L’évangile de ce dimanche poursuis celui entendu dimanche passé où Jésus se présentait comme le pain vivant descendu du ciel. Aujourd’hui, il ajoute le discours sur le vin: « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.»
A l’image de la nourriture, Jésus ajoute celle de la boisson. Au don de sa chair, il ajoute le don de son sang. Manger et boire. Non seulement manger, mais manger et boire. Manger et boire pour être des vivants, pour que la vie du dehors nous remplisse au-dedans. Le symbolisme eucharistique atteint son sommet et parvient à son accomplissement, car dans l’eucharistie Jésus donne réellement son corps et son sang.
Pour comprendre l’Eucharistie, il est essentiel de partir des signes choisis par Jésus. Le pain signifie la nourriture, la communion entre ceux qui le mangent ensemble. Dans nos pays, le pain constitue la nourriture de base. C’est le fruit du travail de l’homme. Ainsi, avec lui, c’est tout le travail de l’homme qui parvient sur l’autel et se trouve sanctifié.
Interrogeons-nous maintenant quant au sang. Que signifie et qu’évoque pour nous le mot sang? Le sang versé signifie d’abord toute la souffrance présente dans le monde. Si donc par le signe du pain, tout le travail humain parvient sur l’autel, avec le signe du vin, c’est toute la souffrance humaine qui y parvient. La souffrance est réellement déposée sur l’autel et s’y présente pour être sanctifiée et recevoir un sens et une espérance nouvelle. Cette sanctification, ce sens, cette espérance sont donnés grâce au sang de Jésus.
Pour le dire autrement, l’union de notre souffrance au sang de Jésus donne sens à notre souffrance! Il est un geste qui le montre très clairement: quand le prêtre unit quelques gouttes d’eau au vin dans le calice, il dit: «comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité». C’est seulement quand nos souffrances sont unies à celle de Jésus qu’elles trouvent un sens.
Faisons encore un pas de plus. Pourquoi Jésus a-t-il choisi le vin pour désigner son sang? Est-ce seulement en raison d’une similitude de couleur? Que représente le vin pour les hommes? Pour nous – surtout en Valais – le vin dit la joie et la fête. Le vin n’est pas nécessaire comme le pain; il est superflu. Là où le pain est utile, le vin est agréable. Le vin n’est pas fait seulement pour boire, pour se désaltérer, mais pour trinquer. On ne boit pas du vin parce qu’on a soif, mais pour vivre un moment d’amitié. Quand Jésus multiplie les pains, il le fait pour le besoin des personnes. Lorsqu’il transforme l’eau en vin à Cana, il le fait pour la joie des convives. Plus de vin, pour plus de joie. D’ailleurs le psalmiste parle du «vin qui réjouit le coeur de l’homme (…) et du pain qui fortifie le cœur de l’homme» (Ps 103 [104], 15).
Si Jésus avait choisi, pour l’Eucharistie, du pain et de l’eau, quel sens cela aurait donné? Le pain et l’eau sont synonymes de jeûne, d’austérité et de pénitence. Si Jésus avait choisi de l’eau plutôt que du vin, il n’aurait indiqué que la sanctification de la souffrance. Au contraire, en choisissant le pain et le vin il a également voulu indiquer la sanctification de la joie!
Je pense que l’évangile de ce jour veut nous apprendre qu’il serait tellement beau si nous apprenions à vivre également les joies de la vie, de manière eucharistique, c’est-à-dire en rendant grâce à Dieu. Oui, nos joies sont faites pour être offertes à Dieu. Il faut se réjouir avec Lui. Bien sûr chercher avec Lui un sens à nos souffrances. Attention toutefois à ne pas lui être uni que par nos souffrances. Nos joies aussi sont faites pour lui être unies. Dieu ne vient pas voiler nos vraies joies, au contraire il vient les intensifier.
Seigneur Jésus, tu es le Fils de Dieu. Tu es la vie éternelle.
Tu t’es fait homme pour nous rejoindre.
Tu es mort sur la croix pour nous donner ta vie.
Aujourd’hui, sur l’autel, lors de chaque messe, tu continues à te donner,
comme tu t’es déjà donné il y a deux mille ans.
Merci pour l’eucharistie.
Merci pour ton sang versé: il donne sens à nos souffrances.
Merci pour le vin: il réjouit le cœur de l’homme.
Par le vin, tu sanctifies notre joie.
Aide-nous Seigneur à rendre grâce pour nos joies.
Non pas plus de vin pour plus de joie, jusqu’à l’ivresse,
mais plus d’union à Jésus-Christ pour plus de joie authentique.
Amen.
Père Jérôme Jean
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