L'archevêque de Kirkouk témoigne du sauvetage de «ses» étudiantes rescapées de Daech

71 étudiantes vivant dans quatre maisons louées pour elles par l’archevêché chaldéen de Kirkouk et Souleimaniyeh, ont pu échapper aux djihadistes de Daech qui se sont infiltrés vendredi 21 octobre 2016 dans cette ville du nord de l’Irak et qui s’étaient cachées dans leurs habitations.

Ces étudiantes chrétiennes, musulmanes sunnites ou chiites, yézidies et sabéennes, ont été exfiltrées au risque de leur vie par Imad Matti, qui s’occupe des étudiants et des personnes déplacées dans le diocèse.

Dans le but de faire diversion alors que la ville de Mossoul est à portée de fusils de la coalition anti-Etat islamique, Kirkouk a été attaquée par un groupe de plusieurs dizaines de terroristes qui visaient le gouvernorat et les édifices de la police et de la sécurité. Mais compte tenu de la forte résistance des troupes de sécurité, les terroristes se sont réfugiés dans les maisons environnantes, rapporte dans un courriel Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque chaldéen de Kirkouk et Souleimaniyeh.

L’appel à la prière musulmane des terroristes

Parmi les bâtiments environnant le gouvernorat de Kirkouk se trouvent le couvent des sœurs dominicaines de Sainte Catherine de Sienne et quatre maisons dans lesquelles l’archevêché chaldéen logeait des étudiantes universitaires. Imad Matti raconte qu’à l’aube du vendredi 21 octobre, les étudiantes ont entendu que des gens escaladaient les maisons et étaient terrés dans les jardins. «Ils commençaient à faire l’appel à la prière musulmane».

L’une des étudiantes a même a photographié l’un des terroristes fortement armé et portant  des ceintures explosives. «Nous avons prévenu les forces de sécurité de la gravité de la situation. Les étudiantes sont restées toute la journée dans la peur, dans les maisons sans électricité jusqu’au soir, où l’assaut a été donné par les forces spéciales irakiennes. Le feu était si intense dans toutes les directions qu’elles n’ont pas pu les libérer. J’ai fait un plan pour le sauvetage des filles de la première maison, leur nombre était 14, et ce fut fait en dépit des tireurs d’élite sur les toits voisins. Puis nous sommes revenus à 2 heures du matin, pour le deuxième groupe des filles, elles étaient sept», témoigne Imad Matti.

Terroristes cachés dans les maisons des étudiantes

Quatre terroristes étaient retranchés dans la maison où les sept filles étaient cachées dans une pièce adjacente. «Les terroristes mangeaient et buvaient, les filles sont restées sous les lits, et le Seigneur a aveuglé les terroristes. J’étais en contact avec les filles par le portable, j’ai pris le risque de leur demander de sortir pieds nus, vers le mur de derrière la maison ou nous allions les accueillir une à une. Cela devait se faire en une minute, et ce fut fait. Les forces de sécurité qui m’accompagnaient ont été d’une efficacité et d’un courage exemplaires. Ainsi dans le noir de la nuit, et en dépit des tirs qui pleuvaient autour de nous, elles ont toutes été sauvées», poursuit le responsable. Un troisième groupe de 30 filles a été sauvé à cinq heures du matin du samedi, par les forces de «Swat», le contre-terrorisme de la ville de Souleimaniyeh.

«L’étonnant est le fait que sept étudiantes sont restées sous les lits pendant  18 heures sans faire de mouvements, et les quatre terroristes ne se sont douté de rien». Dans la matinée du samedi, les étudiants et les étudiantes ont été transférés à Erbil, au Kurdistan, «en bonne santé, pour souffler et récupérer un peu, de leurs émotions et rassurer leurs parents et proches».

Au lendemain de cette libération qu’il qualifie de «miraculeuse», Mgr Yousif Thomas Mirkis dit «rendre grâce au Seigneur, qui nous a comblés de sa bénédiction, c’est un vrai miracle qu’il a donné, cette nuit, à ses enfants. Nous prions aussi pour ceux qui sont morts, et demandons la guérison pour les blessés et tous ceux qui ont souffert un traumatisme ou de pertes».

L’engagement du diocèse de Kirkouk pour la jeunesse irakienne

Sous la houlette de Mgr Yousif Thomas Mirkis,  l’archidiocèse de Kirkouk accueille, depuis trois ans, un demi-millier d’étudiants irakiens réfugiés, appartenant à toutes les dénominations religieuses: chrétiens de toutes les dénominations, des Yézidis, des musulmans sunnites et chiites, ainsi que des Sabéens. Les filles qui ont échappé aux terroristes se préparaient à commencer les cours à dans diverses disciplines au sein des 13 facultés de l’Université de Kirkouk.

«Il n’y a pas de tensions interreligieuses entre les étudiants, car nous rejetons tout prosélytisme: le Bon Samaritain n’a rien exigé en contrepartie de son aide. Tous sont reconnaissants que l’Eglise les soutienne, car la plupart n’ont pas le sou. Nous avons pour cela reçu l’appui du gouverneur et les autorités nous montrent un grand respect, car nous ne faisons aucune discrimination», confie-t-il à cath.ch. L’archevêché à Kirkouk prend en charge logement, subsistance, frais universitaires, avec une seule exigence: «réussir les études!». Pour le religieux dominicain, c’est par l’ouverture culturelle de sa jeunesse que pourront s’établir le dialogue et la réconciliation entre les diverses composantes ethniques et religieuses de l’Irak.

Kirkouk, ville de plus de 1,2 un million d’habitants, a accueilli quelque 400’000 réfugiés venus de tout le pays. Ce sont des chiites, des sunnites, des yézidis, des chrétiens, venus de Mossoul, de la plaine de Ninive, de Tikrit, de Sinjar, de la province d’Al-Anbar… «Les gens ici sont accueillants, ils ne regardent pas la provenance ou l’ethnie des réfugiés: ainsi, des chrétiens accueillent des musulmans, et l’atmosphère générale entre eux est bonne actuellement, témoigne l’archevêque de Kirkouk. Toutes les minorités ont le sentiment d’être écrasées, alors elles se soutiennent mutuellement. La jeunesse veut l’unification du peuple, une laïcité positive. L’ethnicisme, le tribalisme, la théocratie, c’est fini pour les jeunes. Ils savent que leur avenir ne sera construit que par les enfants du pays, pas par les étrangers. Même ceux qui ont accueilli Daech à bras ouverts ont depuis longtemps déchanté en raison des exactions de ce groupe terroriste. Tout le monde les déteste!»  Mgr Thomas Mirkis espère que la ville de Mossoul sera libérée de Daech avant la fin de l’année.  (cath.ch-apic/be)

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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