Homélie du 4 décembre 2016 (Mt 3, 1-12 )

Abbé Pierre Jaquet – Basilique Notre-Dame, Genève

« Marcher à la rencontre du Seigneur, malgré le souci des tâches présentes »

Les lectures invitent à l’espérance. Elles rappellent en même temps une exigence essentielle : changer d’esprit, changer de mentalité ou encore se convertir. Sans conversion, sans changer sa façon habituelle de penser, il semble ne pas y avoir de véritable espérance !

Allons vers le prophète Isaïe. Israël subit l’invasion des Assyriens. Sur ce fond de défaite retentit l’annonce d’Isaïe : « Un rameau sortira de la souche de Jessé. » 

Un appel d’espérance

Quel appel à changer d’esprit ! Connaître la détresse et s’ouvrir soudainement à un appel d’espérance. Comment passer de l’un à l’autre ? Isaïe insiste : « Vous souffrez de la méchanceté du roi d’Israël (…) Il a prescrit des lois malfaisantes (…) Il a mis par écrit la misère » (Is 10, 1-2). Eh bien ! moi je vous dis « qu’un rejeton jaillira (…) ( sur lequel) reposera l’Esprit du Seigneur » (Is 11, 1-2)

À cette nécessaire transformation d’esprit, saint Paul donne un double fondement : « L’espérance, nous la possédons grâce à la persévérance et au courage que donne l’Écriture. » Et il ajoute : « C’est en raison de la miséricorde de Dieu que les nations païennes peuvent lui rendre gloire. » 

La parole de Dieu et la force de la miséricorde divine

Comment se convertir à l’espérance ? En puisant sa force dans la parole de Dieu et dans la force de la miséricorde divine. L’année sainte de la Miséricorde, qui vient de s’achever, nous l’a rappelé.

La prière d’ouverture de ce dimanche, avant les lectures, a parlé du « souci des tâches présentes ». A regarder notre planète, les préoccupations ne manquent pas : tant de douleurs et de détresses à travers le monde : au Moyen-Orient, sur le continent africain et ailleurs ; la transformation de tant de « printemps remplis d’espérance » devenus pour beaucoup de nos semblables des « hivers » glaciaux, mortifères et interminables.

En effet comment ne pas se laisser envahir par ces inquiétudes quand notre monde devient toujours plus incertain ?

Intelligence du coeur

La prière d’ouverture nous a invités à « laisser le Seigneur éveiller en nous l’intelligence du coeur qui nous prépare à accueillir son Fils et nous fait entrer dans sa propre vie ».

Cet encouragement aujourd’hui rejoint celui du prophète Isaïe qui appelle à la même espérance et nous appelle au même courage : « un rejeton jaillira (…) ( sur lequel) reposera l’Esprit du Seigneur » . Mais, comme le demande saint Paul, sont-elles suffisamment fortes en nous, « la persévérance et la force que donnent l’Écriture et la miséricorde de Dieu » ?

L’intelligence du cœur à laquelle nous ouvrir, l’Évangile de ce jour en parle : ils étaient nombreux à se « faire baptiser par Jean-Baptiste dans le Jourdain. » 

Allons vers ce lieu où Jean baptisait. D’après les dernières recherches, l’endroit où Jean-Baptiste baptisait se trouve sur l’actuelle rive jordanienne du Jourdain. Quand on arrive depuis l’Égypte, on voit à cet endroit, devant soi, les montagnes de Jérusalem. Juste derrière soi se dresse le Mont Nébo, là où Moïse s’était éteint après avoir conduit le peuple d’Israël à travers le désert.

«Quelle direction prend ta vie ?»

Ce lieu a sans doute une portée symbolique. Il est un point de passage du chemin de l’Égypte vers Jérusalem, vers la Terre promise !

« Se convertir » veut dire « se tourner vers ». La question de l’Évangile est la suivante : quelle direction prend ta vie ? Vers Jérusalem et vers la vie avec Dieu ou bien vers l’Égypte et ses esclavages de mort ?

Le temps de l’Avent nous demande de réfléchir à l’orientation de notre existence. Faisons-nous effectivement route vers « Jérusalem » ou bien vers « l’Egypte » !

Une lumière rassurante dans le coeur

Au IVe siècle, dans ses Confessions, saint Augustin parle de sa conversion[1]. Après un douloureux retour sur lui-même, il prend conscience de toute la misère de son péché :

«Il s’éleva dans mon cœur une grande tempête, porteuse d’une abondante pluie de larmes. Afin de les laisser couler, je me levai et m’écartai ; je ne retins plus mes larmes ; je poussai des cris impitoyables : « Combien de temps, combien de temps dirai-je demain et encore demain ? Pourquoi pas à l’instant, pourquoi ne pas en finir, sur l’heure, avec ma honte et mon péché ? «

Augustin ouvre ensuite la Bible et tombe sur ce verset de saint Paul :

Ne vivez pas dans la ripaille et l’ivrognerie, ni dans les plaisirs impudiques, ni dans les querelles et dans les jalousies, mais revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ (Rm 13, 13)

Le saint ajoute :

«À peine avais-je fini de lire cette phrase qu’une espèce de lumière rassurante s’était répandue dans mon cœur, y dissipant toutes les ténèbres de l’incertitude.»

Dire oui à la parole du Seigneur

Comme jadis la foule venue au Jourdain recevoir le baptême de Jean pour changer de vie, voici que quatre siècles plus tard, saint Augustin laisse son cœur s’ouvrir à l’intelligence de la miséricorde de Dieu ; et nous aujourd’hui ? Placés au cœur d’un monde en pleine mutation, ne sommes-nous pas nous aussi assoiffés de la présence rassurante de Dieu dans notre vie ? Alors revenons à la source de notre Baptême, nous qui avons été baptisés « dans l’Esprit saint et dans le feu » !

 

Le temps de l’Avent est un moment favorable pour opérer, un changement dans sa vie. Ce tournant de Dieu, Marie, la toute sainte, l’Immaculée, en est un témoin privilégié. Puisse-t-elle à travers son oui à l’ange Gabriel nous encourager à dire, à notre tour, un oui à la parole du Seigneur qui transforme la vie !

Notre-Dame de Genève, priez pour nous !

Notre-Dame, Messagère de paix, priez pour nous !


[1] Saint Augustin. (1964). Les confessions. Paris : Garnier-Flammarion : 174-175 (Livre huitième, chapitre XII).


2e dimanche de l’Avent

Lectures bibliques: Isaïe 11, 1-10 ; Psaume 71 (72) ; Romains 15, 4-9 ; Matthieu 3, 1-12


 

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