Vaud: Référendum lancé contre l'interdiction de la mendicité

«Luttons contre la pauvreté, pas contre les pauvres!» C’est sous ce mot d’ordre qu’une dizaine d’associations et de partis politiques du canton de Vaud ont lancé le 10 octobre 2016 un référendum contre l’interdiction de la mendicité, décidée à la fin septembre par le Grand Conseil. Bien que solidaires avec la cause, les Eglises ne se sont pas engagées dans le comité référendaire.

A une courte majorité, le parlement vaudois avait accepté, le 27 septembre, une initiative du parti nationaliste-conservateur UDC demandant de proscrire la mendicité de rue dans tout le canton de Vaud. Le comité référendaire a soixante jours pour récolter les 12’000 signatures nécessaires. Le défi s’annonce difficile, mais pour les associations de terrain, ce combat est indispensable.

«On ne peut adhérer à l’idée que la misère soit punissable», souligne Anne-Catherine Reymond, présidente de la Communauté chrétienne Sant’Egidio, très active auprès des Roms. En l’occurrence, c’est bien eux qui sont le plus directement ciblés par les discours sur la mendicité, rappelle Véra Tchérémissinoff, présidente d’Opre Rrom. «Ils sont un bouc émissaire idéal, sans moyens pour se défendre.»

Les mendiants ne vont pas disparaître

Alors que les diverses associations mènent des actions de longue haleine pour sortir ces personnes de l’impasse, un durcissement de la loi détruirait tout ce travail. Les mendiants ne partiront pas tous et devront se tourner vers d’autres sources de revenus, comme la délinquance ou la prostitution, argumente le comité référendaire.

L’exemple de la loi genevoise est également évoqué. Selon les référendaires, elle n’a pas du tout amené les effets escomptés, mais a provoqué une surcharge administrative et judiciaire. Ces moyens seraient mieux utilisés à lutter contre la pauvreté. Le comité rappelle en outre que la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg, est actuellement saisie du dossier genevois et devra se prononcer sur sa conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme dont la Suisse est signataire.

Les membres du comité référendaire ont prévu également d’agir par une autre voie. Outre le référendum, ils appellent le Conseil d’Etat à rédiger un nouveau projet de loi. Ils demandent un texte qui garantisse le «respect du droit fondamental à demander l’aumône, tout en sanctionnant toute forme d’exploitation de la mendicité».

Interdire la mendicité … et après ?

L’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) a dit son étonnement face à la décision du Grand Conseil d’une interdiction sur tout le territoire vaudois, sans aucune mesure d’accompagnement.

Dans un communiqué du 10 octobre, l’EERV rappelle que lorsque Calvin interdit la mendicité à Genève, il crée en même temps l’Hospice général. La pratique de l’Eglise, même la plus rigoureuse, ne laissait pas les mendiants sur le carreau. Un mendiant dans la rue est signe que la grande pauvreté existe dans le monde, et aussi en Suisse. Une simple interdiction ne la fait pas disparaître. «Comme chrétiens, nous sommes appelés à la combattre sans nous faire d’illusion sur notre capacité à la résorber complètement», notent les protestants.

La mendicité: un ‘mal nécessaire’

Les Eglises s’engagent dans de nombreux projets visant à proposer aux pauvres des chemins d’intégration. Ici, elles contribuent par leurs pastorales sociales à aider des personnes et des familles: accompagnement dans la recherche d’emploi, soutien dans la scolarisation des enfants roms, etc… Dans les pays d’origine de certains mendiants, elles soutiennent des projets autour de l’éducation, du logement et de la création d’emplois. Tout cela permet très concrètement à un certain nombre de personnes de s’en sortir, mais cela ne suffit pas. Pour celles qui n’y arrivent pas, la mendicité reste un moyen de survie, une sorte de «mal nécessaire» tant que chacun n’a pas trouvé les conditions d’une vie digne.

L’Eglise réformée soutient l’appel au Conseil d’Etat. Elle a la conviction qu’un nouveau projet de loi inspiré du contre-projet que le Conseil d’Etat voulait opposer à l’initiative de l’UDC pourrait être adopté par le parlement et éviter la voie référendaire.

Contacté par cath.ch, le porte-parole de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud, Jean Brice Willemin, a indiqué que le Vicariat vaudois ne prend pas position pour l’instant sur l’interdiction de la mendicité. (cath.ch-apic/ag/mp)

Maurice Page

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