Inde: Multiplication des attaques antichrétiennes

Selon des responsables chrétiens, les séries d’attaques antichrétiennes, en Inde, ces dernières semaines, reflètent une stratégie des nationalistes hindous visant à éradiquer les minorités chrétiennes de leurs régions.

Ces attaques ont principalement ciblé les dalits (intouchables) et les aborigènes, notamment dans les Etats du Chhattisgarh et du Jharkhand, à l’est du pays, rapporte le 25 mai 2016 Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris.

Après que des extrémistes hindous les ont menacés de mort s’ils ne se convertissaient pas à l’hindouisme, les chrétiens des villages reculés du Chhattisgarh vivent dans la peur permanente, affirme Indrajeet Nayak, pasteur pentecôtiste de la région. Le 15 mai dernier, menacés d’être chassés de leur village, deux chrétiens ont été forcés de signer une déclaration de renonciation à la foi chrétienne, déplore le dignitaire protestant. Les extrémistes hindous ont également lancé cet ultimatum à tous les chrétiens du village.

Le 29 avril, six familles chrétiennes de la tribu des Gonds ont également fui leur village, dans le district de Kanker, après que des voisins les aient menacés de mort s’ils ne se convertissaient pas à l’hindouisme.

Pour Mgr Sebastian Poomattam, vicaire général de l’archidiocèse catholique de Raipur, la capitale du Chhattisgarh, «ces attaques font partie d’une stratégie évidente, qui vise à promouvoir l’idéologie hindoue et à éliminer les minorités religieuses, notamment les chrétiens de la région».

Pasteur assassiné

Des incidents du même genre se sont produits dans l’Etat voisin du Jharkhand. Le 8 mai dernier, 16 chrétiens dalits, dont des femmes et des enfants, ont dû fuir précipitamment leur village dans le district de Palamu, après avoir été battus pour ne pas avoir voulu renoncer à leur foi chrétienne.

Deux jours auparavant, dans un village du district de Kunti, le corps d’Abraham Soreng, pasteur de la Gossner Evangelical Lutheran Church, a été retrouvé sans vie et couvert de multiples lésions. Selon la police l’homme d’église a été assassiné. Pour Subhash Kongari, vice-président du National Christian Forum, «ce meurtre est le résultat d’un complot antichrétien à grande échelle».

Au Jharkhand, Kunti est l’un des districts qui compte le plus de chrétiens. Ils composent 25% des 532’000 habitants. Mais depuis qu’il est dirigé par le BJP (Bharatiya Janata Party), le parti nationaliste hindou au pouvoir à New Delhi, les chrétiens font face à une recrudescence d’actes de violences qui, le plus souvent, restent impunis, affirme EdA.

Les autorités complices?

Généralement, les attaques se produisent selon un scénario identique. Les groupes extrémistes hindous interviennent pendant les assemblées dominicales. S’ils ne perturbent pas directement le culte ou la messe, ils convoquent les chrétiens aborigènes ou issus des basses castes à une réunion de village, pendant laquelle ces derniers peuvent être attaqués à de multiples reprises afin qu’ils apostasient leur foi. Si nécessaire, des menaces de mort sont proférées à leur encontre, jusqu’à ce qu’ils se convertissent à l’hindouisme ou fuient leur village.

«Nous avons observé ce même type d’attaques antichrétiennes au Madhya Pradesh, au Jharkhand et dans d’autres Etats également dirigés par le BJP, déplore Mgr Poomattom. «Comment de telles atrocités peuvent-elles se réaliser sans le soutien des hautes sphères de l’Etat», s’interroge le vicaire général de l’archidiocèse de Raipur. Selon lui, ces attaques sont le résultat d’une campagne menée depuis 2014 par le Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou-VHP), composante centrale de la mouvance idéologique dont est issue le BJP. Le VHP, dans cette région longtemps minée par une guerre avec les maoïstes, a su orchestrer des attaques dans les villages les plus reculés, où les autorités locales sont peu présentes, afin de pouvoir agir en toute impunité.

La liberté religieuse en danger

Dans le district de Bastar, le mouvement hindouiste a ordonné à une cinquantaine de chefs de village d’interdire les rassemblements de chrétiens, ce qui a été mis en oeuvre. Bien que les autorités reconnaissent l’illégalité de ces ordres, aucune mesure n’a été prise pour protéger les minorités chrétiennes. Dans certains cas, la police n’a même pas enregistré les dépôts de plainte ou reconnu la volonté manifeste de cibler les communautés chrétiennes, rapporte EdA.

Pour les responsables religieux de la région, ce changement d’attitude des communautés hindoues est lié au changement de gouvernement à New Delhi qui, depuis 2014, est dirigé par le BJP de Narendra Modi.

Après les élections législatives régionales de ce mois de mai 2016, le BJP est désormais à la tête de 14 des 31 Etats de l’Union indienne.

Pour John Dayal, défenseur des droits de l’homme depuis quarante ans et ancien président de l’All India Catholic Union (AICU), «la liberté religieuse est en danger» dans le pays. Ses prises de position contre le gouvernement de Narendra Modi lui ont d’ailleurs valu des menaces de morts de la part d’extrémistes. (cath.ch-apic/eda/rz)

Raphaël Zbinden

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