réactualise l’enseignement de « Populorum progressio »
Bruxelles, 19 février (APIC/CIP) « Sollicitudo rei socialis » (l’intérêt que
porte l’Eglise à la question sociale): c’est le titre de l’encyclique,
publiée ce 19 février, par laquelle Jean Paul II confirme et réactualise,
vingt après, l’encyclique « Populorum progressio » de Paul VI (26 mars 1967).
Il s’agit d’un document de 105 pages divisé en sept chapitres, dont le
premier précise les deux objectifs poursuivis par le pape: rendre hommage à
l’enseignement de Paul VI et « réaffirmer la continuité de la doctrine sociale de l’Eglise en même temps que son renouvellement continuel ».
Jean Paul II consacre un deuxième chapitre à la nouveauté de « Populorum
progressio », qu’il ramène à trois éléments : il s’agit d’une encyclique
destinée à tous les hommes de bonne volonté abordant un sujet économique et
social, mais ou est souligné le caractère éthique et culturel de la
question et la légitimité de l’intervention de l’Eglise en ce domaine; Paul
VI y souligne la dimension mondiale de la « question sociale », en donnant
une appréciation morale de cette réalité; enfin, il y a cette exigence de
justice résumée dans la formule restée célèbre: « le développement est le
nouveau nom de la paix ».
Un panorama préoccupant du monde actuel
Dans un troisième chapitre, le plus long (une trentaine de pages), le
pape dresse un « panorama du monde contemporain » qui justifie une réactualisation de l’enseignement de Paul VI. Un tableau largement négatif : les
espoirs de développement, si vifs au moment de la parution de « Populorum
progressio », « semblent aujourd’hui plus éloignés encore de leur réalisation ». En cause, « la persistance, voire l’élargissement » du fossé entre le
Nord et le Sud et l’apparition de la pauvreté à l’intérieur des sociétés
elles-mêmes (d’ou les expressions de premier monde, deuxième monde, tiersmonde et, depuis, quart-monde).
Aux indices économiques et sociaux du développement, le pape en ajoute
d’autres « plus préoccupants encore », à commencer par ceux du domaine culturel : analphabétisme, difficulté de parvenir à des niveaux supérieurs
d’instruction, diverses formes d’oppression (notamment religieuse) et tous
les types de discrimination, « spécialement celle, plus odieuse, qui est
fondée sur la différence de race ».
Jean Paul II déplore de même l’étouffement du « droit à l’initiative économique », dont la négation ou la limitation au nom d’une prétendue « égalité » de tous dans la société réduit, voire détruit la personnalité créative du citoyen. « Ce qu’il en ressort, dit le pape, ce n’est pas une véritable égalité, mais un « nivellement par le bas ». A la place de l’initiative
créatrice prévalent la passivité, la dépendance et la soumission à l’appareil bureaucratique, lequel (…) met tout le monde dans une position de
sujétion quasi absolue, semblable à la dépendance traditionnelle de
l’ouvrier prolétaire par rapport au capitalisme. »
Le pape dénonce d’autres formes de pauvreté touchant aux droits humains
pour montrer que le sous-développement n’est pas seulement économique, mais
aussi « culturel, politique ou tout simplement humain ». Et de poser la
question : la triste réalité d’aujourd’hui n’est-elle pas « le résultat, au
moins partiel, d’une conception trop étroite, à savoir surtout économique,
du développement »?
Les causes d’une aggravation de la situation
Pour Jean Paul II, les causes de l’aggravation de la situation sont diverses. Il y a d’abord les omissions des pays en voie de développement euxmêmes, et spécialement de ceux qui y détiennent le pouvoir. Il y a les
responsabilités des pays développés. Le pape dénonce ici l’existence de
mécanismes économiques qui « favorisent par leur fonctionnement même les
intérêts de ceux qui les manoeuvrent », qui finissent par étouffer les économies des pays moins développés et provoquent des effets négatifs jusque
dans les pays riches. Il insiste à ce propos sur l’interdépendance de toutes les parties d’une société mondiale qui parait éclatée – l’un des leitmotives de son encyclique – pour montrer que « ou bien le développement devient commun à toutes les parties du monde, ou bien il subit un processus
de régression même dans les régions marquées par un progrès constant ». Deux
exemples : la crise du logement et le chômage, qui incite à « nous interroger sérieusement sur le type de développement réalisé ces vingt dernières
années ». Pour les pays en voie de développement, le pape évoque le problème
de la dette, notant que « l’instrument prévu pour contribuer au développement s’est transformé en mécanisme à effet contraire ».
Quant aux causes politiques, le pape, sans vouloir procéder à une analyse complète, met en cause l’existence de deux blocs opposés – l’Est et
l’Ouest – tendant à assimiler ou à regrouper d’autres pays. Une opposition
politique, mais qui a des racines idéologiques (capitalisme libéral et collectivisme marxiste) et a debouché sur une opposition militaire : guerre
froide, « guerres par procuration », menace d’une guerre ouverte et totale.
A cette opposition sont également liées deux conceptions du développement, toutes deux imparfaites, qui contribuent à élargir le fossé Nord-Sud.
Des jeunes nations qui tentent d’acquérir une identité culturelle et politique se trouvent impliquées dans des conflits idéologiques qui engendrent
des divisions à l’intérieur même de ces pays, l’aide étant parfois
détournée pour alimenter les conflits. Le pape rappelle l’attitude critique
de l’Eglise vis-à-vis du capitalisme et du marxisme et dénonce l’impérialisme des deux blocs qui empèche les jeunes nations à devenir autonomes.
A propos du commerce des armes, « le jugement moral est encore plus
sévère », dit le pape, qui signale un phénomène étrange : tandis que l’aide
se heurte à des obstacles idéologiques et des barrières de tarifs ou de
marchés, les armes circulent avec une liberté quasi absolue, contribuant
aussi à l’endettement des pays pauvres…
Jean Paul II termine ce tableau négatif en évoquant la question
démographique (explosion dans le Sud, chute de la natalité dans le Nord),
pour rappeler qu’ « il n’est nullement démontré que toute croissance
démographique soit incompatible avec un développement ordonné ». Il dénonce
dès lors les campagnes contre la natalité financée dans le tiers-monde par
des capitaux étrangers, à laquelle l’aide est parfois subordonnée. Ce sont
les pauvres qui sont visés, et le pape n’hésite pas à parler d’un certain
racisme et de formes, également racistes, d’eugénisme, un fait « qui exige
la condamnation la plus énergique ».
Apres avoir consacré 26 pages à ce panorama négatif, le pape en consacre
4 à quelques aspects positifs : la préoccupation pour les Droits de l’Homme, la conscience d’un destin commun, le respect de la vie, le combat pour
la paix, le souci de l’écologie; l’effort aussi de nombreux gouvernants,
économistes, scientifiques et fonctionnaires internationaux, auquel contribuent dans une large mesure les organisations internationales.
(apic/cip/bd)
(a suivre)
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