Ali Harb: «L’islam ne peut pas être réformé»

Pour le philosophe et écrivain libanais Ali Harb, il existe un potentiel terroriste inhérent à l’islam. L’intellectuel explique, dans le quotidien libanais L’Orient-le Jour, que cette religion ne peut pas non plus être réformée. «La seule issue, c’est d’accomplir un travail d’autocritique, de désislamisation, afin de retirer le qualificatif d’’islamique’ à nos partis politiques, nos Etats et nos sociétés», avance Ali Harb.

Le philosophe libanais refuse un éventuel retour aux textes fondateurs de l’islam pour y déterrer l’essence de cette religion. Selon lui, une simple lecture du Coran montre que celui-ci dit tout et son contraire. Il faudrait donc adopter une méthode différente, aborder l’islam sous un autre angle: en tant que doctrine du salut, c’est-à-dire comme un système de pensée qui, à l’instar du christianisme et du judaïsme, mais également des «religions» du XXe siècle telles que le communisme et le fascisme, prétend détenir la vérité absolue. Pareille approche dévoile un potentiel terroriste bien réel inhérent à l’islam, une idée qu’Ali Harb développe dans son dernier ouvrage, «Le Terrorisme et ses créateurs : le prédicateur, le tyran et l’intellectuel».

Le philosophe estime en effet que le terrorisme «est surtout une attitude intellectuelle, celle de l’homme qui se croit le seul possesseur de la vérité absolue, le seul autorisé à parler en son nom». Il souligne que le sort de toute pensée fanatique, de toute doctrine sacrée, est de se transformer en un régime totalitaire ou en une organisation terroriste. «Ainsi, des régimes laïques tels que le stalinisme, le nazisme et d’autres, théocratiques, comme le régime de Khomeiny ou le mouvement des Frères musulmans, sont sur un pied d’égalité», juge-t-il.

Pas de musulman modéré

Ali Harb pense en outre «qu’il n’y a pas de musulman fidèle aux dogmes et pratiques de sa religion qui soit modéré ou tolérant, sauf s’il est hypocrite, ignorant de sa doctrine ou en a honte». Pour l’écrivain libanais, «tant que la religion est fondée sur l’exclusion de l’autre, sur le dualisme du croyant et de l’impie, du fidèle et de l’apostat, il est impossible de la comprendre autrement. Dans l’islam, la violence est encore accrue par un dualisme supplémentaire, celui de la pureté et de la souillure. C’est le scandale de la pensée religieuse islamique: le non-musulman est un être souillé, impur; c’est une des plus viles formes de violence symbolique».

«La seule issue est la défaite du projet religieux»

Ali Harb affirme par ailleurs que l’islam ne peut pas être réformé. Il explique que les tentatives de réformes qui se sont succédé depuis plus d’un siècle, que ce soit au Pakistan, en Egypte ou ailleurs, ont toutes échoué et n’ont engendré que des modèles terroristes. Ainsi, pour l’intellectuel libanais, «la seule issue est la défaite du projet religieux tel que l’incarnent les institutions et les pouvoirs islamiques avec leurs idées momifiées et leurs méthodes stériles». Il est également opposé au concept de «tolérance», soulignant que «seule la pleine reconnaissance d’autrui permet à quelqu’un de briser son narcissisme, de dialoguer avec l’autre, de l’écouter et d’en tirer bénéfice afin de créer des espaces de vivre-ensemble d’une manière fructueuse et constructive». Ali Harb estime que «les sociétés arabes devraient traverser tous ces malheurs, ces catastrophes, ces massacres et ces guerres civiles afin de se convaincre que l’islam n’est plus valable pour construire une civilisation développée et moderne». Pour le philosophe, il n’y a ainsi pas de réconciliation possible entre l’islam et la modernité ou l’Occident. «La seule issue, s’il y’en a une, pour sortir de cette impasse, c’est d’accomplir un travail d’autocritique, de désislamisation, afin de retirer le qualificatif d’’islamique’ à nos partis politiques, nos Etats et nos sociétés. Seulement alors serons-nous capables de s’ouvrir à l’autre, de traiter avec notre tradition et le monde qui nous entoure d’une manière constructive et créative, et de contribuer ainsi au progrès de la civilisation», confie l’écrivain à L’Orient-le Jour.

La faute des élites intellectuelles

Il estime finalement que les élites intellectuelles arabes ont contribué à la montée du fondamentalisme religieux, d’une part à travers une attitude utopique qui a mené à l’échec de leurs projets de modernisation et de réforme, d’autre part en soutenant les régimes despotiques, dans leurs deux versions laïque et théocratique, sous prétexte que ceux-ci luttaient contre l’hégémonie des grandes puissances étrangères. (cath.ch-apic/olj/rz)

 

 

 

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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