Paris: colloque science et foi (040292)
Paris, 4 février(APIC) Quel est le rapport entre science et foi après une
longue période de conflits? Comment la science et la foi peuvent-elles
oeuvrer ensemble pour le bien de l’humanité? Le colloque organisé par le
quotidien « La Croix-l’Evénement » entendait apporter quelques éléments de
réponses à ces questions. Questions qui passionnent nos contemporains, à en
juger par la foule attentive qui remplissait le théatre Renaud-Barrault,
samedi 1er février. Quelques 400 « élus » – plusieurs centaines d’inscriptions ayant dû être refusées par manque de place – ont pu assister à un débat de qualité.
Un colloque placé sous une double autorité. L’autorité « politique » représentée par Hubert Curien, ministre de la Recherche et de la technologie.
L’autorité « religieuse » en la personne du cardinal archevêque de Paris, Mgr
Jean-Marie Lustiger. D’emblée Hubert Curien a situé le débat: « la science
peut rencontrer la main de l’homme ou la queue du diable ». Tous deux sont
tombés d’accord sur les qualités communes à la foi et à la science : l’humilité et la tolérance. « Attention aux fausses sciences et au vernis scientifique qui justifient l’intolérance », a dit Mgr Lustiger.
Des siècles de méfiance
L’historien des religions, Georges Minois, a brossé le tableau des relations science et foi à travers les âges. La méfiance des premiers siècles
est basée sur un malentendu: le désir de faire coïncider l’exégèse et la
théorie scientifique. La théologie de l’époque considérait la science comme
une auxiliaire. Or « le dialogue entre la science et la religion demande
deux partenaires de force égale, au risque que la synthèse soit bancale ». A
partir du Moyen Age, le tableau se nuance en ombres et lumières.
A la bonne entente du Moyen-Age succède la séparation des champs d’investigation pour aboutir au 17e siècle à la rupture parce que la science
devient plus ambitieuse. Elle prétend atteindre la vérité et le réel. Suivront une série de mises à l’index dont Copernic, Descartes et le plus célèbre, Galilée condamné en 1633 et réhabilité seulement en 1822.
En 1983 Jean Paul II resituait ainsi ce vieux débat: « l’époque où la
science et la foi souffraient de graves incompréhensions causées par des
malentendus, est en train de se dissiper ».
L’émerveillement devant la science
La grande majorité des scientifiques présents se sont ralliés aux propos
de Marc-André Delsuc, biophysicien au Centre national de la recherche
scientifique (CNRS) et chrétien engagé: « Je ressens toujours de l’émerveillement face à ce monde immense à découvrir ». Mais le chrétien va plus loin:
« Cette jubliation est pour moi la marque que Dieu est là »
Cet émerveillement, la salle l’a aussi ressenti devant l’exposé d’Etienne Klein sur la théorie quantique qui a complètement révolutionné les bases
de la physique traditionnelle. Même si la substance est passée bien au dessus de la tête de nombre des participants, Etienne Klein a réussi à faire
comprendre quelque chose des secrets de la matière.
Vers qui se tourner?
En préparation à ce colloque, « La Croix » avait demandé un sondage à
L’Institut CSA. Son directeur, Roland Cayrol en a analysé les réponses. A
la question: « A qui faîtes-vous le plus confiance pour réfléchir à l’avenir
du monde? », 67% des Français répondent: « aux grands scientifiques ». Pour
France Quéré, théologienne protestante, cette réponse est inacceptable.
« C’est le peuple, la démocratie qui est comptable de l’avenir de la planète ». Proposition fortement applaudie par l’assistance.
Pour Albert Jacquard, célébre généticien, directeur de la recherche à
L’Institut national d’études démographiques (INED): « La confiance pour
l’avenir vient de la démarche scientifique qui est faite de lucidité ».
Quelques minutes auparavant, il avait situé en une phrase les protagonistes
de ce débat existentiel: « Le plus beau cadeau que Dieu nous a fait, ce
n’est pas de nous dire qu’il existe, mais de s’être éloigné pour nous
laisser jouer ».
A. Benbadis, chercheur en biologie végétale et musulman, a défini ainsi
son travail: « Dans mon laboratoire, lorsque je travaille à créer de nouvelles espèces de plantes adaptées aux conditions climatiques, je travaille
pour l’avenir. Je ne prends pas la place de Dieu car je ne fais que ce que
la nature elle-même peut faire. Je pars d’éléments existants. »
Science, foi, éthique
C’est à partir de l’exemple de la bombe atomique qu’Hubert Reeves,
astrophysicien et directeur de recherches au CNRS, a abordé une autre
dimension du problème: l’éthique. La science dit comment faire la bombe
atomique, la science donne des éléments de connaissance, mais l’homme doit
agir en liberté et en conscience quant aux applications. « Les scientifiques
doivent apprendre à dire aux gens: prenez vos responsabilités. Il faut refuser le prêt-à-penser ». « Aujourd’hui, a dit Hubert Reeves, Dieu est le
Dieu des interrogations, non le Dieu de la Vérité ».
La notion de la vérité sera reprise dans l’ultime table ronde. Paul Germain, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences , André Comte-Sponville, philosophe et le Père Joseph Dore, doyen de la faculté de théologie
de l’Institut catholique de Paris se sont interrogés sur la démarche de
vérité. Tandis que pour le scientifique: « La démarche méthodologique est
athée, a-morale, voire a-humaine »; le philosophe et le théologien ont chacun à leur manière, fait rimer vérité avec « agapè », cet amour désinteressé
qui est le seul amour véritable.
Ainsi que le disait Albert Jacquard: « Je suis les liens que je tisse
avec les autres ». (apic/ecl/mp)
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