« Même s’il vivent, ils meurent du dedans »
Paris, 18 février(APIC) La prostitution enfantine se développe de façon
alarmante dans de nombreux pays d’Asie. Des centaines de milliers d’enfants
de 6 à 14 ans y sont poussés ou contraints. Devant ce fléau les Eglises
d’Asie ont décidé d’agir. Avec le soutien de l’UNICEF et du Bureau international catholique de l’enfance (BICE), elles ont décidé de lancer une campagne internationale afin de mettre fin au tourisme sexuel en Asie dans les
années à venir. Lancée officiellement à Bangkok en mai 1991, puis dans
plusieurs pays d’Europe dont l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre la campagne sera lancée ces prochains jours en France.
Les « amateurs » ne manquent pas de « bonnes » raisons pour tenter de justifier ces pratiques, soulignent les initiateurs de cette campagne de sensibilisation. Ainsi, l’on assiste de plus en plus à une recherche d’explication qui vise à la banalisation de l’acte sexuel entre adultes et enfants:
« A douze ans dans ces pays, ce ne sont plus des enfants, puisque c’est
l’âge où les parents les marient. » Ou plus cyniquement encore: « Il vaut
mieux ça que de mourir de faim »… Ou bien encore « Ca a toujours existé! ».
Pour Pierre Compagnon, du Bureau International Catholique de l’Enfance
(BICE), qui rapporte ces « arguments », si ces pratiques ont toujours existé,
l’échelle est aujourd’hui bien différente. Les videos quant à elles n’existaient pas.
Ces mêmes « amateurs » disposent de guides spécialisés en matière de tourisme sexuel, tel « Spartacus ». Publié à l’intention des homosexuels et des
pédophiles, cet ouvrage recense en plus de 1’000 pages (700 en 1989) toutes
les informations sur les lieux où l’on peut trouver des partenaires. Le code « yp » (young people) renvoie aux lieux ou aux établissements où l’on peut
trouver de jeunes enfants. Le terme enfant n’apparaît, pour des raisons
évidentes, bien sûr nulle part, expliquent Monique Lousteau, de l’Association contre la Prostitution Enfantine (ACPE) et Pierre Compagnon. Par ailleurs, ces « sexe-touristes » recherchent des enfants de plus en plus jeunes,
croyant échapper ainsi aux risques de contamination du sida.
Une nouvelle forme d’esclavage
La prostitution enfantine touche de nombreux pays, non seulement en
Asie, mais aussi en Amérique latine, en Afrique et aux Caraïbes. Elle devient un moyen de publicité ou d’attraction pour ces pays qui y voient à
court terme une source de profit sans se préoccuper de la santé physique et
morale des enfants ainsi exploités.
Les causes peuvent être trouvées dans la misère croissante et la démographie galopante. « Cette misère en Thailande du Nord fait que les paysans
envoient leurs enfants travailler dans les villes par le biais de recruteurs. Les parents touchent le premier salaire qui est aussi le dernier et
ne revoient plus jamais leurs enfants. D’autres paysans vendent carrément
leurs enfants parce qu’ils ne peuvent plus les nourrir », explique Monique
Lousteau.
Il faut y ajouter l’appât du gain des classes privilégiées indigènes et
des investisseurs étrangers, l’attrait du système de consommation occidental et enfin le développement de la pédophilie et la banalisation des rapports sexuels entre enfants et adultes.
Le Père François Lefort, prêtre et médecin en Mauritanie, rappelle que
le problème est souvent lié à celui de la drogue. Il a été un des premiers
à attirer l’attention sur le phénomène pour avoir soigné des enfants odieusement déchirés par ces pratiques. « Les enfants se droguent pour pouvoir le
faire et le font pour pouvoir payer la drogue une fois qu’ils sont devenus
dépendants. C’est le cercle vicieux, mais ce sont toujours les enfants qui
paient. »
2 millions de prostituées en Thailande
Il est difficile d’établir des statistiques, puisqu’il s’agit d’activités clandestines, précise Monique Lousteau. Néanmoins les travailleurs sociaux des pays concernés peuvent donner des ordres de grandeur.
Aux Philippines, la présidente Cory Aquino a reconnu qu’elle ne ne sait
pas comment il faut aborder le problème de la prostitution enfantine. Les
chiffres sont en constante augmentation. A Manille, il y avait en 1987
quelque 76’000 enfants des rues; ils sont aujourd’hui 200’000. Parmi eux,
10 % se prostituent. En Thaïlande, selon la Protection de l’enfance
thaïlandaise, 60’000 bordels abritent 2 millions de prostituées, dont
800’000 ont moins de 16 ans.
En Inde, la traite des enfants est une activité florissante
Au Sri Lanka, où le phénomène est plus récent, ce sont quelque 10’000
garçons qui sont sous l’emprise de réseaux de prostitution. Mais c’est
l’Inde qui détient le triste record en ce domaine. « Au Nord de l’Inde, la
traite des enfants est une activité florissante. Les fillettes sont achetées au Népal ou au Bangladesh, puis vendues à des tenanciers de maisons
closes en Inde, envoyées au Pakistan ou dans les pays arabes et du MoyenOrient. Des enfants sont mutilés, torturés parfois même tués pour satisfaire les caprices de touristes sadiques », affirment les responsables de la
campagne.
Plan d’action
Cette campagne vise l’opinion publique. « Ce n’est pas seulement un mouvement du coeur, c’est aussi un problème de loi internationale », déclare
Monique Lousteau. Elle s’appuie sur de nombreux textes officiels dont la
Convention des Nations Unies sur les droits de l’Enfant et toute une série
d’autres émanant tant des Nations Unies que du Parlement et du Conseil de
l’Europe, d’Interpol ou encore de l’Organisation Mondiale du Tourisme.
La campagne vise aussi les agences de tourisme. Médias et publicité touristique répandent largement l’image selon laquelle voyage et liberté ne
font qu’un. Cela permet au touriste recherchant l’aventure exotique et
sexuelle de se défaire des normes morales et sociales qui déterminent son
comportement dans la vie quotidienne. En France, les agences n’organisent
pas officiellement de « sexe-tours », mais il y a des gens qui proposent ce
genre de service sous le manteau. En Suisse une plainte pénale pour
proxénétisme a été déposée contre une agence zurichoise.
Cette campagne demande à tous ceux qui sont concernés d’agir là où ils
se trouvent: Eglises, travailleurs sociaux, médecins, juristes, autorités
politiques, responsables du tourisme, diplomates. Les agences de tourisme
doivent appliquer les textes officiels et les conventions internationales.
Les autorités judiciaires des pays doivent engager, selon les législations
en vigueur, de poursuites pénales contre les clients pédophiles. Mais en
premier lieu, cette action de sensibilisation s’adresse aux médias. Des
émissions de télévision et des articles de presse ont conscientisé la population à la situation des enfants dans le monde. « Il n’est pas question de
moraliser. Pas question d’exploiter ces enfants en en faisant une marchandise pour les journaux. Il y a une manière de respecter l’enfant dans ce
qu’on dira de lui dans la presse « , concluent les responsables de la campagne contre le tourisme sexuel. (apic/ecl/mp)
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