Mgr Gmür: Pas de jobs dans l'Eglise pour les agresseurs d'enfants

Mgr Felix Gmür a été bouleversé par les récits de victimes d’abus sexuels au sein de l’Eglise qu’il a rencontrées. Suite à la cérémonie de repentance tenue  le 5 décembre 2016 à Sion, l’évêque de Bâle a expliqué à kath.ch comment les employés de son diocèse étaient sensibilisés à cette thématique.

Avez-vous vous-même déjà discuté avec des victimes d’abus sexuels?
J’ai parlé avec quelques victimes. Je suis resté sans voix, choqué d’apprendre ce qui s’était passé. Je suis aussi resté sans voix après avoir appris que les personnes touchées n’ont pas été entendues ou qu’on ne les a pas crues. Je suis resté définitivement sans voix lorsque des victimes m’ont dit qu’elles ressentaient elles-mêmes de la culpabilité pour ce qu’on leur avait fait.

Qu’est-ce que cela a signifié pour les victimes de parler avec vous?
Les victimes elles-mêmes ont voulu me parler, l’initiative est venue d’elles. Une personne de confiance était toujours présente pendant les entrevues. La plupart d’entre elles voulaient juste faire part de ce qui s’était passé. Elles voulaient que je les écoute en ma qualité d’évêque. J’ai entendu des diverses victimes des histoires similaires, mais racontées différemment. Des histoires que se répètent tous les jours les victimes en leur for intérieur. C’est vraiment grave.

Quel genre d’êtres humains peuvent-ils être?

Qu’est-ce qui est le plus grave?
L’abus de confiance et la destruction de ces personnes. Il y a toujours  une affaire de pouvoir. Les victimes se sentaient dépendantes, elles avaient peur qu’on ne les croient pas. C’est le contexte de base pour les agressions. Le mécanisme est similaire à celui de la torture. Dans le cas de certains abuseurs, je pense qu’ils devaient être sadiques. C’est vraiment choquant quand cela vient d’un prêtre, d’un accompagnateur spirituel ou d’une autre personne à qui l’on fait confiance. Je me demande ainsi: quel genre d’êtres humains peuvent-ils être?

Connaissez-vous personnellement des prêtres abuseurs?
J’en ai connu quelques-uns, mais la plupart sont entre-temps  décédés. Je ne peux pas connaître la plupart, pour des raisons d’âge. Mais ce n’est pas un point décisif. Il est important aujourd’hui d’entretenir une culture dans laquelle la victime est prise au sérieux et écoutée, indépendamment du fait que l’auteur soit ou non encore en vie.

Comment l’Eglise agit concernant les abuseurs?
Une enquête préliminaire est lancée par l’Eglise et des mesures seront ensuite prises. Normalement, ces personnes sont éloignées de leur ministère et doivent entreprendre des thérapies. Dans ce genre de cas, les responsables d’Eglise demandent conseil à des experts dans le domaine de la psychologie et de la psychiatrie, par exemple des spécialistes de la délinquance sexuelle. En outre, les exigences du droit pénal doivent être respectées.

Quand il s’agit d’abus sexuels à l’encontre des enfants j’exclus personnellement tout retour

De tels délinquants peuvent-ils retrouver une fonction dans l’Eglise?
Un retour au service de l’Eglise dépend de la gravité des actes, ainsi que de la capacité d’introspection de l’auteur, de sa conscience de la faute commise. Un retour est par exemple possible dans le cas d’une personne qui aurait suivi un accompagnement thérapeutique pendant des années et pour qui un expert pourrait, dans la mesure du possible, confirmer à l’évêque que de futurs abus sont exclus. Une  nouvelle fonction ecclésiale peut être soumise à des conditions, par exemple une limitation du champ d’activité. Il est également important que la personne soit étroitement accompagnée. Si un auteur d’abus ne se raisonne pas et ne reconnaît pas sa faute, une réaffectation ne serait pas responsable. Quand il s’agit d’abus sexuels à l’encontre des enfants j’exclus personnellement tout retour.

Les évêques suisses veulent augmenter la prévention des abus. Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour votre diocèse?
La prévention signifie en premier lieu sensibiliser. L’objectif est que les agents pastoraux agissent dans leur travail  avec une proximité et une distance responsables. Je demande à tous ceux à qui j’ai confié  une mission pastorale de participer à un cours de prévention d’une demi-journée. Dans mon diocèse, environ 1’100 agents pastoraux, les plus jeunes comme les plus âgés, sont concernés. Si l’un d’eux ne participe pas à ce cours, il sera sanctionné, également par les autorités administratives. Le cours est compté comme temps de travail.

Qu’apprend-on dans ce cours?
En tant qu’agent pastoral, je dois toujours porter la responsabilité de la forme de relation que je mets en place. En d’autres termes, je ne peux pas dire: ‘l’autre l’avait également voulu’. Je dois bien avoir en tête les aspects suivants: quelle est exactement la problématique de la distance et de la proximité? Quand est-ce qu’un abus peut se produire ou pas? Dans quelles circonstances faut-il faire attention? Que faire, quand je constate chez un ou chez une collègue, qu’un abus pourrait se produire? Est-ce que je détourne simplement le regard?

La thématique ne pourra jamais être définitivement réglée

Selon quels critères peut-on déterminer qu’un abus commence?
Un abus commence lorsque l’agent pastoral quitte son rôle et ne perçoit pas qu’il établit un rapprochement non désiré avec l’autre. Cela peut commencer par des paroles à première vue «inoffensives».

Qu’y a-t-il  en plus de  cette demi-journée?
Les personnes à des postes de direction doivent participer à une autre demi-journée pour apprendre à établir une culture de prévention dans leur équipe, chez les collaborateurs sans mission canonique, ainsi que chez les bénévoles. Ils apprennent comment réagir dans le cas où ils ont connaissance d’un cas d’abus. Ils sont amenés à se poser des questions telles que: comment aborder la discussion avec cette personne? Le cas relève-t-il du domaine juridique?Les deux cours sont dispensés dans le diocèse de Bâle depuis plusieurs mois.

Y aura-t-il des cours de perfectionnement ou de remise à niveau?
Lorsque tous ces cours auront été dispensés, nous réaliserons une évaluation. Ensuite, je déciderai après consultations au sein du Conseil  épiscopal et du comité spécial contre les agressions sexuelles quelles autres mesures sont à prendre. La thématique ne pourra jamais être définitivement réglée. Il s’agit plutôt de former en permanence dans la pastorale une conscience professionnelle sur la question de la distance relationnelle. (cath.ch/kath/sys/rz)

Raphaël Zbinden

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