Les méfaits d’une croyance

Il existe une croyance en économie qui fait beaucoup de dégâts depuis les années 1960. Il s’agit de la théorie quantitative de la monnaie remise à l’ordre du jour par M. Friedman. Cette théorie nous dit que l’accroissement de la quantité de monnaie est toujours la cause  de la hausse des prix et la diminution la cause de la baisse des prix. Cette théorie est suivie par les Autorités monétaires américaines et européenne aujourd’hui. Elle leur fait abaisser les taux d’intérêt sur les prêts à des niveaux proches de zéro et appliquer des taux d’intérêt négatifs sur les dépôts. Elle les incite à acheter massivement des créances publiques et privées pour créer de la monnaie (80 milliards mensuels en zone euro). Les Autorités monétaires croient ainsi pouvoir atteindre un niveau de hausse des prix de 2%.

Nous avons dit tout le mal que nous pensions de cette politique qui est contraire au bien commun, il y a plus d’un an (cf. notre chronique Ultime recours?). Il faut aller maintenant aux racines de celle-ci. Pourquoi une telle croyance perdure chez la majorité des économistes? Les raisons en sont une corrélation et la foi dans les statistiques. On a observé tout au cours des crises économiques que la masse monétaire croissait en période d’inflation et décroissait en période de déflation. De cette corrélation statistique, de mauvais esprits en ont déduit faussement une loi: la quantité de monnaie serait la cause des mouvements de prix. Ainsi les banques Centrales pourraient à bon droit créer de la monnaie pour augmenter les prix.

«Les statistiques sont la forme raffinée du mensonge» B. Disraeli

Le grand économiste anglais J.M. Keynes avait dénoncé cette confusion entre corrélation et loi économique dans son livre Le Traité sur la Monnaie (1929), contre lequel les économistes ultralibéraux se sont acharnés  depuis les années 1930. Keynes disait ceci qui me paraît encore tout à fait vrai aujourd’hui. L’inflation est toujours due à la hausse des coûts ou de la demande. Actuellement, à cause de la libéralisation des marchés et de la libre circulation des travailleurs, les coûts salariaux  sont stagnants et les coûts de l’énergie ou des matières premières sont en forte baisse. Pas besoin de chercher plus loin la raison de la baisse des prix. De son côté la demande globale dans nos économies est affectée primo par la baisse de  la demande des pays émergents  et secundo par le manque de confiance dans l’avenir (cf. notre dernière chronique) qui affecte les investissements. Ces deux moteurs étant en panne, l’émission artificielle de monnaie s’avère être une fuite en avant qui n’apportera pas les résultats escomptés et au contraire provoquera de nouvelles bulles sur les marchés financiers.

Comment expliquer que la plupart des économistes, spécialistes de la finance, tombent dans le panneau? M. Friedman était un  gourou qui a imposé sa pensée unique aux U.S.A grâce à l’influence de l’Université de Chicago et aux erreurs de ses adversaires. Son prix Nobel a renforcé son influence. Et puis il y a eu l’arrivée des ordinateurs. Dans la foulée de Friedman, les économistes monétaristes se sont mis à élaborer des modèles qui ne peuvent en aucun cas mettre en lumière des liens de causalité. Ils se sont mués en des sortes de Saint Thomas oubliant la primauté du raisonnement et ne croyant qu’à ce qu’ils observaient sur leurs écrans. Ils devraient se rappeler l’affirmation du premier ministre anglais B. Disraeli selon laquelle «les statistiques sont la forme raffinée du mensonge».

Jean-Jacques Friboulet | 16.03.2016

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/blogsf/mefaits-dune-croyance/