«Le Père Cottier nous apprenait à chercher la vérité partout»

Le cardinal Cottier laisse en héritage la clarté de sa pensée et la profondeur de son regard. Passion philosophique et passion contemplative ont constitué le double socle d’une vie qui s’est éteinte dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2016. L’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, Charles Morerod et le philosophe valaisan François Xavier Putallaz l’ont tous deux bien connu. Ils évoquent l’apport intellectuel du «Père Cottier» et livrent quelques facettes d’une amitié empreinte de respect.

«Nous avons vécu ensemble dans notre couvent de Genève, à la fin des années 1980, explique le dominicain Mgr Charles Morerod. Puis nous nous sommes étonnamment retrouvés à Rome, dans une constante proximité, même si nous ne nous voyions pas si souvent». Cette proximité eut un impact direct sur le parcours académique de son jeune confrère. «C’est lui qui m’a poussé à écrire, confie celui qui est devenu évêque de Lausanne, Genève et Fribourg en 2011, alors que je pensais ne pas avoir grand chose à dire». «Si je te dis que tu peux le faire, fais-moi confiance», disait le Père Cottier au jeune Charles qui, quelques années plus tard, se verra confier le rectorat de l’Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin, à Rome.

«Son honnêteté intellectuelle m’a marqué» – François-Xavier Putallaz

Ce lien d’amitié s’est également manifesté le 11 décembre 2011 à la cathédrale de Fribourg à l’occasion de l’ordination épiscopale de Charles Morerod. «Lorsque je lui ai demandé de célébrer mon ordination, poursuit l’évêque, il m’a répondu: ‘Je ne devrais pas faire ce voyage, mais pour toi, je ne peux pas ne pas le faire'».

Une pensée ouverte

Le philosophe valaisan François-Xavier Putallaz bénéficia lui aussi de la proximité du Père Cottier, qui enseigna l’histoire de la philosophie moderne et contemporaine à l’Université de Fribourg, de 1973 à 1990. «Durant quatre ans, j’ai suivi ses cours, explique-t-il. Son honnêteté intellectuelle m’a marqué, en particulier dans la présentation des auteurs dont il ne partageait pas la pensée. La clarté de sa réflexion nous emmenait sans critique préalable dans la pensée de Marx, Kant, Hegel, Leibniz et même auprès de certains philosophes anarchistes».

François-Xavier Putallaz se souvient du «travail minutieux, extrêmement soigné», du Père Cottier. «Nous entrions honnêtement dans ce que ces auteurs pouvaient avoir de vrai. Il nous apprenait à chercher la vérité partout où elle est, sans en laisser échapper la moindre brique, pour la mettre en valeur. En cela, il était un authentique thomiste».

«Il envisageait la mort avec grande sérénité» – Mgr Charles Morerod.

Dominicain, le cardinal Cottier a scruté de nombreux auteurs modernes à la lumière de saint Thomas d’Aquin. C’est ainsi que Mgr Morerod résume l’apport spécifique de l’ancien théologien de la Maison pontificale à la réflexion de l’Eglise. Il s’inscrit ainsi dans le sillage de Charles Journet et de Jacques Maritain, précise François-Xavier Putallaz. «Il a continué ce qu’ils ont fait en offrant une présence de la vérité servie par saint Thomas au milieu des courants les plus disparates des temps modernes, dans un authentique dialogue».

La vie avec Dieu, «plus belle encore»

C’est également à travers la Revue Nova & Vetera que les deux hommes ont eu l’occasion de collaborer avec le Père Cottier. «La dimension proprement spirituelle apparaissait de plus en plus à mesure que ses écrits avançaient, relève François-Xavier Putallaz. Ses dernières lignes, sur la pureté, se reflétaient dans ses yeux. Si l’analyse était extrêmement dure, pointilleuse, le regard restait toujours lumineux. Et ce regard rayonnait lorsqu’on proposait un article avec un impact sur la société. ‘Là, il faut faire quelque chose’, nous encourageait-il avec conviction!»

Au soir de sa vie, avait-il peur de la mort? «Il l’envisageait avec grande sérénité, répond Charles Morerod. Il voulait voir Dieu». En 2007, le journaliste Patrice Favre, actuel rédacteur en chef de l’Echo Magazine, signait Itinéraire d’un croyant, un livre d’entretien biographique avec le Père Cottier. En évoquant la mort, le cardinal confiait: «J’ai dit (…) combien la vie terrestre est précieuse et belle. Mais la vie avec Dieu est plus belle encore». Une pensée qui prend, 9 ans plus tard, l’allure d’un testament spirituel. (cath.ch-apic/pp)

Pierre Pistoletti

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