Pour 80% des Suisses, les valeurs chrétiennes font partie de l'identité du pays

80% des Suisses considèrent que les valeurs chrétiennes font partie de l’identité du pays. D’après un sondage publié le 6 novembre 2016, les Helvètes sont en revanche une majorité à rejeter une reconnaissance officielle de l’islam par l’Etat.

Le sondage effectué pour les hebdomadaires Matin dimanche et Sonntagszeitung révèle que 61% des sondés répondent «non» ou «plutôt non» à la question de savoir s’il serait judicieux de placer l’islam au même niveau que le christianisme et le judaïsme en Suisse. 19% disent «oui» et 20% «plutôt oui». 62% des Suisses estiment en outre que l’islam n’a pas sa place en Suisse. 38% pensent le contraire.

Le point de vue de Mgr Morerod

Commentant ces résultats pour le Matin dimanche, Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), n’est «pas tellement» étonné par le fait que 80% des Suisses revendiquent des valeurs chrétiennes. Il se demande tout de même qu’est-ce que les représentants de cette immense majorité entendent par «valeurs chrétiennes», estimant qu»il y a probablement une certaine variété». Pour l’évêque, il y a une influence chrétienne au niveau de l’identité suisse, par exemple dans le préambule de la Constitution fédérale. Le texte stipule notamment que «la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres».

Mgr Morerod considère qu’il n’est pas incompatible pour un Etat démocratique de revendiquer à la fois des valeurs laïques, telles que les droits humains, et des valeurs chrétiennes. «La conviction que l’homme est à l’image de Dieu a permis le développement progressif des droits de l’homme (…)», souligne-t-il.

Quant à la place de l’islam en Suisse, l’évêque estime qu’elle est «évidente», notamment eu égard au fait que les musulmans représentent de 4 à 5% de la population. Concernant la reconnaissance de cette religion, Mgr Morerod note qu’un lien avec l’Etat permet un encadrement, ce qui peut être utile. «Reste à voir les règles locales, relève le prélat. Par exemple la possibilité d’une représentation unique de tous les musulmans: ce n’est pas toujours facile, surtout si cela implique la reconnaissance de l’Etat de droit».

Ne plus avoir peur de revendiquer les valeurs chrétiennes

Fabio Wasserfallen, l’un des politologues qui ont pondéré les résultats du sondage, note que les personnes ont visiblement répondu en fonction des valeurs culturelles. Si la question avait été plus spécifique sur les valeurs religieuses, les pourcentages auraient été bien plus bas, assure-t-il.

L’enquête a par ailleurs révélé que le ‘oui’ à la question concernant les valeurs chrétiennes était particulièrement massif chez les militants de droite. Même si les personnes identifiées à gauche de l’échiquier politique ont également approuvé ce point de vue à près de 70%.

Dans «aimer son prochain», il y a la recommandation d’aimer le musulman

Gehrard Pfister, le président du Parti démocrate chrétien (PDC), avait récemment insisté sur ces «valeurs chrétiennes de la Suisse», estimant en même temps que l’islam n’y avait pas sa place. Pour lui, ce sondage prouve que «les Suisses acceptent les musulmans dans notre société mais demandent qu’ils respectent l’Etat de droit, ainsi que les valeurs chrétiennes et occidentales». Le vice-président du PDC, Yannick Buttet remarque que Gehrard Pfister a raison sur les valeurs chrétiennes. «Nous ne devons plus avoir peur de les revendiquer. Et désormais il faudra les intégrer dans le débat politique», lance le politicien valaisan.

Des résultats qui réjouissent également l’UDC Oskar Freysinger. «Les musulmans ont leur place. Mais pas l’islam, car il est incompatible avec l’Etat de droit», commente-t-il.

L’intérêt commun d’une intégration

La socialiste Ada Marra ne se positionne cependant pas sur la même ligne. Elle estime au contraire que la Suisse a aussi un héritage musulman. Elle ajoute: «les musulmans sont en Suisse, l’islam fait partie de l’identité suisse. Nous ne devons pas vivre dans le déni».

Du côté des musulmans eux-mêmes, les réactions sont mesurées. «Si tous ceux qui se revendiquent des valeurs chrétiennes les appliquent , j’en suis ravi», réagit Hafid Ouardiri, de la fondation de l’Entre-connaissance, basée à Genève. Il relève en effet que dans la valeur chrétienne qui consiste à «aimer son prochain», il y a la recommandation d’aimer le musulman.

Le président de la Fédération des organisations islamiques de Suisse (FOIS), Montassar BenMrad, souligne pour sa part que «les valeurs chrétiennes ont contribué à l’élaboration des valeurs suisses, mais pas de manière exclusive». Concernant la reconnaissance de l’islam, il admet que le moment n’est pas opportun pour en parler, mais assure que «nous avons un intérêt commun d’une intégration inclusive». (cath.ch-apic/mat/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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