Terre Sainte: sur les pas d'Abraham, pour encore croire en la paix

30 marcheurs de l’association franco-suisse Compostelle-Cordoue sont revenus d’une marche en Terre Sainte avec un peu plus d’espoir pour la paix. Sur le Chemin d’Abraham, en Cisjordanie occupée et à Jérusalem, les participants sont allés, des deux côtés du mur, à la rencontre d’acteurs de la réconciliation.

«L’espoir est endormi au pied de mon lit. Chaque matin, je lui donne un coup de pied pour le réveiller». C’est ainsi que la chanteuse Mira Awad continue de croire en la paix dans sa région. Les marcheurs de Compostelle-Cordoue ont rencontré à Jérusalem la star arabe-israélienne, qui a participé à l’Eurovision en 2009 aux côtés de l’Israélienne juive Noa.

Ce ne fut qu’une des nombreuses rencontres qui ont émaillé le parcours des pèlerins. L’association laïque Compostelle-Cordoue, basée en Valais, voulait notamment démontrer qu’il est possible de marcher à travers la Cisjordanie sans crainte excessive pour sa sécurité. «Nous encourageons à faire le chemin d’Abraham et sommes persuadés que le parcours est appelé à se développer», assure à cath.ch Alain Simonin, président de l’association, qui était de l’aventure.

De la joie à la souffrance

Compostelle-Cordoue, qui réunit beaucoup de croyants mais également des agnostiques et des athées, s’est choisi pour slogan «marcher, dialoguer, comprendre». Les excursions que l’association organise ont pour but de permettre la rencontre des personnes sur place, d’agir pour surmonter les différences et de poursuivre l’idéal de la ‘convivance’.

La marche sur le chemin d’Abraham a ainsi été un moment fort de l’association franco-suisse créée en 2009 par Gabrielle Nanchen, ancienne conseillère nationale valaisanne, passionnée de pèlerinages. Les 30 participants ont relié, du 3 au 10 novembre 2016, Jéricho à Hébron, dans les territoires occupés par Israël. Ils ont ensuite passé trois jours à Jérusalem est et ouest.

«On peut très bien vivre ensemble avec son chien, mais nous on ne veut plus être le chien»

Alain Simonin souligne à quel point l’expérience a été forte, enrichissante et éclairante pour les participants. «Les récits que nous avons entendus nous ont profondément touchés, ils ont été autant porteurs de joie que de compréhension», note-t-il. Le marcheur raconte comment le groupe a vécu des moments inoubliables de partage avec les populations rencontrées, en particulier les bédouins du désert. Mais les participants ont également été témoins des souffrances et des difficultés vécues par les Palestiniens de Cisjordanie, entre tracasseries administratives et pénuries provoquées par l’occupation israélienne. Ils ont notamment visité deux camps de réfugiés, pour lesquels «la situation semble plus précaire que jamais».

Des deux côtés du mur

Mais, désireux de rester objectifs et de ne pas privilégier l’écoute d’une des parties en conflit, le groupe a également franchi le mur de séparation pour entendre le récit israélien. Ils y ont trouvé des personnes qui agissent encore pour la paix, malgré la méfiance et les rancoeurs qui divisent plus que jamais les deux peuples. Les «pèlerins» ont ainsi visité le village de Neve Shalom-Wahat as-Salam, où des familles juives et arabes vivent côte à côte depuis 1977, persuadées de pouvoir s’enrichir de leurs différences. Ils ont fait la connaissance d’Anton Goodman, juif pratiquant, directeur de l’Abraham Fondation. Créée en 1989, l’organisation s’est donnée pour but de favoriser le ‘vivre ensemble’ de tous les citoyens de l’Etat d’Israël dans l’égalité et la justice.

La rencontre avec Mira Awad a été particulièrement intéressante, confie Alain Simonin. La chanteuse et actrice chrétienne revendique en effet pleinement ses deux identités, palestinienne et israélienne. Si elle garde l’espoir d’une réconciliation entre les juifs et les arabes, elle estime que cela ne peut se faire qu’à travers un changement d’attitude de ces premiers. «On peut très bien vivre ensemble avec son chien, mais nous on ne veut plus être le chien», a-t-elle lancé.

Déconstruction des préjugés

Suite à ces rencontres et à la confrontation de points de vue très divers, les marcheurs ont pu se faire une opinion «de l’intérieur». Ils sont revenus avec une profonde compréhension de la complexité de la situation sur le terrain. «Après ce voyage, nous avons saisi qu’il n’était pas possible de prendre définitivement la cause d’une des parties», souligne Alain Simonin. Outre la déconstruction de certains de leurs préjugés, les «pèlerins» de Terre Sainte ont ramené avec eux le souvenir de toutes ces personnes qui oeuvrent, des deux côtés du mur, pour la paix et qui nourrissent la petite flamme de l’espoir. (cath.ch/rz)

Raphaël Zbinden

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