Ouverture de l’Expo «Tabernacle» à Lausanne (070592)

Une exposition historico-évangélisatrice qui ne fait pas l’unanimité

Lausanne, 7mai(APIC) Afin de commémorer son 125e anniversaire, la « Ligue pour la lecture de la Bible », un mouvement international d’obédience évangélique, organise du 9 mai au 30 septembre prochain à Vennes-sur-Lausanne une exposition qui ne fait pas l’unanimité au sein des Eglises vaudoises, tant évangélique réformée que catholique romaine. Le tabernacle – qui est la tente ou la maison de Dieu transportable – décrit dans l’Ancien Testament y a été reconstitué scrupuleusement, grandeur nature, selon les données bibliques. L’exposition entend replonger le visiteur au 14e siècle avant Jésus-Christ, dans la période de l’Exode, et l’amener à « vivre la réalité d’autrefois ».

Cette importante manifestation – les organisateurs attendent quelque 45’000 visiteurs – ne réjouit pas vraiment les Eglises officielles, notamment dans les milieux de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) dont les autorités n’ont pas été consultées. De plus, une documentation établie par le Groupe de travail de l’EERV « Eglise et judaïsme » apporte un éclairage critique sur ce qui sera montré, établissant notamment que le tabernacle, tel que décrit dans l’Exode, n’a jamais vraiment existé. Suite au malaise provoqué par cette polémique et après un échange de lettres entre le Conseil synodal vaudois et les responsables de la Ligue, l’attaché de presse de l’EERV, le pasteur Pierre Marguerat, se montre apaisant en soulignant le pluralisme d’opinions qui règne dans l’Eglise.

Sur une surface de 4 hectares, composée du Camp de Vennes ainsi que de terrains et de forêt mis gracieusement à disposition par des particuliers, l’Etat de Vaud et la Commune de Lausanne, la Ligue pour la lecture de la Bible montre dès le 9 mai une reconstitution du « tabernacle », cette tente dont le nom peut être traduit par « Tente de la Rencontre », que Moïse aurait fait édifier pour servir de demeure à Dieu présent au milieu de son peuple en marche. Les plans en sont décrits de façon très détaillée dans le Livre de l’Exode. L’exposition, créée en Allemagne, a déjà eu lieu dans plusieurs pays d’Europe et a été vue, selon la Ligue, par plus de 140’000 personnes.

La reconstitution permettra de voir la tente ainsi que les des objets qu’elle contient et l’autel des sacrifices. Mais on découvrira également des aspects de l’artisanat de l’époque; un parcours à travers la forêt animera quelques étapes du cheminement des Hébreux; des jeux et un spectacle de marionnettes seront proposés aux plus petits et des possibilités de restauration seront offertes. De plus, un mini-zoo abritera moutons, cailles et chameaux. Sous la conduite d’un guide, la visite durera une heure et quart. Elle sera introduite par un audio-visuel et suivie d’une « explication du message pour aujourd’hui ».

Comme le déclare Paul Schoop, le secrétaire général de la Ligue: « L’histoire d’Israël a un sens prophétique. L’exposition permettra d’étudier le tabernacle comme une parabole. » La Ligue pour la lecture de la Bible a bénéficié de nombreux appuis pour la réalisation de cette exposition: un millier de bénévoles ont participé à la préparation; des entreprises ont offerts des matériaux de construction, l’armée même a réalisé les terrassements nécessaires. Quant au million de francs que coûtera cette manifestation, la Ligue espère en couvrir une moitié par le prix des entrées (10 à 12 fr.) et l’autre par des dons.

Divergences de vues

C’est sur l’actualisation du message que des divergences de vues sont intervenues entre la Ligue et l’Eglise réformée vaudoise. Car le Conseil synodal avait demandé que les groupes paroissiaux puissent recevoir cette actualisation de leurs propres accompagnants (moniteurs/trices, catéchètes, diacres, pasteurs). La Ligue a refusé d’accéder à cette demande, justifiant ce refus par ses principes de base qui empêchent qu’un enseignement marqué par une confession particulière soit dispensé au sein du travail de la Ligue. Les autorités de l’EERV ont déploré cette décision négative, même si la Ligue a fait savoir qu’elle se réjouirait de voir des membres de l’Eglise devenir guides de l’exposition… après une formation appropriée. De son côté, Mgr Bullet regrette également « la présence obligatoire d’un guide formé par la Ligue et qui imposera une lecture unique à l’exposition ».

Le secrétaire général Paul Schoop explique: « Nous avions mis en place un cadre et une structure. L’EERV aurait voulu apporter le message. D’accord, mais quel message? Le tabernacle, à cause de son symbolisme, peut se prêter à des interprétations qui vont d’une extrême à l’autre: en nier l’historicité ou le symboliser outrance. Il fallait se mettre d’accord. De plus, si on accédait à cette demande, il aurait fallu accepter les demandes de chaque Eglise romande, puisque la Ligue n’est pas en relation qu’avec l’Eglise vaudoise. » L’attaché de presse de l’EERV, Pierre Marguerat, conclut quant lui: « Il importe que les enfants, les catéchumènes, les adultes qui visitent cette exposition en saisissent le sens profond. » Il s’agit qu’ils reçoivent une Parole qu’ils puissent intégrer à leur vie. « Pour que cette Parole prenne forme, il ne suffit pas d’absorber des images et des discours, il faut un partage et un dialogue. »

Un dossier biblique pour un autre éclairage

Le groupe de travail Eglises et judaïsme de l’EERV, qui comprend notamment le professeur d’Ancien Testament à la Faculté de théologie de Lausanne, Samuel Amsler, a publié sur la demande du Conseil synodal un dossier biblique qui se veut utile à ceux qui font place à la critique historique dans leur lecture de la Bible. Selon l’EERV, ce document ne prétend pas exprimer la vérité exégétique unique. Ceux qui adoptent une lecture historicisante de la Bible trouveront des informations dans la documentation préparée par la Ligue.

Le dossier biblique souligne les similitudes qui existent entre la description de la Tente du Rendez-vous et celle du temple que Salomon construisit quelque siècles plus tard à Jérusalem (voir I Rois). Salomon aurait-il réalisé en dur une copie du sanctuaire de Moïse, jadis édifié sous forme pliable? Les recherches archéologiques portent plutôt les exégètes à penser que le temple aurait été réalisé selon le modèle de temples cananéens. Certains anachronismes culturels et des divergences dans les souvenirs de l’époque du désert conduisent le groupe de travail à la conclusion que le « tabernacle » serait une copie « anticipée » du temple: « Le temple royal de Jérusalem était si nouveau et si discuté au sein du peuple d’Israël qu’on lui a donné une légitimité en le rattachant à la tradition de Moïse ».

Cela ne signifie pas que les tribus en marche n’aient pas possédé une tente sacrée, mais « la disposition de ce Tabernacle de l’époque nomade, telle que le décrivent les textes, n’a probablement jamais existé. » Et Paul Schoop de répliquer: « Si cette hypothèse est vraie, comment se fait-il que l’auteur de l’Exode ait décrit le tabernacle avec une telle profusion de détails? » Son regret est que le dossier ne montre qu’une seule approche du problème. Finalement, pour l’attaché de presse de l’EERV, « la vraie question n’est pas de savoir si le tabernacle a existé tel quel dans tous ses détails. La question est de savoir quel sens revêtait le tabernacle pour le peuple d’Israël (…), en quoi Jésus-Christ dépasse-t-il et accomplit-il ce qui était lié au tabernacle. » C’est ainsi que l’essentiel est pour lui que l’exposition soit « une occasion de se rappeler la présence de Dieu, en marche avec nous ». Il rejoint ici l’organisateur, Paul Schoop, qui déclarait lors de la conférence de presse: « L’essentiel est que le tabernacle symbolise que Dieu est venu habiter au milieu des tribus d’Israël ». (apic/spp-fcr/be)

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