Inde: L'interdiction totale de l’alcool au Bihar touche les plus pauvres

Dans l’Etat du Bihar, au nord de l’Inde, la production et la vente d’alcool sont interdites depuis début avril 2016. Les chrétiens locaux craignent que cette mesure n’affecte les communautés les plus pauvres, qui souvent tirent leurs maigres revenus de l’industrie de l’alcool.

Réélu en octobre 2015 pour un troisième mandat en tant que Ministre-président, Nitish Kumar avait fait de l’interdiction de l’alcool une de ses promesses de campagne, après avoir rencontré des centaines de femmes qui militaient pour son interdiction, rapporte le 22 avril 2016 Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. Selon les militantes, l’alcool est la principale cause de la pauvreté, de la violence domestique et du harcèlement que les femmes subissent au sein des cellules familiales. Ce soutien très fort de la communauté féminine aurait poussé Nitish Kumar à faire voter cette loi rapidement.

La peine de mort pour une bière?

En cas d’infractions graves, la nouvelle législation prévoit de sévères amendes pouvant aller jusqu’à des peines de prison ou une condamnation à mort. L’interdiction de la production et de la vente d’alcool devrait coûter 662 millions d’euros au Bihar, un des Etats les plus pauvres de l’Inde. «Nous n’avons pas besoin de ces revenus qui coûtent la vie à de nombreuses personnes. Nous compenserons ces pertes par un autre moyen. Laissons à présent les habitants de l’Etat utiliser leur argent pour une meilleure éducation, une meilleure santé et de meilleures conditions de vie», a déclaré le Ministre-président.

Des chrétiens sur la réserve

Sur le terrain, la nouvelle loi est accueillie de façons diverses. «Au départ, c’est une démarche positive mais l’interdiction d’alcool sans aucune autre alternative va affecter la vie de milliers de personnes, notamment les plus pauvres», souligne Mgr Cajetan Francis Osta, évêque catholique de Muzaffarpur. Selon lui, cette mesure a été prise dans la précipitation et souffre d’un manque d’organisation.

L’alcool est effectivement la principale source de revenus des communautés les plus pauvres, notamment des Musahars, dont la principale activité de survie est la distillerie d’alcool. «Ce sont eux qui pâtissent le plus de cette interdiction», confirme le Père Philip Manthara, jésuite qui travaille depuis une vingtaine d’années auprès de cette communauté marginalisée.

«Que fait-on de la liberté de boire de manière responsable? L’histoire nous montre que l’interdiction totale d’alcool n’a jusqu’à présent, jamais été une réussite», relève le Père Manthara. Pour ce dernier, le Bihar a plutôt besoin d’un vaste plan d’éducation pour sensibiliser les habitants aux problèmes de l’alcool et les encourager à abandonner la boisson excessive.

Soeur Sudha Varghese, une religieuse impliquée auprès des Musahars, explique que les membres de cette communauté, appartenant à une caste considérée comme très basse en Inde, n’ont pas d’alternatives économiques à la distillation de l’alcool.

Contrebande et corruption

C’est la deuxième fois que l’alcool est interdit dans l’Etat du Bihar. En 1979, déjà, le ministre-président de l’époque, Karpoori thakur, avait interdit la production et la consommation d’alcool. Son successeur, Ram Sundar, avait ensuite abrogé la loi, afin de lutter contre l’essor de la contrebande et de la corruption qui s’étaient fortement développées. En Inde, deux autres Etats ont également interdit la production et la vente d’alcool: le Gujarat et le Manipur. (cath.ch-apic/eda/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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