Affaire de pédophilie à Lyon: le cardinal Barbarin demande pardon

«Je me sens dans l’obligation d’assumer tout le mal commis par quelques prêtres et de demander personnellement pardon», a déclaré le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, lors de la messe chrismale du 23 mars 2016, paraphrasant le pape François.

Le prélat est depuis quelques semaines la cible d’accusations selon lesquelles il aurait couvert des prêtres pédophiles de son diocèse. Malgré les attaques médiatiques, le prélat a toujours nié avoir fait preuve d’irresponsabilité dans ce dossier, rappelant qu’il n’était pas en fonction dans le diocèse quand les actes de pédophilie ont été commis.

A l’occasion de la messe chrismale, l’archevêque est ainsi revenu sur la «grande épreuve» que vivent depuis le début du carême les catholiques du diocèse «à cause d’actes de pédophilie anciens et terribles qui, des décennies plus tard, marquent si profondément le cœur et la mémoire des victimes».

Il a ainsi demandé pardon pour les dommages que ces prêtres ont causés en abusant sexuellement des enfants, précisant qu’il n’était pas évêque au moment de «ces faits abominables».

Rencontres avec des familles de victimes

Il a indiqué avoir rencontré, dans l’après-midi, des prêtres, diacres, religieux et laïcs, à la basilique de Fourvière, pour échanger et «demander à Dieu qu’Il guérisse autant que possible toutes les blessures que ces horreurs ont provoquées». Il a également annoncé qu’il avait reçu et qu’il allait prochainement rencontrer des familles de victimes.

Soulignant que chacun était amené à faire son examen de conscience face à cette tourmente, il a remercié ceux qui l’aidaient à faire le sien. «Je demande au Seigneur de m’éclairer dans les choix que je dois faire chaque jour, afin de panser et prévenir ces blessures», a-t-il poursuivi.

Le prélat a finalement redit la grande confiance qu’il plaçait en ses prêtres «et la gratitude que nous leur devons».

Le cardinal Vingt-Trois demande également pardon

Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, a lui aussi évoqué, lors de la messe chrismale, les abus sexuels commis par des membres du clergé, parlant des «défaillances coupables et inadmissibles de quelques-uns», qui «permettent à une presse avide d’amalgames de jeter le discrédit sur notre corps entier». Le prélat a poursuivi en assurant que «nous ne détournons pas notre regard des fautes commises. Solidairement nous demandons pardon».


Affaire Barbarin. Que s’est-il réellement passé?

Dans son blog Koztoujours, l’avocat Erwan Le Mordehec fait un retour sur les faits reprochés à Mgr Barbarin et analyse soigneusement ce qui lui est reproché:

Le dernier fait de pédophilie connu, commis par le Père Preynat, est intervenu en 1991. Mgr Barbarin est nommé archevêque de Lyon onze ans plus tard, en 2002. Informé par la rumeur publique en 2007/2008, il s’entretient avec le Père Preynat, soit 16 à 17 ans après les faits. Au cours de cet entretien, le Père Preynat reconnaît une nouvelle fois son passé et assure qu’aucun autre acte n’a plus été commis depuis.

Mgr Barbarin est contacté en juillet 2014, soit 23 ans après les faits, par une victime ayant constaté que le prêtre était toujours en fonction alors qu’elle pensait qu’il avait été mis à l’écart. La décision est prise en 2015 de retirer le Père Preynat de sa paroisse. Elle est effective à l’été 2015.

Au regard de ces faits, Mgr Barbarin n’a pas «couvert des cas de pédophilie», ni déplacé un prêtre d’une paroisse à une autre, remarque Erwan Le Mordehec.

Lorsque Mgr Barbarin arrive à Lyon, cela fait 11 ans que le Père Preynat a été déplacé. Lorsqu’il est informé de sa réputation, cela fait 16 ans qu’il est de nouveau en paroisse. Aucun acte nouveau n’a été signalé.

Des faits largement connus dans la population

L’avocat français doute ainsi que la plainte lancée contre l’archevêque pour non-dénonciation soit promise à un quelconque avenir judiciaire, «pour des raisons proches de celles évoquées ici et, accessoirement, parce qu’au final on reprocherait au cardinal de ne pas avoir dénoncé des actes qui ne pouvaient déjà plus être poursuivis quand il les a appris, puisque vraisemblablement prescrits, au moins pour la plupart d’entre eux. Sans compter l’argument avancé par certains, selon lequel ces faits étaient très largement et mieux connus par la population lyonnaise (que par le cardinal, ndlr.) depuis 1991, sans que quiconque n’ait songé à les dénoncer».

La question qui demeure est celle du maintien en paroisse du Père Preynat à partir de 2007, note Erwan Le Mordehec. «Mais ce n’est pas pour cela qu’il est poursuivi», souligne-t-il. L’avocat révèle ainsi un certain nombre d’éléments plaidant en faveur du cardinal, issus d’informations qui lui ont été communiquées. Lorsque Mgr Barbarin laisse le Père Preynat en paroisse, alors qu’il n’existe aucune plainte contre lui, en 2007/2008, le primat des Gaules consulte néanmoins un spécialiste pour évaluer le risque de récidive, s’assurant qu’aucun fait nouveau n’ait surgi durant les 16 dernières années. Il arrange en outre la supervision d’un autre prêtre dans la même paroisse pour éviter que le Père Preynat soit au contact d’enfants.

Fausse journaliste

Le blogueur rappelle en outre que le cardinal a personnellement donné l’impulsion «d’une politique de vérité et de transparence» dans plusieurs communautés religieuses.

Il relève également qu’en 2010, une journaliste, se faisant passer pour une victime d’abus sexuels, a rencontré le prélat à la basilique de Fourvière. Ce dernier lui a immédiatement conseillé de porter plainte, ne serait-ce que pour sa propre reconstruction. A la question de savoir si elle devait «se taire pour ne pas faire de mal à l’Eglise», Mgr Barbarin a répondu par la négative à la fausse victime, en ajoutant: «tant pis si c’est une honte supplémentaire pour l’Eglise!» Le portrait d’un prélat qui négligerait ces affaires, anxieux de la réputation de l’institution, ne tient pas, note Erwan Le Mordehec.

Et l’avocat de conclure: «Mgr Barbarin a pris un risque. On peut répondre que le plus infime risque ne peut être couru. On peut répondre aussi qu’en près de 20 ans, un homme peut changer et qu’à ce jour, aucun nouvel acte n’a été révélé malgré la publicité de cette affaire et plusieurs mois d’enquête. Dans le cas contraire, son appréciation en serait évidemment bouleversée. En tout état de cause, cette affaire est suffisamment sérieuse pour que son périmètre ne soit pas abusivement étendu». (cath.ch-apic/ag/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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