APIC-Dossier
Il veut garder sa liberté et poursuivre son travail
de théologien depuis longtemps « grandement entravé »
« Il n’y a actuellement de la part de notre Ordre et de la curie romaine ni
mesures ni censures destinées à imposer le silence au théologien brésilien
Leonardo Boff ». En avril dernier, le Père Hermann Schalück, ministre général de l’Ordre des Frères mineurs, tenait à démentir les rumeurs de nouvelles sanctions contre l’un des « enfants terribles » de la théologie latinoaméricaine de la libération. Depuis dimanche, les rumeurs sont confirmées
et suscitent de nombreux commentaires: le franciscain brésilien quitte le
sacerdoce et son Ordre religieux, pour garder sa liberté et poursuivre son
travail de théologien depuis longtemps « grandement entravé ».
L’an dernier, dans une interview accordée à Lucerne à l’agence APIC,
Leonardo Boff, déclarait vouloir réorienter sa réflexion et prôner désormais une « écologie de la libération », dans la ligne de saint François d’Assise. Il avait alors démenti être victime d’une nouvelle sanction disciplinaire de la part du Vatican. Il avait tout simplement pris une année sabbatique pour rédiger un nouvel ouvrage intitulé « Spiritualité et écologie »,
un livre de fond pour étudier les rapports entre l’écologie et la spiritualité.
S’il dit adieu à des concepts dépassés – l’échec patent du socialisme
réel oblige à des révisions déchirantes – Leonardo Boff n’abandonne pas
pour autant son option pour les pauvres : il affirme vouloir seulement enrichir et affiner sa théologie de la libération et lutter pour une « justice
écologique mondiale ».
L’an dernier, des articles de presse affirmaient que L. Boff avait « volontairement » quitté le poste de rédacteur en chef de la revue culturelle
brésilienne « Vozes » sous la pression du Vatican et qu’il n’enseignerait
plus pour une durée indéterminée à l’Institut théologique franciscain de
Petropolis, près de Rio. Leonardo Boff avait alors affirmé qu’il prenait
seulement une année sabbatique prévue depuis longtemps et que cela n’avait
rien à voir avec d’éventuelles sanctions de la part de la Congrégation pour
la doctrine de la foi. Il avait cependant confirmé l’existence d’une lettre
du général de l’Ordre franciscain à Rome – « derrière, il y a certainement
une intervention du cardinal Ratzinger », affirmait-il – demandant effectivement son remplacement à la revue « Vozes ». La raison devait en être, à son
avis, la publication d’un numéro traitant des prêtres mariés (ils sont plus
de 3’000 au Brésil). Rome l’aurait considéré comme une provocation.
Leonardo Boff a également été rédacteur de la « Revista Eclesiastica Brasileira », une revue bien plus importante que « Vozes ». A l’occasion de son
année de silence forcé, en 1985 (sur ordre de la Congrégation pour la doctrine de la foi), il avait aussi été renvoyé de ce poste. Depuis 1972,
a-t-il déclaré à l’agence APIC, « je reçois pratiquement chaque année une
lettre de Rome pour des articles que j’ai écrits, de telle sorte que je ne
m’étonne plus de rien! »
Encadré
Biographie
Leonardo Boff naît en 1938 dans une famille de onze enfants à Concordia,
dans l’Etat de Santa Catarina, au Sud du Brésil. Ses grands-parents, « réfugiés économiques » comme des dizaines de milliers de leurs compatriotes
d’Italie du Nord, émigrent du Tyrol du Sud vers le Nouveau Monde. La mère
de Leonardo a été toute sa vie analphabète. A vingt ans, Leonardo Boff entre dans l’ordre des franciscains.
Après ses études au Brésil puis en Allemagne – il obtient son doctorat
en théologie systématique à Munich et y rencontre le futur cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, mais également
le célèbre théologien Karl Rahner – et après son ordination sacerdotale, il
rentre au Brésil en 1970. Depuis lors, il enseigne à l’Institut théologique
franciscain de Petropolis, près de Rio de Janeiro. Le théologien brésilien
souligne qu’il se situe totalement dans la tradition spirituelle de Saint
François, le « poverello » d’Assise.
Auteur de nombreux ouvrages, ce théologien engagé – certainement aussi
connu que le prêtre péruvien Gustavo Gutierrez, « père de la théologie de la
libération » – avait dû accepter en 1985 une période de « silence » d’un an,
la Congrégation pour la doctrine de la foi ayant repéré des tendances dangereuses pour la doctrine de l’Eglise dans son livre « Eglise : charisme et
pouvoir ». (apic/be)
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