Vatican II: L'Eglise parle d'elle-même à travers le Christ

Par le Concile Vatican II, l’Eglise a ouvert un nouveau dialogue avec la société, où elle parle d’elle-même, mais en s’efforçant de le faire à travers le Christ. C’est ce qu’ont rappelé le 3 mai 2016, au Centre catholique romand de formations en Eglise CCRFE à Fribourg, Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) et Mgr Pierangelo Sequeri, professeur à la Faculté de théologie de l’Italie septentrionale, à Milan.

A une de ses connaissances qui lui avait présenté tout un argumentaire contre l’Eglise catholique. Mgr Morerod lui avait répondu : «J’attends que vous me parliez de Jésus-Christ». L’homme lui avait en effet parlé de tout, sauf de ce qui se trouve au centre de l’Eglise, le Christ. Par cette anecdote, l’évêque de LGF a rappelé aux étudiants du (CCRFE) que pour dialoguer avec l’extérieur, l’Eglise ne devait jamais oublier de le faire à partir du Christ, son essence-même.

Transmettre une lumière qui ne vient pas d’elle même

A l’occasion d’un colloque de deux jours intitulé «Le défi du dialogue entre l’Eglise et la société contemporaine à la lumière de Vatican II», Mgr Morerod a souligné que les principaux documents du Concile, ainsi que les encycliques postérieures à ce grand rassemblement de l’Eglise, mettaient en exergue ce «recentrage» sur le Christ. «Le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne nouvelle de l’Évangile répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église», affirme notamment la constitution conciliaire Lumen gentium. Le rôle de l’Eglise est donc de «transmettre une lumière qui ne vient pas d’elle-même», souligne l’évêque.

Et le prélat de relever que le dialogue avec la société et l’humanité engagé par le Concile concerne tous les membres de l’Eglise. L’assemblée qui a duré de 1962 à 1965 a suggéré de faire connaître le Christ comme lui-même s’est fait connaître, en demandant la participation de tous, et en se faisant, comme l’affirme Lumen gentium, «à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain».

Des structures librement acceptées

Mgr Morerod a éclairé ce point par son expérience pastorale personnelle. Il a notamment souligné que la population plus âgée était souvent plus encline que les autres à exprimer un certain rejet de l’Eglise.

«Nous avons sans doute trop compté sur notre propre force et pas assez sur la force de Dieu»

Un phénomène qui peut paraître paradoxal pour des personnes ayant vécu dans un contexte où l’Eglise était encore socialement très présente. L’évêque explique que c’est justement la façon dont l’Eglise a pu se présenter dans le passé qui a provoqué ce rejet. «Nous avons sans doute trop compté sur notre propre force et pas assez sur la force de Dieu», a-t-il admis. Le Concile Vatican II a ainsi permis à l’Eglise de se «christo-recentrer», de mettre en place des structures qui sont acceptées librement et pas imposées.

Conquérir les coeurs et non plus le pouvoir

Mais les documents conciliaires rappellent également l’importance de «l’adoration» de Dieu dans ce dialogue avec la société. Un point qu’a bien marqué Mgr Sequeri, à l’occasion d’une conférence en deux parties intitulée «Dialogue entre l’Eglise et la société». Le professeur de théologie fondamentale a mis en lumière les difficultés de ce dialogue dans un monde où l’Eglise ne contribue plus au «façonnement» de la société, comme cela avait été le cas pendant des siècles. Mgr Sequeri souligne que l’Eglise ne regrette pas ces époques où elle se mélangeait avec la politique. Il explique que le Concile, plutôt que de sombrer dans une forme de défaitisme face à son recul dans la société, a choisi de considérer cette nouvelle donne comme une «leçon d’humilité» envoyée par Dieu. A travers la perte de pouvoir du catholicisme, ce dernier a découvert que la religion ne devait pas chercher à «conquérir», mais à répandre l’Evangile. Pour le théologien, les catholiques doivent ainsi «garder le trésor de cette expérience» et le transmettre aux autres religions.

L’importance du sacrement

Dans son rapport avec le monde, l’Eglise doit s’appuyer sur «l’argument de l’universel», face au langage «humaniste» déployé par la société laïque. Car les valeurs communes des sociétés actuelles occidentales témoignent d’un «amour du prochain», qui devient un «argument du ressentiment». Pour le professeur italien, les principes de «solidarité, respect, égalité» etc. que l’on peut entendre sont vides de sens et ne peuvent mener qu’au ressentiment et au nihilisme généralisé, s’ils ne sont pas vécus dans «l’adoration du mystère de Dieu».

Mgr Sequeri souligne que le lieu de cette adoration est le sacrement. «De l’eau, un morceau de pain… des ‘presque rien’ qui expriment, de manière inversement proportionnelle, la puissance de Dieu». Le prêtre estime alors qu’il s’agit de «réapprendre à habiter ce sacrement dans les temps et les lieux de la vie commune». Par vie commune, il entend «les réseaux de vie des croyants», qui peuvent être aussi bien le travail, la famille que les réseaux sociaux, et pas seulement l’univers souvent clos de la paroisse. «Raison sans adoration est perdue», réaffirme Mgr Sequeri, qui insiste sur le fait que, dans le dialogue que les chrétiens entretiennent avec la société, ils doivent rappeler l’importance de l’adoration de Dieu et de leur propre communauté, désormais en marge. (cat.ch-apic/rz)

Raphaël Zbinden

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