L'Abbé Werlen revient sur la «polémique du Gothard»

Le Père Martin Werlen regrette «l’affaiblissement du témoignage œcuménique» provoqué par la récente polémique sur la représentation chrétienne à la cérémonie de bénédiction du tunnel de base du Gothard, le 1er juin prochain. L’ancien Abbé d’Einsiedeln, qui officiera finalement aux côtés de la pasteure protestante Simona Rauch, lors de l’inauguration du plus long tunnel ferroviaire au monde, est revenu le 22 mai sur le site kath.ch sur les circonstances et les conséquences de la polémique.

Le Père Werlen se dit d’abord très heureux du fait que la Confédération et la direction des CFF aient jugé opportune une cérémonie de bénédiction à l’occasion de l’ouverture du tunnel de base du Gothard. Bénir signifie ‘dire du bien’ explique-t-il. «Dieu nous veut du bien et c’est le grand message que nous devons proclamer en tant que croyants.» Pour le religieux, cette célébration est un signe fort face à la situation mondiale bien au-delà de nos frontières. La vie n’est possible que tous ensemble.

La représentation de chrétiens à cette fête a soulevé la polémique. En novembre 2015, la communauté de travail des Eglises chrétiennes de Suisse (CTEC) avait eu le courage de déléguer une seule personne à cette célébration, note le Père Werlen. Toutes les confessions l’avaient accepté à l’unanimité. Cela aurait été la première fois que les baptisés de tout le pays auraient donné un tel témoignage. «Pour quelques-uns c’était trop», commente-t-il.  De divers bords, l’argument a été qu’une représentation unique de tous les baptisés ne serait pas comprise par la majorité des Suisses.

«La population rit de nos chichis»

Un tel jugement ne démontre-t-il pas que les baptisés n’ont pas encore réalisé que le pouvoir – Dieu merci – ne leur appartient plus? «Ne réalisons nous pas que la majorité de la population rit de nos chichis et prend ses distances avec indifférence ?» s’interroge Martin Werlen.

Lors d’une réunion, le 19 mai à Berne, l’ancien Père Abbé a proposé deux solutions: qu’il renonce à sa délégation et que la CTEC désigne un représentant protestant, ou qu’un deuxième personne issue de la tradition protestante soit nommée. Le groupe a ainsi choisi la seconde avec l’envoi de Martin Werlen et de la pasteure tessinoise Simona Rauch.

«C’est un affaiblissement du témoignage œcuménique.»

Une solution qui ne satisfait pas le bénédictin. «Il s’agit, comme l’a écrit une journaliste, d’une chance gâchée. C’est un affaiblissement du témoignage œcuménique.» Naturellement une personne de la tradition protestante aurait pu représenter l’ensemble des baptisés. «Pour cela, je n’avais pas du tout besoin d’y être. Je suis resté par respect envers les nombreuses personnes qui ont travaillé dans ce tunnel, les neuf ouvriers qui ont perdu la vie et leurs proches et les personnes qui à l’avenir y travailleront ou voyageront. Pour beaucoup le signe de la bénédiction – que la tradition protestante ne reconnaît pas – est important»

«Une perversion de bénédiction»

Martin Werlen regrette ainsi certains articles des médias protestants qui titraient, par exemple, «Succès pour les protestants». «Les réformés veulent poser un double geste. D’une part marquer une présence forte de leur communauté et d’autre part mettre en avant l’égalité des droits de la femme dans l’Eglise réformée. De façon évidente, celui qui réfléchit à travers ces catégories aura de la difficulté à reconnaître en premier lieu un baptisé dans le représentant d’une autre confession», note Mgr Werlen. La désignation d’un membre d’une confession est ainsi vue comme un succès et en fin de compte comme une démonstration de force. Ce qui est précisément la «perversion d’une célébration de bénédiction». «Cela rappelle réellement ce qui s’est passé dans les siècles passés et n’est pas digne d’un témoignage de foi dans une Suisse moderne», déplore-t-il.

«Notre vocation n’est pas de garder les frontières confessionnelles.»

L’ancien Abbé d’Einsiedeln remarque que «notre vocation en tant que baptisés n’est pas de garder les frontières confessionnelles ou de marquer sa présence face aux autres religions. Notre vocation est de vivre notre foi».

Un témoignage qu’il se réjouit néanmoins de pouvoir vivre avec Simona Rauch. «Cela représente un plus grand défi pour l’œcuménisme que le travail sur les questions théologiques», note finalement Mgr Werlen. (cath.ch-apic/kath/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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