Avortement, pédophilie, divorcés, mariage homosexuel… le pape François répond aux journalistes

Au terme de son voyage au Mexique, c’est sans langue de bois que le pape François a répondu pendant une heure aux questions des journalistes qui l’accompagnaient entre Mexico et Rome, le 18 février 2016. S’il a jugé que l’avortement était un mal absolu et un crime, il a cependant estimé que la contraception pouvait, dans certain cas extrêmes, ne pas être un mal absolu.

Il a rendu hommage à Benoît XVI quant à son traitement des affaires de pédophilie au sein du clergé et fait une critique à peine voilée de la gestion de l’affaire Maciel, le fondateur des Légionnaires du Christ, sous le pontificat de Jean Paul II. Alors que la question refait actuellement surface, le pape a jugé qu’un évêque qui se contente de déplacer un prêtre pédophile doit démissionner.

Les divorcés remariés pourront-ils bientôt communier ? Que penser du sentiment de trahison des gréco-catholiques ukrainiens après la rencontre entre le pape et le patriarche de Moscou ? Qu’est-ce que le pape François a demandé à la Vierge lors de sa longue prière devant Notre-Dame de Guadalupe ? Voici ses principales réponses :

Avortement

Face à l’épidémie du virus Zika, l’ONU a appelé à la libéralisation des lois sur l’avortement pour prévenir la naissance d’enfants avec des anomalies congénitales. Est-ce une solution ? «L’avortement n’est pas un moindre mal, c’est un crime. Abattre un individu pour en sauver un autre, c’est ce que fait la mafia, c’est un crime, un mal absolu. (…) Il ne faut pas confondre le mal d’éviter la grossesse avec l’avortement.

«L’avortement n’est pas un moindre mal, c’est un crime»

L’avortement n’est pas un problème théologique, c’est un problème humain, médical (…). En revanche, éviter la grossesse n’est pas un mal absolu, dans certains cas». Le pape a explicitement fait référence à l’autorisation d’utiliser des contraceptifs donnée par Paul VI à des religieuses du Zaïre (actuel République démocratique du Congo) menacées de viol.

Pédophilie

«Un évêque qui change un prêtre de paroisse quand on détecte qu’il est pédophile est un inconscient, et le mieux qu’il puisse faire c’est de présenter sa démission. C’est clair ? (…)

A propos de l’affaire Maciel, je me permets de rendre un hommage, à l’homme qui a lutté dans des moments où il n’avait pas la force pour s’imposer jusqu’à ce qu’il puisse s’imposer : Ratzinger, le cardinal Ratzinger (des journalistes applaudissent, ndlr) Des applaudissements pour lui ! C’est un homme qui, comme préfet de la Doctrine de la foi, avait tout le dossier. Il avait tout en mains. Il fit toutes les enquêtes, il avança, avança, avança… et ne put aller plus loin dans leur exécution. Souvenez-vous, deux jours avant la mort de saint Jean Paul II, lors de la Via Crucis du Vendredi saint, il a dit à toute l’Eglise qu’il fallait nettoyer les ›saletés’ de l’Eglise.

«Un évêque qui change un prêtre de paroisse quand on détecte qu’il est pédophile est un inconscient»

Et lors de la messe pro eligendo pontifice – il n’est pas fou, il savait qu’il était candidat – il n’a pas voulu maquiller son attitude, il a dit exactement la même chose. Il fut l’homme courageux qui aida tant d’autres à ouvrir cette porte». (…) La pédophilie, a conclu le pape, «est une monstruosité, parce qu’un prêtre est consacré pour amener un enfant à Dieu et là il le dévore dans un sacrifice diabolique, il le détruit».

Divorcés remariés

Le pape François a confirmé que son Exhortation apostolique post-synodale sur la famille serait publiée probablement avant Pâques et reprendrait tout ce qu’a dit le synode, en particulier sur les conflits familiaux, les familles blessées, mais aussi la préparation au mariage, ou encore l’éducation des enfants. A la question de savoir si les personnes divorcées remariées allaient pouvoir communier, le pape a souhaité avant tout qu’elles soient intégrées dans la vie de l’Eglise, insistant sur le mot intégration. La communion n’arrive qu’à la fin de ce travail d’intégration, a-t-il précisé avant de souligner qu’il ne s’agissait pas d’une simple «décoration» mais que toutes les portes sont ouvertes.

Mariage homosexuel

Le pape a été invité à deux reprises à se prononcer sur le projet de loi italien sur les unions civiles. «Le pape n’entre pas dans la politique italienne», a-t-il répondu avant d’ajouter : «L’une des trois choses que j’ai dites en mai 2013 lors de la première rencontre avec les évêques italiens c’est : occupez-vous du gouvernement italien. Parce que le pape est pour tout le monde et ne peut pas entrer dans la politique concrète d’un pays». Quant à savoir ce qu’il pense du mariage homosexuel, il a répondu laconiquement et prudemment : «je pense ce que l’Eglise a toujours dit».

Gréco-catholiques ukrainiens

Interpellé sur la colère des gréco-catholiques ukrainiens après la signature de la déclaration conjointe avec le patriarche orthodoxe russe Cyrille, le pape a fait une très longue digression avant de dire que les déclarations de son «ami» Mgr Sviatoslav Shevchuk, chef de l’Eglise gréco-catholique d’Ukraine, devaient être lues dans leur ensemble. Le pape a confié que le document était discutable sur la question ukrainienne, assurant comprendre que les fidèles se sentent trahis par Rome mais qu’il fallait aussi prendre en compte la communion avec Rome et le désir d’unité exprimés par l’évêque ukrainien dans une récente interview.

Le pape a également été interrogé sur un éventuel voyage à Moscou qu’il aurait pu évoquer avec le patriarche Cyrille le 12 février dernier à Cuba, et sur un éventuel déplacement en Crète en juin prochain à l’occasion du Concile panorthodoxe. «Je serai présent… spirituellement, ainsi qu’à travers un message» en Crète, a affirmé le pape, reconnaissant qu’il aurait aimé s’y rendre mais qu’il devait les respecter. Il a salué le fait que des observateurs catholiques seront présents et qu’il sera «derrière eux, en train de prier». «Nul ne sait de quoi nous avons parlé», a-t-il par ailleurs répondu quand à un éventuel déplacement à Moscou, préférant que cette conversation reste privée.

Crise en Europe

Interpellé sur la crise que vit actuellement le vieux continent, le pape François a souligné le besoin d’une refondation de l’Union européenne, à l’exemple de ce que firent les pères de l’Europe. «Aujourd’hui, où y a-t-il un Schuman, un Adenauer ?… Ces grands noms qui, après guerre, ont fondé l’Union européenne».

Notre-Dame de Guadalupe

Au lendemain de son arrivée au Mexique, le pape François a longuement et intensément prié devant l’image de Notre-Dame de Guadalupe, dans le célèbre sanctuaire près de Mexico. «Je l’ai priée pour le monde, pour la paix, pour tant de choses, et la pauvre a fini la tête grosse comme ça ! J’ai demandé pardon, j’ai demandé que l’Eglise grandisse en étant saine, j’ai prié pour le peuple mexicain. Il y aussi une chose que j’ai particulièrement demandée : j’ai demandé que les prêtres soient de véritables prêtres, les religieuses de véritables religieuses, les évêques de véritables évêques. J’ai demandé beaucoup de choses, mais les choses qu’un fils dit à sa mère c’est un secret, non ?»

Les rêves du pape

Au Mexique, le pape François a appelé les jeunes à ne pas cesser de rêver. A la question de savoir quel était son rêve, il a répondu du tac au tac : «Aller en Chine, aller là bas… cela me plairait tellement !». Quant à savoir s’il rêvait en espagnol ou en italien, le pape a répondu : «Je rêve en esperanto !» (cath.ch-apic/imedia/ami/mp)

 

Maurice Page

Portail catholique suisse

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