Ghana: L’Eglise combat le sida sur plusieurs fronts (160892)
Accra, 16août(APIC) Jusqu’à une date récente, on estimait généralement
que l’Afrique occidentale était épargnée par le fléau que constitue le sida
sur le plan tant social, qu’économique ou sanitaire. Aujourd’hui, dans certaines régions, l’ampleur de la maladie a déjà atteint celle d’une épidémie. La cause de la propagation du terrible virus est souvent la prostitution, que l’on a longtemps considérée comme un palliatif au manque d’éducation, de travail et de revenu dans certaines régions pauvres.
Au Ghana, rapporte l’agence de presse catholique africaine DIA, l’Eglise
catholique combat le sida sur plusieurs fronts: l’éducation et la prévention, le conseil et les soins médicaux, ainsi que les soins à domicile et
l’aide économique apportés aux sidéens et à leurs familles. Et surtout, il
s’agit de créer des emplois pour que les jeunes filles des régions pauvres
n’aillent plus s’adonner à la prostitution dans les villes et en Côte
d’Ivoire voisine.
Les hôpitaux de la mission catholique ont dianostiqué la majorité des
cas de sida et de VIH recensés au Ghana. Un Comité national, composé des
personnels de santé travaillant dans les hôpitaux et les centres de santé
de la mission catholique, se réunit régulièrement pour planifier la lutte
contre le sida. « Nous faisons face au sida avec compassion », explique Soeur
Edigtha, membre du « Comité-SIDA » du diocèse catholique d’Accra.
Cette approche se concrétise dans le travail de la clinique St-Martin à
Agomanya, ville située dans la province orientale du Ghana. C’est dans cette province, plus précisément dans le district de Manya-Krobo que l’on enregistre le plus grand nombre de cas de sida et de séropositivité: plusieurs centaines chaque années depuis 1988. St-Martin, avec peu de moyens
supplémentaires, a réussi à créer un programme de soins et de soutien destiné aux sidéens, en mettant sur pied des activités d’éducation et de prévention au sein de la communauté.
La prostitution : solution de facilité et source de tous les dangers
Agomanya, zone économiquement pauvre à 80 km au Nord d’Accra, offre peu
de perspectives d’emploi pour les 150’000 habitants du district. Les jeunes
femmes sont donc attirées par les villes et les pays voisins, notamment la
Côte-d’Ivoire. Elles y sont invitées par des intermédiaires, et faute de
trouver un travail comme domestiques ou serveuses, elles finissent par atterrir dans l’industrie du sexe où les revenus sont élevés. Elles projettent de retourner à la maison pour vivre avec l’épargne réalisée, mais elles rentrent souvent sans grandes ressources, et chroniquement malades. De
retour au pays sans bijoux, mais avec le sida, et ayant parfois tout dépensé en traitements. En plus des malades, les prostituées séropositives mais
encore en bonne santé constituent une réserve d’infection potentielle
croissante au Ghana.
Selon un médecin local, « la prostitution était implicitement considérée
comme une solution au manque d’éducation, au chômage et à la pauvreté;
c’est donc seulement en s’attaquant à ces problèmes que l’on pourra réussir
à vaincre le sida ». Une étude menée à Abidjan, capitale de la Côte
d’Ivoire, a révélé que plus de la moitié des patients séropositifs admis à
l’hôpital étaient nés à l’étranger et qu’il y avait parmi eux deux fois
plus de femmes que d’hommes.
L’abandon de certains pratiques culturelles locales
La propagation du sida dans le district Krobo peut être liée à l’abandon
de certaines pratiques culturelles locales. L’une d’elles, le « dipo », est
un rite d’initiation auquel on soumettait les filles âgées de quatorze à
vingt ans et qui se déroulait sur un an et incluait un enseignement en travaux ménagers, cuisine et éducation des enfants. De cette année initiatique, les filles ressortaient compétentes et bien nourries, prêtes à être
courtisées par les jeunes gens et à se marier. De petites scarifications
sur les poignets et le bas du dos, indiquent aux hommes que la fille a fini
la période du « dipo » et pouvait être courtisée.
Quand les missionnaires sont arrivés, ils ont interdit le « dipo », sans
comprendre qu’il ne s’agissait pas de sorcellerie. Le « dipo » est une pratique culturelle qui a des motifs sanitaires. Elle évitait aux jeunes filles
des grossesses trop jeunes, leur permettait d’être complètement développées
et les aidait à acquérir le savoir-faire requis au moment de devenir épouse
et mère. Cette pratique prohibée, devint clandestine. Jusqu’à une date récente, les populations krobo n’établissaient pas de lien entre le sida et
l’activité sexuelle. Les gens reconnaissaient le « korni doorlee » (littéralement « le maigre ») comme une nouvelle maladie, mais la reliaient moins à
leur activité sexuelle qu’à des esprits maléfiques.
La pratique de la dot est un autre aspect culturel favorisant la propagation du sida. Le montant en est si élevé aujourd’hui que les jeunes hommes n’ont pas les moyens de se marier, explique le Chef Zogli. Les parents
espèrent recevoir 40’000 à 100’000 cédis – environ un an de salaire – et le
couple doit ainsi faire un « mariage à l’essai » pendant plusieurs années
parce que l’homme ne peut pas payer. Cette relation aussi instable amène
souvent la séparation du couple; la femme seule laisse son enfant à sa famille et s’en va gagner sa vie à l’étranger… L’homme qui n’a pas les
moyens de payer la dot fait les bars et ramasse des filles ».
Stratégie globale de l’Eglise catholique face au sida
Au Ghana, environ un quart des habitants sont des chrétiens pratiquants,
qui appartiennent pour la moitié à l’Eglise catholique. Une mission catholique existe à Agomanya depuis plus de quarante ans. Le Père Clément a enterré plus de 100 femmes d’Agomanya mortes du sida. Le religieux relève que
pendant la phase terminale de la maladie, la famille prend très bien en
charge le malade. Lors de l’enterrement, le cortège funèbre est aussi important que pour n’importe quel autre motif de décès.
Le groupe de Jeunes Travailleurs Chrétiens de l’Eglise catholique d’Agomanya a mis le sida à l’ordre du jour et rassemble argent, savon et poudre
à laver pour les distribuer aux familles atteintes du sida. « Nous voulons,
par ces actions, aider nos frères et soeurs. L’amour du prochain est notre
but essentiel, mais comme le nombre de personnes à aider augmente, nous
manquons d’argent », explique Winfred Dawutey, membnre du groupe et responsable de la médecine préventive à la clinique Saint-Martin. Les jeunes
chrétiens ont écrit et joué une pièce sur les dangers que représente la
multiplication des partenaires sexuels; ils prônent la fidélité dans le
couple. « Au début, nous avions peur de les approcher, note Winfred, nous
pensions que c’était une maladie des esprits maléfiques… Les malades du
sida allaient quant à eux voir un prêtre fétichiste qui prétendait que
quelqu’un leur avait jeté un sort ».
L’Association de la Jeunesse chrétienne de Manya-Krobo est un groupe oecuménique de catholiques, d’anglicans, de presbytériens et de méthodistes.
Ils organisent des débats, des réunions où des médecins travaillant sur le
sida viennent parler aux membres de l’Association, ainsi qu’à d’autres jeunes de la région.
Formation professionnelle et financement
Dominic Kodwo Andoh, l’évêque catholique d’Accra, est très actif dans le
travail mené contre le sida: « les évêques catholiques de Côte d’Ivoire nous
ont lancé un appel pour que nous découragions nos filles d’aller travailler
là-bas. A présent, on fait un travail de prévention, par le biais de la
formation professionnelle. Seul un emploi permettra de sauver ces jeunes
filles, qui ne seront donc plus obligées d’aller à l’étranger », déclare
l’évêque d’Accra. Il faut créer des stimulations financières afin qu’elles
puissent rester. Le financement des activités de formation professionnelle
et la création d’emplois est assuré par la mission catholique locale. Mais
s’il est évident qu’il est lui impossible de créer des emplois aussi rémunérateurs que la prostitution, les femmes d’Agomanya commencent à comprendre qu’il vaut mieux être moins bien payées et en bonne santé que d’avoir
la vie écourtée par le virus du sida. (apic/dia/ak)
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