avec l’indicatif «Père, Fils, Esprit»; toujours ouvert, jamais occupé. Comment rayonner la joie? En priant: écouter ce que l’Esprit murmure à notre cœur, puis le rayonner comme la rose. «Nous ne pouvons transmettre le goût de Dieu que si nous en faisons une expérience vitale. Nous ne pouvons faire aimer l’amour de Dieu que si nous nous laissons nous-mêmes engendrer à sa propre vie. Nous ne pouvons évangéliser que si nous nous rendons disponibles.»

«Dieu n’a qu’une envie: que nous lui ressemblions pleinement.»

Le conférencier a invité à «un apostolat par osmose, comme le parfum de la fleur qui attire sans rien dire», à pratiquer «la pastorale du parfum» pour «devenir la bonne odeur du Christ». Et à un humble témoignage: la vie la plus humble et cachée fait grandir le royaume, «la plus simple prière soulève le monde», disait Thérèse de Lisieux.

La vraie joie? Elle est d’abord intérieure, elle naît de la présence de Dieu au fond de nous «comme une lame de fond». Elle est rencontre du Seigneur en nous, elle rejoint la vie profonde qui nous habite, «toujours là comme un ruisseau au milieu de la ville». Il nous faut y être attentifs dans la prière, découvrir son travail en nous et collaborer à l’action divine. C’est «la tâche la plus urgente au milieu de notre univers désorienté».

La planche à voile

Et Dieu? Plus que des connaissances à acquérir c’est, a relevé l’abbé Amherdt, une expérience qui nous transforme, nous arrache à nos égoïsmes, «déploie pour nous une voie d’épanouissement et de plénitude» si nous acceptons de nous vider. Pour cela, accueillir la grâce de la miséricorde, notamment dans le sacrement de la réconciliation. Car «Dieu n’a qu’une envie: que nous lui ressemblions pleinement, que nous soyons des femmes et des hommes debout, libres et heureux».

Le conférencier a ensuite qualifié l’abandon à l’Esprit de «révolution copernicienne»: il s’agit de «passer de la vie chrétienne où nous menons la barque à un existence que l’Esprit conduit. Choisir entre la spiritualité de la nage et celle de la planche à voile». Et du zapping au temps long: «Le présent vivant plonge ses racines dans le passé et s’offre aux promesses de l’avenir».

Une joie pour le monde

Enfin – troisième temps –, la joie reçue de Dieu nous engage dans l’Eglise et dans le monde, affirment Vatican II dans Gaudium et Spes et le pape François. La proximité de Dieu est indissociable d’une Eglise servante et solidaire de l’humanité. «Il importe de connaître et de comprendre le monde dans lequel nous vivons», dit le concile.

Au cœur du monde, le laïc est appelé à être artisan de bonheur

A ce propos, le conférencier a évoqué le changement du regard de l’Eglise sur le monde opéré par Vatican II: du face-à-face à l’inclusion. Ainsi, les chrétiens sont appelés à être dans le monde sans être du monde – «Les chrétiens sont des citoyens, l’Eglise est plantée au cœur du monde comme la croix» – et à y discerner «les signes des temps». «Non condamner le monde en perdition, mais y discerner le Christ germe, notre boussole.»

Comment témoigner dans ce monde? En passant par l’homme, sachant qu’«est chrétien ce qui est pleinement humain». Et, dans une société en mutation, attester que l’histoire a un sens, qu’elle chemine vers son accomplissement; rappeler la dignité inaliénable de chaque être humain, la valeur de l’activité humaine, la destination universelle des biens, l’urgence de la paix et de la sauvegarde de la création.

Le monde est pour le chrétien «l’oratoire et le laboratoire où il peut goûter les prémices de la résurrection» et les valeurs partagées avec les non-chrétiens ont «un poids d’éternité». Au cœur du monde, le laïc est appelé à être artisan de bonheur, a affirmé l’abbé Amherdt.

Les temps de relecture personnelle et les carrefours ont permis de s’approprier un contenu riche et de s’interroger: comment est-ce que je puise dans ma vie spirituelle et intérieure des ressources de bonheur et de joie? A quel rayonnement suis-je appelé? A quel abandon? Ils ont notamment souligné l’importance de témoigner avec joie, de rejoindre les périphéries existentielles et de mettre des lunettes pour mieux se voir soi-même et porter sur les autres et le monde un regard neuf et positif. Des temps de prière, de célébration et de convivialité ont ponctué ces journées pleines d’impulsions.

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/saint-maurice-la-vocation-de-laic-une-joie-quotidienne/