Une caricature du fondateur du mouridisme par «Jeune Afrique» fait scandale

La publication d’une caricature somme toute assez innocente du Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), fondateur de la confrérie des Mourides au Sénégal, sur le site de l’hebdomadaire panafricain «Jeune Afrique» basé à Paris, a suscité une vive indignation dans le pays. Des menaces de mort à peine voilées contre le dessinateur Damien Glez circulent sur internet.

Le dessinateur franco-burkinabé, membre de la Fondation «Cartooning for peace» http://www.cartooningforpeace.org/ avait illustré son article intitulé «Affaire Waly Seck: jeu de sac à main, jeu de vilains…» avec une caricature du fondateur de la confrérie des Mourides, Cheikh Ahmadou Bamba, qui deviendra l’une des figures les plus importantes de l’islam de la région.

Pour les fidèles de la confrérie des Mourides, le mal est déjà fait

En illustrant un article sur les dérapages liés, au Sénégal, à une affaire de port d’un sac de femme par un jeune artiste-chanteur, Waly Seck, le journal, influent en Afrique francophone, avait posté sur son site www.jeuneafrique.com un dessin représentant Ahmadou Bamba, en caftan, avec cette question: «Celui-là, pourquoi porte-t-il une robe ?» L’image a été retirée. Mais, pour les Mourides, entre 3 et 5 millions de fidèles, très puissants dans le pays où ils dominent dans le secteur informel, le mal est déjà fait.

Le 29 janvier, à Touba, fief de leur Khalife général, après la prière du vendredi, des milliers de Mourides sont descendus dans les rues  pour exprimer leur colère contre l’hebdomadaire «Jeune Afrique» qu’ils accusent de les avoir offensés. «Dieu a réservé à ces personnes infectées par Satan une punition», a déclaré pour sa part Cheikh Bass Abdou Khadre, en délivrant un message du Khalife des Mourides, Serigne Sidy Makhtar Mbacké.

Des manifestations «spontanées»

Selon les médias sénégalais, ces manifestants qui avaient «spontanément» pris d’assaut les principales artères de la cité religieuse, scandaient des slogans hostiles au journal, appelant aussi «l’interdiction de sa vente et de sa diffusion sur toute l’étendue du territoire national».

Le gouvernement et les partis politiques de l’opposition sénégalais ont apporté leur soutien à la communauté mouride, tout en dénonçant «avec fermeté» la caricature incriminée. Dans un communiqué, le gouvernement a promis «de prendre les dispositions nécessaires  à la protection de l’image des figures historiques du pays et de ses convictions religieuses».

Pour sa part, «Jeune Afrique» a présenté ses excuses aux Mourides, dans un  texte diffusé sur son site. «Nous avons publié, le 28 janvier, une première version d’un dessin de presse de notre dessinateur Glez, qui intégrait une photo du fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba. Compte tenu de l’émotion suscitée au Sénégal, nous avons préféré supprimer ce dessin et le texte qui l’accompagnait», a écrit la direction du journal.

Le journal s’excuse, pour éviter une nouvelle affaire «Charlie Hebdo»

«Avec ce dessin, a-t-il poursuivi, notre intention n’était pas de blesser qui que ce soit, et encore moins de porter atteinte à la figure vénérée par de nombreux fidèles de Cheikh Ahmadou Bamba, mais de dénoncer la bêtise de ceux qui ne font pas la différence entre un caftan et une robe, avec toutes les déductions faciles et infondées qui pourraient en découler. Une simple analogie humoristique avec l’affaire Waly Seck, donc, Nous comprenons néanmoins parfaitement que ce dessin ait pu choquer et présentons nos sincères excuses à tous ceux qui ont été offensés».

Le journal a voulu ainsi faire baisser la tension, de crainte que les fidèles mourides puissent être manipulés par des mouvements extrémistes, car, sur internet, les allusions au sort des dessinateurs de Charlie Hebdo sonnent comme un avertissement. (cath.ch-apic/ibc/com/be)

 

Jacques Berset

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