Concile panorthodoxe: Un élan vers l'unité et la modernité

Avec le grand Concile, «l’orthodoxie est entrée dans la modernité en parvenant à trier le bon du mauvais», assure à cath.ch Antoine Arjakovsky, qui a assisté, en Crète, au grand rassemblement. L’historien orthodoxe français souligne que la reconnaissance par le Concile du catholicisme comme «Eglise» constitue un pas décisif pour l’oecuménisme.

Les 156 membres de 10 Eglises orthodoxes autocéphales se sont réunis du 19 au 26 juin, à l’Académie de Kolymvari, au nord-ouest de la Crète, pour sanctionner une série de documents sur un panel de thématiques allant de la doctrine sociale à la liberté religieuse, en passant par les relations avec les autres confessions chrétiennes. Au terme, des débats, les Eglises ont publié une «encyclique» qui en résume les conclusions. Des résolutions fortes ont été prises, telles que la répétition de ce type de rencontre, tous les 7 ou 10 ans.

L’Eglise orthodoxe a montré son unité

Les premiers échos de la réunion décrivent une réjouissante réussite. «Le principal succès du Concile c’est d’abord qu’il a eu lieu», lance Antoine Arjakovsky. L’auteur de l’ouvrage En attendant le Concile de l’Eglise orthodoxe, qui a assisté aux assises, assure tout d’abord que le rassemblement s’est déroulé dans une bonne ambiance, avec une totale liberté d’expression. Il salue le fait que les messages transmis aient un réel contenu et que les propositions initiales aient même été enrichies au cours des débats. «Il ny a pas eu de consensus mou et l’Eglise orthodoxe a pu montrer son unité», affirme l’historien. Il se réjouit d’autant plus que certains textes n’avaient pas au départ la garantie d’être signés. Cela était notamment le cas du texte sur l’œcuménisme. Antoine Arjakovsky souligne «la grande victoire» que constitue l’adoption de ce document, qui reconnaît notamment le titre «d’Eglise» à la communauté catholique. Le spécialiste du monde orthodoxe estime que cela augure d’un rapprochement encore plus important entre les deux confessions chrétiennes.

Il note également des avancées considérables quant à la doctrine sociale de l’Eglise orthodoxe. «Il s’agit d’une réelle entrée dans la modernité. Les Eglises ont su néanmoins faire la part des choses en acceptant les éléments positifs de cette modernité, tout en critiquant les aspects négatifs», analyse-t-il. Les textes consacrent en particulier la défense de la famille, mais pas dans une optique conservatrice.

Le spectre de l’intégrisme

Pour Antoine Arjakovsky, les Eglises ont en outre réussi à se positionner dans une perspective auto-critique, se penchant de manière critique sur les éléments fondamentalistes qui se développent au sein de certaines communautés.

Un point confirmé par l’archimandrite Jean Renneteau de Charioupolis, interrogé en Crète par RTSreligion. Le responsable de l’archevêché des Eglises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale admet que l’orthodoxie traverse en ce moment une période difficile, à cause de l’essor des ‘zélotes’ et de l’intégrisme, notamment dans le monachisme. Il affirme que certains monastères «sont devenus des espaces où on juge tout le monde, les évêques, les Eglises et les autres chrétiens». Il relève que les Eglises ne veulent pas voir ce phénomène se développer davantage et qu’il faut les aider à lutter contre ces tendances.

Les participants ont ainsi pris une nette résolution pour le renforcement du dialogue interreligieux, condamnant l’intégrisme et la violence perpétrée au nom de Dieu.

«Dommage pour ceux qui ne sont pas venus»

Antoine Arjakovsky constate que, même si quatre Eglises n’étaient pas présentes, en particulier l’Eglise orthodoxe russe, les textes s’adressent de façon légitime à l’ensemble de l’orthodoxie. La validité du Concile ne peut être remise en question puisque les 14 Eglises autocéphales ont décidé de sa tenue.

L’expert du monde orthodoxe note même que l’assemblée de Crète a prié pour les Eglises absentes, a affiché sa volonté de maintenir avec elles une unité spirituelle et a pris en compte les opinions de ces dernières. Il considère néanmoins que les Eglises réfractaires ont fait une erreur en ne venant pas et qu’il leur sera difficile de contester des documents adoptés par les 10 autres.

Une opinion étayée par le métropolite Stéphane, primat de l’Eglise orthodoxe d’Estonie, également interrogé par RTSreligion.»Le Concile a été réussi à 1000%, dommage pour ceux qui ne sont pas venus», commente-t-il. Le dignitaire balte considère que les liens avec ces Eglises se renoueront de toute façon, «parce que la nécessité l’impose». Il estime que l’absence du Patriarcat de Moscou «n’a absolument pas affaibli le Concile». Le primat estonien assure que les fidèles russes, bulgares, géorgiens et antiochiens sont d’ailleurs «fou furieux» de la décision de leur hiérarchie ecclésiastique. Il relève que l’absence de l’Eglise d’Antioche a été particulièrement regrettable, car cela a rendu impossible des discussions approfondies sur la situation des chrétiens au Proche-Orient.

L’archimandrite Jean Renneteau souligne que les Eglises absentes ont été invitées aux prochains Conciles.

«Finalement, le Concile a délivré une parole forte d’unité, qui s’adresse non seulement aux 275 millions d’orthodoxes, mais également à tous les chrétiens et – comme le mentionne l’encyclique – à tous les hommes de bonne volonté», assure Antoine Arjakovsky. (cath.ch-apic/fh/rz)

Texte intégral de l’encyclique, sur le site orthodoxie.com

 

 

Raphaël Zbinden

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