L’hospitalité eucharistique, thème de discorde chez les chrétiens

«L’hospitalité eucharistique est un sujet délicat, terrain de différences entre Eglises chrétiennes, sans compter sa forte dimension émotionnelle», affirme l’abbé Jean Jacques Theurillat, vicaire épiscopal pour le Jura pastoral.

L’accès à la communion était en effet au cœur de la conférence tenue par l’abbé Theurillat en l’église Saint-Georges de Malleray.

Le vicaire épiscopal pour le Jura pastoral (partie francophone du diocèse de Bâle), n’avait pas la tâche facile le 21 février dernier en l’église catholique de Malleray, dans le Jura bernois, à l’heure de lancer sa conférence, la troisième d’un cycle de six consacrées à l’hospitalité.

Après des thèmes consensuels liés à l’accueil chez les Prémontrés et les Salutistes, le collectif culturel «Abbatiale vivante Bellelay», à l’origine de l’initiative, avait, il est vrai, choisi une problématique marquée par des divergences théologiques tenaces. Jean Jacques Theurillat a relevé le défi en soulignant d’emblée que son intervention, plus qu’un cours, se voulait une invitation à la réflexion.

Le natif de Porrentruy a rappelé que l’hospitalité occupait une place importante dans la Bible, aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. Il a illustré ses propos avec les épisodes des trois visiteurs reçus par Abraham (Genèse, 18) et des 72 disciples envoyés en mission par Jésus (Evangile selon saint Luc, 10).

Distinguer l’hospitalité eucharistique de l’intercommunion

Stricto sensu, l’hospitalité eucharistique désigne l’»accueil à la Table du Seigneur et à la communion, dans une confession chrétienne, de chrétiens issus d’autres confessions. Cette notion doit être distinguée de l’intercommunion, qui est un accueil sans restriction et réciproque à la célébration de l’une ou l’autre Eglise», a précisé Jean Jacques Theurillat.

Or, on l’a dit, les réponses que donnent à cette question les communautés issues de la chrétienté reflètent des approches diamétralement opposées. Les orthodoxes sont les plus restrictifs. A de rares exceptions près, la participation des autres chrétiens à la communion n’est pas possible. De leur côté, les Eglises réformées se montrent les plus ouvertes. «Le synode des Eglises Berne-Jura-Soleure a même décidé que la communion devait être accessible non seulement aux baptisés, mais aussi à toute personne qui se présente», a indiqué le vicaire épiscopal.

Une réponse individuelle

Quant à l’Eglise catholique romaine, elle est à mi-chemin entre protestantisme et orthodoxie. «Si une personne venant d’une autre confession veut communier, elle doit accepter, reconnaître ce que les catholiques vivent et célèbrent lors de l’eucharistie. Sur ces critères-là, elle pourra, après autorisation de l’évêque ou de son de représentant, communier dans le cadre d’un culte catholique», a expliqué Jean Jacques Theurillat.

Et d’ajouter: «L’hospitalité eucharistique est donc accordée sur la base d’une réponse individuelle, de l’histoire personnelle, de la motivation qui pousse l’individu à faire sa demande. Il ne s’agit pas d’une réponse globale, communautaire, comme le suppose l’intercommunion, que refuse l’Eglise catholique».

L’hospitalité telle que la conçoit la pensée moderne

En écho aux problèmes de migration que connaissent nos sociétés, Jean Jacques Theurillat est ensuite revenu sur la notion d’hospitalité telle que la conçoit la pensée moderne, en mettant l’accent sur ce qu’il a appelé un système asymétrique. «Aujourd’hui, il y a comme un statut d’infériorité pour celui qui est de passage, qui est étranger, alors que l’invitant est chez lui, dans ses habitudes, ses règles, il a un univers déjà structuré. En d’autres termes, il y a comme l’obligation pour l’hôte d’accepter le cadre dans lequel celui qui invite accueille. Ce statut confère à l’accueillant le droit d’établir des normes. L’hospitalité, ce n’est donc pas un accueil inconditionnel, l’abolition de toute règle pour construire quelque chose de nouveau, mais l’idée de respecter les principes des lieux où l’on se trouve».

Enfin, l’abbé jurassien a offert à la trentaine de participants à la conférence de Malleray un beau sujet de méditation sous la forme du chapitre 11 de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens: «Mes frères, quand vous vous réunissez pour un repas, attendez-vous les uns les autres.» «Attendre l’autre, ouvrir sa porte pour qu’il puisse entrer ou alors s’obliger à rester, veiller, patienter jusqu’au moment où l’autre va pouvoir arriver: ces deux sens sont riches d’interprétations», a commenté Jean Jacques Theurillat. (cath.ch-apic/eda/be)

 

 

Jacques Berset

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