Le destructeur de mausolées musulmans devant ses juges

Le procès d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi, accusé d’avoir détruit des mausolées dans la ville malienne de Tombouctou en 2012, s’est ouvert le 22 août 2016 devant la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, aux Pays-Bas. L’accusé plaide coupable du crime de guerre dont il est accusé, rapporte le site de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Il s’agit du premier procès international se concentrant sur la destruction de monuments historiques et religieux et la première affaire pour laquelle l’accusé reconnaît sa culpabilité.

Ce procès «attire notre attention sur une tendance de plus en plus inquiétante à la destruction délibérée du patrimoine culturel dans les situations de conflit armé», a dit le porte-parole du Secrétaire général dans une déclaration à la presse. «Le Secrétaire général condamne tous les actes de ce type et demande à toutes les personnes concernées de garantir que les responsables rendent des comptes».

Une première à la CPI

L’ouverture du procès, le premier de la CPI concernant la situation au Mali, a débuté par la lecture d’un extrait de la charge à l’encontre de M. Al Mahdi. »Diriger intentionnellement une attaque contre des monuments historiques et bâtiments consacrés à la religion constitue un crime de guerre, dûment réprimé par le Statut de Rome. Ce sont des crimes graves qui doivent être portés entre les mains de la justice», a déclaré la Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, devant le président et les juges de la cour à l’ouverture du procès.

«Ce qu’il y a de gravissime dans ce crime, c’est qu’il s’agit d’une atteinte profonde à l’identité, à la mémoire et par là-même, au futur de populations entières», a-t-elle souligné. «Il s’agit d’un crime contre ce qui fait la richesse même de collectivités complètes. Et par là- même, il s’agit d’un crime qui nous appauvrit tous et qui porte atteinte à des valeurs universelles qu’il nous incombe de protéger».

Al Mahdi plaide coupable

Al Mahdi a confirmé aux juges qu’il comprenait l’accusation à son encontre et a ensuite reconnu sa culpabilité du crime de guerre consistant en la destruction alléguée de monuments à caractère historique et religieux. L’Accusation a ensuite commencé la présentation de son affaire, qui devrait durer deux jours.

Une fois que la Procureure aura conclu sa présentation, le représentant légal des victimes ainsi que la défense présenteront leurs remarques. De plus, les juges ont décidé que la défense pourrait demander l’introduction de dépositions ultérieures par écrit de deux témoins de la défense, en lien avec la peine éventuelle. Les juges commenceront ensuite leurs délibérations et prononceront en temps voulu une décision sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé et la peine éventuelle.

Acte inqualifiable

A Bamako, au Mali, la comparution de Ahmad Al Faqi Al Mahdi a été unanimement saluée par la population.  « Nous sommes contents de ce jugement. Pour nous, l’acte qu’il a commis est inqualifiable », a déclaré au quotidien Le Républicain, El hadji Cheick Soufi Bilal Diallo, guide spirituel des soufis du pays. «Nous demandons à ce qu’il soit jugé conformément à la gravité des violations faites et aux lois applicables en la matière», a-t-il ajouté, rappelant que «les sains sont sacrés au Mali».  »Qu’il soit jugé au Mali ou à la CPI, pour nous, l’essentiel est qu’il réponde de ses actes. Le fait qu’il ait plaidé coupable et demandé pardon ne le disculpe pas», a-t-il fait remarquer.

Les responsables des associations des victimes de Tombouctou, cités par le quotidien malien, Nord-Mali ont aussi rejeté « ce pardon d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi », relevant qu’il est « difficilement acceptable, au regard de toutes les souffrances qu’il a causées à la population ».

Joint au téléphone par  une radio locale, Studio Tamani, Abdoulaye Touré, coordonnateur régional des associations des victimes de Tombouctou,  a estimé, pour sa part, que la CPI peut accepter le pardon, mais que pour lui et les membres de l’association, «le pardon est hors contexte. Ce n’est le moment, ni la façon de le présenter», a-t-il fait observer. «C’est un pardon devant la CPI, ce n’est pas le pardon que nous attendions. Globalement, ce pardon est difficilement acceptable, pour qui sait comment nous avons vécu cet événement», a-t-il encore rejeté.

Valeur pédagogique

En revanche, pour Al Boukhari Ben Essayouti, chef de la mission culturelle de Tombouctou, «le pardon d’Ahmad Al Faqi doit être accepté sur le plan religieux». Le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est félicité de l’ouverture de ce procès contre Ahmad Al Faqi Al Mahdi, «un membre présumé d’Ansar Dine», un groupe armé djihadiste. (cath.ch-apic/onu/ibc/bh)

Bernard Hallet

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