Un dollar et la gangrène

Au mois de juin, la Conférence des évêques du Congo a lancé un projet destiné à développer le micro-crédit dans toutes les régions. Cette initiative, c’est-à-dire la création d’un établissement financier avec agences spécialisées dans le micro-crédit, s’inscrit tout à fait dans les objectifs de l’Eglise catholique locale, tant le développement du pays repose sur les forces vives et surtout désintéressées (c’est-à-dire dont le premier but n’est pas de se remplir les poches).

L’Eglise, même s’il y a quelques couacs et des gaspillages dans la gestion des fonds à disposition, est une force de promotion d’un mieux-être aussi bien au point de vue matériel qu’au point de vue spirituel.

Actuellement, depuis quelques mois, le pouvoir d’achat des Congolais dégringole dangereusement, les taux de change favorisent fortement le dollar face à la monnaie locale et les prix des matières et objets d’usage courant «prennent l’ascenseur» (drôle d’expression pour un pays ou la plupart des habitations n’ont pas d’étages!)

Depuis quelques mois, le pouvoir d’achat des Congolais dégringole dangereusement

Au ras de ma colline, je me rends compte à quel point le pays est sinistré quand je vois que la plupart de nos paroissiens n’ont aucun argent de côté pour faire face aux «tuiles» de la vie, même les plus petites.

Ce matin, une maman vient présenter sa fillette à la porte de notre maison pour que nous la soignions. Or notre poste de santé, attenant au couvent, va s’ouvrir la semaine prochaine et nous ne pouvons pour le moment la prendre en charge. Nous demandons ce dont souffre la petite, la maman nous montre une immense plaie infectée à la jambe, nous l’invitons aussitôt à aller au dispensaire principal qui se trouve à 5 km. Elle rechigne…

En fait elle n’a pas du tout d’argent et au dispensaire il faut payer ne serait-ce qu’un dollar (1 franc suisse) pour être pris en charge. Même cela semble trop. Ce qu’elle veut c’est qu’on lui donne l’argent ou qu’on soigne sa fille gratuitement.

Nous lui faisons comprendre qu’elle peut apporter du manioc ou du maïs, si elle n’a pas d’argent liquide…

Elle part, avec sa fillette qui pleure…

De mon côté, cela pleure en dedans… Je me demande s’il n’y aurait pas moyen de trouver des solutions de micro-assurances-maladies comme il y a des systèmes de micro-crédits. Des solutions pour inciter les parents à ne pas attendre l’amputation pour faire soigner une plaie infectée de leur enfant… Ce pays est gangrené!

Guy Luisier | 18.07.2016

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