Le patriarche Cyrille qualifie de «miracle» la renaissance du christianisme en Russie

Le patriarche Cyrille, chef de l’Eglise orthodoxe russe, qualifie de «miracle» la renaissance du christianisme en Russie depuis les années 1990, «après des décennies de domination du régime athée».

Dans une interview exclusive à la chaîne de télévision «Russia Today» (RT) au lendemain de sa rencontre historique entre le pape François à Cuba, le patriarche de Moscou explique que cette renaissance de la foi concerne des couches différentes de la société: «Des gens simples, des gens instruits, l’intelligentsia, le milieu des affaires, le monde politique, tous ont aujourd’hui des liens avec l’Eglise. Nous voyons les gens justifier leur comportement par leurs convictions chrétiennes».

Dans cette interview, le chef de l’Eglise orthodoxe russe qualifie une nouvelle fois de «tragédie» la situation au Proche-Orient, lieu de naissance du christianisme. «Aujourd’hui, à cause des opérations militaires et à cause des terroristes, nous assistons à une diminution dramatique de la population chrétienne. Il s’agit bien, en effet, d’arrêter ce processus grâce aux efforts communs des Eglises aussi bien que ceux de tous les hommes capables de faire quoi que ce soit de positif».

Contrer la déchristianisation de la société moderne

Le patriarche Cyrille de Moscou insiste également sur le fait qu’»il faut prévenir la déchristianisation de la société moderne par nos efforts communs, car, sous la pression du sécularisme qui devient tout simplement agressif dans certains pays, les chrétiens sont mis à l’écart de l’espace public. Et, dans un certain sens, on peut dire que les chrétiens ne se sentent pas à leur aise dans beaucoup de pays développés».

Il relève à ce propos qu’une «certaine pression» est exercée sur les chrétiens afin de limiter les manifestations de religiosité dans l’espace public. «Tout cela témoigne de l’existence de phénomènes de crise très dangereux concernant la réalité chrétienne, la présence chrétienne».

Nécessité du recours à la force contre les terroristes

Il estime «parfaitement évident qu’on ne peut pas seulement employer le dialogue et les exhortations verbales pour raisonner les terroristes, il faut avoir recours à la force. Parce que ce sont les terroristes qui détruisent les villages chrétiens, les monastères, les sanctuaires et les monuments historiques».

Le patriarche, qui partage la position du gouvernement russe sur l’intervention militaire en Syrie, estime que la réponse de tous ceux qui sont intéressés non seulement à la conservation de la présence chrétienne, mais plus généralement à la paix dans ces lieux, «doit aussi être de recourir à la force».

Garantir la liberté religieuse pour tous

Il demande que la Russie, les Etats-Unis, d’autres pays d’Europe occidentale et certains pays arabes travaillent à atteindre ce but concret: «faire cesser la guerre, liquider le terrorisme et, bien entendu, assurer au peuple la possibilité de se prononcer librement, que ce soit en Syrie ou en Irak, afin que ces pays puissent vivre dans la paix et la tranquillité, pour que tous les groupes religieux, musulmans ou chrétiens, puissent coexister en paix. On aura alors une garantie de paix au Proche-Orient».

A ses yeux, la seule réponse à donner au terrorisme est une réponse commune visant à la stabilisation de la situation au Proche-Orient, pour permettre notamment l’arrêt du «torrent de réfugiés». Il se dit certain qu’alors de nombreux réfugiés rentreront chez eux.

Russie-USA: «Il faut tout faire pour empêcher la guerre»

Le patriarche de Moscou plaide également pour un «changement radical» des relations entre la Russie et les Etats-Unis dans le but de les améliorer. «On doit comprendre clairement qu’il existe deux puissances qui peuvent se détruire l’une l’autre, qui peuvent détruire le monde par leur potentiel militaire. En aucun cas on ne doit admettre une grande guerre».

Il en a parlé lors de sa rencontre avec le pape François. «Peut-être Dieu a-t-il fait que nous nous rencontrions maintenant, au moment précis où les nuages s’amoncellent au-dessus de la Syrie, alors qu’il existe une menace de confrontation entre des pays possédant un énorme potentiel de destruction. Il faut tout faire pour empêcher la guerre».

Le chef de l’Eglise orthodoxe russe, soulignant que la plupart des habitants des Etats-Unis sont chrétiens – «ils professent les mêmes valeurs, ils appartiennent à la famille chrétienne» -, estime qu’il faut utiliser ce fait «pour bâtir des ponts au lieu d’élargir le fossé existant».

La propagande djihadiste contre la civilisation occidentale

Quant au développement du terrorisme islamique, il relève que certains prédicateurs s’adressent ainsi à leurs fidèles après la prière du vendredi: «Le monde est plongé dans le mal. La civilisation occidentale contemporaine, voilà la mal. Dieu en est exclu, le monde est transformé en un monde satanique privé de Dieu. Toi seul, par ton exploit, peux contribuer à la victoire sur le mal. C’est ton devoir religieux. Tu combats les forces obscures, tu luttes contre le diable. Tu es du côté de Dieu et de la lumière…»

Peut-être qu’au début, analyse le patriarche Cyrille, ces fidèles n’avaient pas l’idée de prendre les armes pour aller tuer. «Mais ils sont inspirés par ces paroles et se considèrent comme des combattants pour la vérité de Dieu» contre ce monde qui pourrait anéantir l’islam.

Le refus de Dieu et de la morale traditionnelle

Le patriarche de Moscou considère que le terrorisme est avant tout «un défi philosophique». «Nous devons prendre conscience de ce qui se passe dans les consciences de ceux qui prennent les armes pour lutter au nom de Dieu. Je suis profondément convaincu que le développement de la civilisation humaine qui, aujourd’hui, passe malheureusement par le refus de Dieu, de la loi divine et morale, est la force qui provoque le phénomène du terrorisme».

Pour le combattre, Cyrile plaide pour un «consensus moral global». Le sens moral, la nature morale, relève-t-il, «ont été inscrits par Dieu dans l’âme humaine. Nous devons tenter tous ensemble de bâtir une civilisation nouvelle, globale, sur la base d’un consensus moral commun. Je crois que cela est possible».

La rencontre avec le pape François a été très importante

En ce sens, souligne-t-il, sa rencontre avec le pape François a été très importante. «Les deux plus grandes Eglises du monde, en la personne de leurs primats, se sont rencontrées pour mettre leurs pendules à l’heure, pour parler des mêmes problèmes, chacun de son point de vue. Et nous nous sommes convaincus qu’il est possible de parvenir à une réponse commune».Et de souligner que les deux interlocuteurs partaient du même consensus moral.

Ces commandements et ces lois existent dans le monde musulman, et même dans l’humanisme laïc, en tout cas à une certaine étape du développement de l’humanisme, c’était le cas, reconnaît-il.

Former «un consensus moral pour tous les hommes»

«Si nous prenons la Déclaration universelle des droits de l’homme, elle contient une référence à la morale comme pouvant limiter les droits de l’homme. Aujourd’hui, il n’existe plus aucune référence à la limitation de la liberté humaine par la morale. Malheureusement, nous nous éloignons de plus en plus de ce qui nous unissait au niveau ontologique le plus profond. Je pense que si cette division se poursuit, les perspectives de l’humanité sont très mauvaises. Nous ne pouvons pas vivre sur une petite planète en étant déchirés par de profondes contradictions au niveau ontologique. Je présume que ma rencontre avec le saint pontife a apporté une modeste contribution à la formation de ce futur consensus moral pour tous les hommes». (cath.ch-apic/rt/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/le-patriarche-cyrille-qualifie-de-miracle-la-renaissance-du-christianisme-en-russie/