La crème des huiles pour le diocèse de Sion

Blouse blanche, gants de travail, le docteur Guntern explique la fabrication et la composition du saint chrême, l’huile qui servira aux confirmations et aux baptêmes dans le diocèse de Sion. Elle sera bénie par l’évêque, Mgr Jean-Marie Lovey, lors de la messe chrismale du Jeudi saint.

La fiche spécifiant les quantités et les composants qui entrent dans la fabrication de l’huile est posée sur la paillasse du laboratoire. Une écriture serrée, des chiffres illisibles indiquent les dosages que respecte, au millilitre près, Alain Guntern, docteur en pharmacie, qui a repris l’officine paternelle depuis trois ans. Pas d’alambics au verre embué ni de chaudrons fumants ou de dizaines de pots de plantes séchées. Nous sommes dans le laboratoire moderne d’une pharmacie de Brigue qui fournit à l’évêché de Sion, l’huile qui, une fois consacrée par l’évêque, va servir pour les confirmations et les baptêmes.

Stabilité et homogénéité

«Toute la difficulté réside dans le bon dosage pour que le mélange reste stable et homogène. L’huile ne doit pas décanter et doit avoir un bon parfum», explique Alain Guntern en mélangeant avec application les éléments qui composent le mélange. Il procède par ajouts successifs pour obtenir une huile parfaitement homogène. Trois à quatre heures de travail sont nécessaires à la fabrication des deux litres d’huile qu’il livre à l’évêché. Il doit travailler relativement vite pour exposer le moins possible le mélange à l’air et surtout à la lumière. «Les rayons UV activent la décomposition de l’huile», précise-t-il.

La qualité avant tout

Outre l’aspect technique, le docteur insiste sur la qualité pharmaceutique des produits qu’il utilise. «Je m’adresse à des fournisseurs spécialisés pour produits pharmaceutiques. Le plus important est la qualité. Mes produits répondent aux exigences de la pharmacopée suisse», souligne le pharmacien. Il rappelle que l’huile est appliquée sur peau et qu’elle doit donc être irréprochable. «Elle est 100% naturelle», ajoute-t-il.

Quelle «recette»?

La question de connaître la «recette» brûle les lèvres. En souriant, le docteur consent à lever une part du voile sur la composition créée il y a 30 ans par son père. La base est constituée d’une huile végétale naturelle, ce qu’autorise le droit canon qui recommande l’huile d’olive. «L’huile d’olive est moins stable au contact de l’air», précise le pharmacien qui lui préfère une autre huile végétale naturelle peu allergisante, peu odorante et stable. Dont il ne révèlera pas l’origine. Elle a, en outre, la propriété de se lier facilement et durablement avec d’autres substances.

Cette huile a été au préalable mélangée avec un antioxydant naturel. Alain Guntern y ajoute une huile essentielle issue d’une plante aromatique, provenant d’Asie du Sud-Est, connue pour ses qualités antiseptique et antibactérienne. Il complète le mélange avec du baume du Pérou pour le parfum «qui donne à cette huile un côté festif'». Il n’en dira pas plus mais le mélange qu’il a concocté exhale un délicieux parfum.

Fabriquer l’huile, un rituel qu’il apprécie et qui lui rappelle la proximité de Pâques. «Parmi toutes les préparations que nous élaborons, cette huile a une place à part. Au-delà de l’aspect factuel, c’est un plaisir pour moi de fabriquer quelque chose qui est associé à un jour de joie. La confirmation et le baptême sont des fêtes», relève celui dont la fille a fait sa confirmation il y a peu.

Fournisseur de l’évêché de Sion depuis 30 ans

Il s’interrompt pour présenter son père, Robert Guntern, de passage à la pharmacie. A l’origine de la «recette», le papa d’Alain raconte volontiers la petite histoire. Il connaît Norbert Brunner depuis le gymnase qu’ils ont fréquenté ensemble. «En 1985, alors qu’il était chancelier de l’évêché, il est venu me parler des problèmes qu’il avait avec l’huile utilisée par le diocèse. Elle n’était pas stable, pas homogène et n’avait que peu d’arôme», se souvient Robert, également docteur en pharmacie. Il s’est mis au travail pour trouver une solution. Une semaine de recherches et d’essais lui ont suffi pour trouver la bonne formule, que son fils utilise encore aujourd’hui. «Quand on est croyant, c’est une satisfaction de trouver une solution pour l’évêché», sourit Robert Guntern.

«Nous avons, parmi nos clients, beaucoup de prêtres et de religieuses. Mais aucun ne sait que l’huile vient de chez nous», s’amuse Alain Guntern. Le papa lui a transmis la formule, «cela s’est fait naturellement, c’est une tradition», conclut-il.


Au diocèse de LGF

«Cela fait partie de mon cahier des charges», relève Léonie Dumoulin, la réceptionniste récemment engagée à l’évêché du diocèse de Lausanne, Genève, Fribourg (LGF). Cette ancienne assistante en pharmacie a fabriqué le saint-chrême pour la messe chrismale célébrée mardi dernier à la basilique Notre-Dame de l’Assomption de Neuchâtel.

Elle a opté pour une huile d’olive de première pression à froid et rafinée. « Il faut travailler proprement et systématiquement avec des produits de très haute qualité», souligne Léonie qui a commandé tous ces produits en pharmacie. Elle utilise de l’huile d’olive et de l’essence de lavande, « aux propriétés apaisantes et très parfumée » pour la saint chrême. Elle ajoute de l’essence de rose à l’huile dédiée à l’onction des malades et aux catéchumènes. L’huile, vingt-trois litres en tout, une fois consacrée par l’évêque, Mgr Charles Morerod, servira toute l’année.


Ce que dit le droit canon

Le droit canon recommande l’huile d’olive. Au 16e siècle, les papes Paul IV et Pie V ont également autorisé l’usage du «baume du Pérou». Par l’encyclique Trans oceanum, du 18 avril 1898, Léon XIII a permis, sous certaines conditions, l’usage de l’indigotier. Selon le code de droit canonique, can. 847 §1 et Rituel pour l’onction des malades, promulgué par Paul VI, 30 novembre 1972, la législation de l’Eglise latine permet d’employer, outre l’huile d’olive, d’autres huiles végétales naturelles pour la confection des saintes huiles.

A l’origine, le saint chrême est un mélange d’huile et de baume de Judée. Dans le rite byzantin, plus particulièrement chez les Arméniens, le chrême, appelé myron, est également composé d’huile d’olive et de baume, mais on y ajoute d’autres substances odoriférantes. Les maronites ajoutent toujours à l’huile d’olive et au baume, du safran, de la cannelle, de l’essence de rose, de l’encens blanc, etc.


La messe chrismale

Chaque année, dans tous les diocèses du monde, prêtres, diacres et fidèles se réunissent pour célébrer la messe chrismale. Elle se déroule normalement au matin du jeudi saint mais peut être anticipée. La messe chrismale reçoit cette appellation parce que c’est au cours de cette célébration que le saint chrême est consacré. Cette huile servira dès les baptêmes de Pâques puis tout au long de l’année pour les sacrements du baptême, de la confirmation et de l’ordre.

Avec le saint chrême qui est l’objet d’une consécration spéciale, deux autres huiles sont bénies: l’huile des catéchumènes qui sert dans les célébrations préparatoires au baptême surtout pour les adultes ou les enfants déjà grands et l’huile utilisée pour le sacrement des malades. (cath.ch-apic/bh)

Bernard Hallet

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