Homélie du 5 juin 2016 (Lc 7, 11-17)

Abbé Paul Frochaux – Eglise Saint-Jean,  Fribourg

 

Les manifestations de rue ne sont pas rares, les médias ne cessent de les relater. Certaines manifestations sont si polémiques qu’elles appellent parfois des contre-manifestations. Si les deux manifestations sont autorisées, la police doit trouver les meilleures solutions pour que les deux cortèges ne se croisent pas afin d’éviter des confrontations qui pourraient être graves.

L’évangile de ce jour nous met en présence de deux cortèges. Un cortège qui escorte un mort en même temps qu’il accompagne une femme qui, après avoir déjà fait le chemin du cimetière pour y conduire son époux défunt doit le refaire maintenant pour son fils, son unique soutien. Elle est désormais condamnée à la solitude et à la pauvreté et une foule l’accompagne partageant sa peine. L’autre cortège entoure Jésus, celui qui dira de lui-même qu’il est la Résurrection et la Vie. Mais, pour le moment et pour les foules qui le suivent, il est un homme qui fait des miracles et dont les paroles sont un langage nouveau. Les deux cortèges se croisent et ne vont pas s’affronter mais former une foule encore plus compacte. La compassion des gens de Naïm pour la veuve est aussi celle de Jésus.

  «Le pouvoir du Christ sur la mort»

A la différence de bien d’autres situations dans l’évangile, Jésus n’est pas sollicité pour accomplir un miracle. Certes Dieu aime être prié, invoqué par ses enfants, mais, en même temps, il n’attend pas d’être appelé pour entrer en compassion avec l’humanité souffrante. Sans aucune demande, sans aucune indication, il se rend directement vers cette veuve et ses mots sont ceux de la consolation : Ne pleure pas,  il ne lui dit pas dans le sens : tes larmes sont inutiles, elles ne vont pas faire revenir ton fils, non, mais : tes larmes n’ont plus de raison d’être car ton fils va t’être rendu. Et pour rendre ce fils à la vie et à sa mère, Jésus dit une parole liée à un geste comme dans les sacrements que l’Eglise célèbre. Il touche le cercueil, et prononce ces mots : jeune homme, je te l’ordonne lève-toi. Ces paroles nous rappellent celles prononcées pour la fille de Jaïre ou Lazare. Ce sont des paroles d’autorité. Elles sont le signe du pouvoir du Christ sur la mort.  Et l’autorité avec laquelle il prononce cette phrase peut nous faire penser également à la guérison du lépreux où Jésus saisi de compassion (à nouveau),  étendit la main, le toucha et dit : je le veux, sois purifié (Marc 1, 41).  La Parole de Dieu peut tout, elle est efficace, créatrice, purificatrice. Elle fait surgir du néant l’univers et la vie. Elle est salvatrice. Jésus est la Parole, la Parole faite chair.

Cependant, le miracle de Naïm n’est pas unique. Nous l’avons entendu dans la première lecture de l’Ancien Testament, le prophète Elie a lui aussi ressuscité le fils d’une veuve à Sarepta, comme le fera son successeur Elisée. Les juifs attendaient le retour d’Elie enlevé au ciel dans un char de feu. En ressuscitant le fils de la veuve de Naïm, Jésus s’inscrit dans la tradition prophétique mais il est encore bien plus que les plus grands prophètes puisqu’il est Dieu.

Ces résurrections, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament ne sont pas sans effet. Hormis le fait que deux jeunes gens soient revenus à la vie et remis à leurs mères, des affirmations de foi se font entendre. Celle de la veuve de Sarepta qui s’exclame : maintenant je sais que tu es un homme de Dieu, et que, dans ta bouche, la parole du Seigneur est véridique. Tandis que la foule qui vient d’assister à la résurrection à Naïm dit : Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. Et tous rendent gloire à Dieu.

«Jésus rejoint notre humanité dans toutes les circonstances de la vie»

Nous pouvons retenir de cette belle page d’Evangile que Jésus rejoint notre humanité dans toutes les diverses circonstances de la vie, quelles soient ordinaires, qu’elles soient particulièrement importantes. Il est présent à nos fêtes comme  il l’est au mariage de Cana, il est présent à nos joies et à nos moments de bonheur. Il est présent à nos souffrances, lorsqu’il rencontre les malades, les possédés, à nos manques, lorsqu’il nourrit des foules affamées, il est présent à nos deuils.

«Un cortège composé des vivants de la terre et des vivants du Ciel»

Quant à l’Eglise, elle est un peu comme cette veuve qui présente ses enfants faibles, malades, morts. Elle est aussi comme cette foule qui compatit, qui accompagne. Dans nos deuils, l’Eglise est là non seulement pour confier au Seigneur la personne qui nous a quittés, mais aussi pour entourer, écouter, encourager ceux qui passent par la douleur d’une séparation. Et Jésus vient à la rencontre de l’Eglise, à la rencontre des endeuillés, aujourd’hui encore sa compassion ne cesse de se renouveler comme il est dit au livre des Lamentations. Il est là, que nous l’appelions ou non, il est là par sa présence aimante, par sa parole toujours efficace. Il est là par la grâce des sacrements qui nous sont donnés par un geste et par une parole.

Désormais, il n’y a plus deux cortèges qui se croisent et qui semblent antagonistes, celui de la mort et celui de la vie. Il n’y en a plus qu’un, formé de ceux qui suivent le Christ. Ce cortège, nous en sommes, il est composé des vivants de la terre mais aussi des vivants du Ciel. Ne pleure pas…lève-toi : que ces paroles nous accompagnent, nous réconfortent tout au long du cortège de notre passage sur cette terre. Ce sont des paroles de vie qui nous conduisent à la Vie.

AMEN


10e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques :  1 Rois 17, 17-24; Psaume 29; Galates 1, 11-19; Luc 7, 11-17


 

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