La plupart des fidèles orthodoxes vivant en Turquie ne sont pas grecs

Les fidèles de rite grec-orthodoxe vivant actuellement en Turquie sont entre 3’000 et  5000, mais la plupart ne sont pas Grecs, affirme l’évêque Cyrille (Sykis), hiérarque du Patriarcat de Constantinople.

L’évêque Cyrille a été ordonné en septembre dernier en l’église historique Saint-Bucole à Izmir, l’ancienne Smyrne. Ce fut la première ordination épiscopale dans cette ville qui fut vidée de sa population grecque en 1922. En effet, les Grecs vivant sur le territoire de la Turquie actuelle ont été chassés lors de plusieurs épisodes sanglants, relève-t-il.

Orthodoxes de langue russe

Grâce aux chrétiens orthodoxes de langue russe installés en Turquie et à l’activité de l’Association d’étude de la langue et de la culture russes à Izmir, la vie ecclésiale est désormais devenue plus intense et active dans ce grand port situé sur la mer Egée. De nouvelles églises sont ouvertes et la nécessité de nouveaux prêtres orthodoxes se fait sentir.

La «catastrophe d’Asie mineure»

Après la «catastrophe d’Asie mineure» – la Deuxième Guerre gréco-turque et l’incendie de Smyrne en 1922, qui a ravagé les quartiers chrétiens, s’accompagnant de massacres qui ont fait des milliers de morts parmi les chrétiens anatoliens – la présence chrétienne avait été quasiment éradiquée de la région.

«Plus d’un million et demi de Grecs ont alors quitté la Turquie, beaucoup ont été expulsés en 1924. Nombreux sont ceux, parmi eux, qui n’étaient même pas grecs, ils étaient seulement chrétiens, ne connaissaient pas même la langue grecque, mais ont été expulsés de leurs terres pour des raisons religieuses», rappelle l’évêque Cyrille.

Les pogroms d’Istanbul

Après la fuite et l’exode des Grecs en 1922, un violent pogrom principalement dirigé contre la minorité grecque d’Istanbul s’est déroulé les 6 et 7 septembre 1955, vidant les quartiers grecs de leur population. Plus 150’000 ressortissants grecs vivaient alors dans l’ancienne Constantinople, souligne l’évêque Cyrille, cité par le site internet russe Pravoslavie.Fm.

«Au cours de deux nuits, les 6 et 7 septembre, de terribles persécutions se déroulèrent dans l’ancienne capitale du pays, témoigne-t-il. Certains Grecs ont été prévenus par des amis du malheur qui se préparait, leur disant de fuir en prenant avec eux ce qu’ils avaient de plus précieux. Mais la majorité des gens ne savaient rien. Ils ont tout perdu, beaucoup ont perdu la vie… Ce furent des jours noirs!»

Le septembre sanglant disparu des mémoires

Des extrémistes étaient amenés de partout dans des autobus, poursuit-il. «A l’aide des provocateurs, les chrétiens grecs étaient accusés de différentes fautes et de trahison, ce dont ils n’étaient pas coupables. La foule déchaînée fit irruption dans les quartiers grecs: on tuait, on brûlait, on violait et on pillait les gens. Des canailles savaient où aller, les maisons et les magasins des chrétiens étaient marqués à l’avance. Les persécutions eurent lieu non seulement à Istanbul, mais aussi sur les îles proches où vivait en majorité la population grecque. Des milliers de ressortissants de mon peuple ont alors été tués !»

Mais, poursuit-il, les autorités n’ont reconnu officiellement que 16 victimes de la persécution. «Après ces jours presque personne, parmi les chrétiens, ne resta à Istanbul. Les diasporas juive et arménienne ont également fortement souffert. Ces événements se sont produits il n’y a pas si longtemps. Et il est affligeant que ce septembre sanglant soit resté inaperçu pour le monde entier».

Evoquant ce qui reste du patrimoine chrétien des Grecs en Turquie, l’hiérarque orthodoxe déplore que les plus grandes églises aient été transformées en mosquées ou ont été détruites. «De mille églises qui fonctionnaient jusqu’en 1922 en Turquie ne sont restées que quelques dizaines d’églises… La culture chrétienne a été exposée à la destruction. Des anciennes fresques ont été détruites. De nombreux villages et villes qui étaient peuplés de Grecs -chrétiens – sont restés déserts. Et jusqu’à présent, ils ne sont habités par personne. C’est douloureux!» (cath.ch-apic/orthodoxie.com/be)

Jacques Berset

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