Brésil: Le CIMI et le Mouvement des Sans Terre inquiets de la politique foncière du nouveau gouvernement

Le Conseil Indigéniste Missionnaire (Cimi) a manifesté sa préoccupation face aux intentions supposées de Michel Temer, le président du Brésil par intérim, d’annuler les démarcations de terres indigènes décidée par le gouvernement de Dilma Rousseff.

Le Conseil Indigéniste Missionnaire (Cimi) est sur ses gardes. Se disant déjà préoccupé par «la fragilité de la démocratie brésilienne», suite au vote d’impeachment de Dilma Rousssef, le 12 mai dernier, l’institution s’inquiète désormais des velléités du gouvernement de Michel Temer, le vice-président qui assume l ›intérim, d’annuler les décrets de démarcation de terres publiés début mai par le gouvernement de Dilma Rousseff. Un projet d’abrogation largement soutenu, selon le Cimi, «par les secteurs économiques liés à l’agrobusiness», qui soutiennent Michel Temer.

Le Cimi estime que cette proximité de du président par intérim avec de grandes entreprises de ce secteur, pourrait même s’avérer être un danger pour la démocratie dans le pays. «Pour ces secteurs et intérêts économiques, peut-on lire dans un communiqué, la Constitution et le peuple brésilien ne sont pas une préoccupation. L’abrogation de ces décrets de démarcation des terres indigènes, déjà tardifs et insuffisants, qui reconnaissent aux peuples natifs le droit fondamental à leurs terres, constituerait une preuve supplémentaire de ce mépris.»

L’influence des grands propriétaires terriens

Cette déclaration du Cimi  intervient dans un contexte extrêmement tendu depuis la nomination du vice-président, et pas seulement en ce qui concerne les terres indigènes. Appuyé par une «bancada ruralista» très influente depuis les dernières élections législatives en octobre 2014, (front parlementaire regroupant des députés favorables à l’agrobusiness, majoritaire à l’Assemblée), Michel Temer a promis à ses alliés de réviser l’ensemble des mesures prises par la présidente au nom de la réforme agraire.

Outre les terres indigènes et les quilombolas (n.d.l.r. terres sur lesquelles vivent des descendants d’anciens esclaves), ce sont principalement les paysans sans terre et le mouvement qui les représente, le MST, qui sont désormais ouvertement dans le collimateur du pouvoir. Considérées comme des «invasions» par les acteurs de l’agrobusiness, les «occupations» de grandes propriétés, souvent elles même occupées illégalement, pourraient devenir rapidement des foyers sérieux de conflits.

L’armée contre les paysans sans terre

Cette crainte a été récemment entretenue par le député Marco Montes, du Parti Social démocrate (PSD), une formation politique de centre droit, ex alliée de Dilma Rousseff au gouvernement de cette dernière, avant de voter sa destitution. L’élu, également Président du Front Parlementaire de l’agriculture et de l’élevage (FPA), a en effet affirmé cette semaine qu’il allait suggérer à Michel Temer de modifier la Constitution afin de permettre à l’armée d’intervenir en cas d’occupation de terres, en particulier celles organisées par le MST.

La réaction de la plus grande organisation sociale d’Amérique latine n’a évidemment pas tardé. Estimant que l’impeachment de Dilma Rousseff «a cassé la démocratie et a déchiré la Constitution», le MST a affirmé qu’il ne reconnaissait pas la légitimité du gouvernement par interim. Et par la voix d’Alexandre Conceiçao, de la Coordination nationale du Mouvement, le MST a assuré que, «à partir de maintenant ce sera feu contre feu» avec le gouvernement.

Un gouvernement de… grands propriétaires

Cette tension sur le thème de la terre ne devrait pas d’atténuer dans les mois qui viennent. Encore moins d’ailleurs depuis la publication sur le blog d’Alceu Castilho, du «profil» économique de l’équipe gouvernementale de Michel Temer. Le journaliste indique en effet que 18 des 23 ministres nommés par le président par intérim, représentent une fortune cumulée de 200 millions de reais (50 millions de CHF) et possèdent, toujours en cumulé, quelques… 250’000 hectares de terres.

De quoi inquiéter sur l’avenir de la réforme agraire, dans ce pays de 8,5 millions de km2, où moins de 30 000 grands propriétaires concentrent 43,8% de la terre, alors que près de 57% de petits paysans possèdent  à peine 6,3% des terres. Sans compter les quelques 5 millions de familles de paysans sans terre.  (cath.ch-apic/jcg/mp)

 

Maurice Page

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