Des relations difficiles entre Fidel Castro et l'Eglise

Elevé par une mère pieuse, baptisé et formé par les Jésuites, le Fidel Castro a pourtant mené une répression terrible contre l’Eglise cubaine. Le dégel s’est amorcé en 1998, lors de la visite du pape Jean-Paul II.

Le moment est historique: nous sommes le 25 janvier 1998. L’emblématique place de la Révolution vibre sous les applaudissements à tout rompre des quelque 500’000 Cubains en liesse venus participer à la messe célébrée par Jean-Paul II, en présence de Fidel Castro. »Le Seigneur m’a envoyé pour annoncer aux captifs la libération», proclame, sous les vivats, le Pape polonais. Il cite l’Evangile selon saint Luc, avant de lancer: »Puisse le monde s’ouvrir à Cuba, et Cuba s’ouvrir au monde».

La libéralisation religieuse encore inachevée à Cuba

Cette visite du pape polonais marquera une nouvelle étape dans les relations du pouvoir cubain avec l’Église et le Saint-Siège. «La visite de Jean-Paul II a eu des effets d’ordre symbolique, avec notamment le rétablissement de la célébration de la fête de Noël*», commente, au micro de Radio Vatican, Bernard Lecomte, journaliste et auteur de nombreux ouvrages sur la papauté et le Saint-Siège. «La libéralisation religieuse a pris énormément de temps. Elle n’est pas encore terminée», ajoute-t-il.

Ces relations, anciennes, complexes, tumultueuses, débutent en 1935 sous le pontificat de Pie XI avant de connaitre une nette détérioration dans les années 60 avec l’arrivée au pouvoir de Castro et l’avènement de la Révolution cubaine. Pendant plusieurs décennies, l’Église, taxée de propagande contre-révolutionnaire, sera muselée et marginalisée. Des prêtres et des religieux seront arrêtés et emprisonnés, les séminaires fermés.

Le dégel

Un dégel s’amorce dans les années 90, avec l’effondrement du bloc soviétique. La visite de Jean-Paul II en sera un signe évident. Celles de ses successeurs, Benoît XVI et François, consacreront quant à elles, le nouveau rôle de l’Église dans le pays: de statut de marginal, elle passe à celui de médiateur. Elle a joué un rôle indéniable dans l’ouverture de Cuba au monde et ce n’est pas fini. Comment comprendre ce travail de diplomatie du Saint-Siège?

«La diplomatie vaticane est silencieuse et très discrète. Elle a toujours fait des miracles sans bruit, sans éclat. Ce qui s’est passé avec Cuba», explique Bernard Lecomte. L’Eglise a eu la chance d’avoir le pape François: il venait de l’Amérique du Sud et connaissait très bien le sujet et son interlocuteur. Cela donne un rapprochement spectaculaire entre Cuba et les Etats-Unis. C’est grâce à la diplomatie vaticane que ce dégel a pu avoir lieu.»

Une formation religieuse

Ancien élève des jésuites, Fidel Castro ne cachait pas une certaine fascination pour l’Eglise et ses enseignements. «Les jésuites ont su me communiquer un sens très fort de la dignité personnelle. Ils ont influencé ma formation avec les valeurs, y compris le sens de la justice», exliquait-il dans des propos que rapporte le quotidien français La Croix. Il n’empêche, le «Lider maximo» n’a pas eu plus d’égards pour les chrétiens que pour les autres. Ce questionnement intellectuel et spirituel qui l’habitait, il le partagea avec saint Jean-Paul II, Benoît XVI et François, lors de leur venue respective, en 1998, 2012 et 2015. (cath.ch/lc/rv/bh)

*la fête de Noël a été de nouveau célébrée le 25 décembre et non plus en juillet comme c’était le cas depuis 1969. Ce changement de date avait été décrété pour ne pas prétériter la récolte de canne à sucre.

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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