Le pape François, «très heureux» de construire un pont avec «ses frères» orthodoxes

«Je suis très heureux». C’est ce que le pape François a récemment confié à propos de sa rencontre historique avec le patriarche de Moscou et de toutes les Russies Kirill, prévue le 12 février 2016 à Cuba. Dans des propos rapportés quatre jours plus tôt par le Corriere della Sera, le pape fait part de sa joie de pouvoir «embrasser à nouveau (ses) frères orthodoxes». Il exhorte aussi l’Europe à «se réformer» et confie avoir reçu fin 2014 un coup de fil de la chancelière allemande Angela Merkel «un peu fâchée» après ses propos sur la stérilité du vieux continent.

«Ce sont des ponts qu’il faut construire. Pas après pas, jusqu’à ce que l’on parvienne à serrer la main de celui qui est de l’autre côté», confie ainsi le pape François au directeur et à un journaliste du Corriere della Sera reçus à la Maison Sainte-Marthe après l’annonce de sa rencontre avec le patriarche orthodoxe russe. «Les ponts durent et permettent la paix. Les murs, non. Ils semblent nous défendre mais ils ne font que nous séparer», poursuit le pape avant de conclure: «Il suffit de penser à celui de Berlin. Il semblait éternel mais, pouf, en un jour il est tombé».

«J’ai seulement dit que je voulais rencontrer et embrasser à nouveau mes frères orthodoxes, c’est tout», assure encore le pape. «Il s’est agi de deux années de négociations secrètes, explique-t-il, bien menées par de bons évêques».

«Les ponts durent et permettent la paix. Les murs, non».

Au cours de la conversation, le pape François appelle aussi l’Occident à construire des ponts plutôt qu’à lancer des guerres. «Concernant les printemps arabes et l’Irak, on pouvait imaginer avant ce qui pourrait se passer», fait-il observer avant d’évoquer plus précisément le chaos en Lybie: «avant (l’intervention militaire, ndlr), il n’y avait qu’un seul Kadhafi, désormais il y en a 50. L’Occident doit faire son autocritique».

Le coup de fil d’Angela Merkel

Souvent accusé d’être sévère avec la vieille Europe, le pape François révèle avoir reçu un coup de téléphone de la chancelière allemande Angela Merkel peu après son discours devant les institutions européennes à Strasbourg, en novembre 2014. «Elle était un peu fâchée, raconte le pape, car j’avais comparé l’Europe à une femme stérile, incapable d’avoir des enfants. Elle m’a demandé si je pensais vraiment que l’Europe ne pouvait plus faire d’enfants». Le pape François assure avoir répondu «que l’Europe peut encore en avoir, et même beaucoup, parce qu’elle a des racines solides et profondes».

«Angela Merkel était un peu fâchée car j’avais comparé l’Europe à une femme stérile»

L’Europe «possède une histoire unique», affirme le pape volontairement rassurant, «elle a eu et peut encore avoir un rôle fondamental, il suffit de penser à la culture et aux traditions qu’elle incarne». «Dans les moments les plus sombres, elle a montré qu’elle avait des ressources insoupçonnées», constate encore le pape argentin qui promet de prononcer «un discours plein d’affection» pour l’Europe lorsqu’il recevra le Prix Charlemagne, au début du mois de mai.

Pour autant, le pape invite l’Europe, face à l’afflux des réfugiés, à «changer», à «se réformer», à «reconstruire» un système éducatif «cassé». La force du vieux continent, estime-t-il, peut provenir de l’exemple de «grands personnages oubliés» comme le chancelier allemand Konrad Adenauer, le Français Robert Schuman ou l’Italien Alcide de Gasperi. Mais le pape cite aussi, de manière inattendue, l’ancienne commissaire européen et ministre des Affaires étrangères italienne Emma Bonino, figure du Parti radical. S’il reconnaît que cette militante qui s’est distinguée dans les luttes en faveur du divorce, de l’avortement ou encore de la dépénalisation de l’ usage du cannabis, «a des idées très différentes des nôtres», le pape met en avant sa grande connaissance de l’Afrique. (cath.ch-apic/imedia/ami/pp)

Pierre Pistoletti

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