Homélie du 15 janvier 2017 (Jn 1, 29-34)

Père Henri-Marie Couette – Abbaye d’Hauterive, Posieux

En parlant de Jésus, Jean Baptiste s’exclame à deux reprises : ›’Et moi, je ne le connaissais pas.’’ Voilà qui est très surprenant ! De lui qui était son propre cousin et qui avait jadis tressailli dans le sein de sa mère Elizabeth à l’approche de Jésus, Lui-même porté dans le sein de Marie, on peut raisonnablement penser qu’il savait fort bien qui était Jésus. L’ignorance que Jean révèle ici dévoile pour nous quelque chose d’important : on ne va pas vers le Christ par les seuls sens humains ordinaires car, comme l’écrit saint Paul, si nous L’avons ›’connu selon la chair, à présent nous ne Le connaissons plus ainsi.’’ (2 Cor 5, 16)

Dépasser le visible

C’est qu’en effet, pour aborder le Christ dans son mystère, la présence de l’Esprit Saint nous est indispensable. De fait, ils seront nombreux les habitants de Nazareth qui, eux aussi, connaissant Jésus à la façon humaine, seront choqués par ses paroles à la synagogue lors de l’inauguration de sa prédication et s’écrieront : ›’celui-là n’est-il pas le fils de Joseph le charpentier ?’’ Certes, c’était vrai mais ils furent incapables de dépasser le visible pour toucher l’invisible en Lui.

Intervention de l’Esprit Saint

Jean Baptiste nous explique en effet que, pour reconnaître Jésus, Celui qui ›’baptise dans l’Esprit Saint’’ – alors que lui-même ne baptise que dans l’eau – une intervention de l’Esprit Saint est nécessaire : ›’J’ai vu l’Esprit descendre du ciel’’ sur Lui. Voilà le signe annoncé et irréfutable qui lui a permis d’identifier Jésus dans sa vraie personnalité qui échappe aux yeux de chair. Le 2 février prochain, fête de la Présentation au Temple, ou Chandeleur, nous assisterons à la rencontre lumineuse de l’Enfant Jésus avec le vieillard Siméon : de lui également, il sera dit qu’il fut ›’poussé par l’Esprit’’ et qu’il vint au Temple… car l’Esprit s’était révélé à lui. Or, à l’instar de Jean, ses yeux s’ouvriront et Siméon, au grand étonnement des parents de l’Enfant, confessera avoir reconnu Celui qui est ’’la lumière des nations’’ (expression identique à celle d’Isaïe dans la 1ère lecture).

Présence irremplaçable

Il est donc clair qu’il n’y a pas de reconnaissance possible du Christ sans l’Esprit Saint : pas d’autre chemin que Lui pour aborder Jésus dans le mystère de sa personne de Fils de Dieu, dans celui de sa présence comme Verbe qui parle dans l’Écriture ou comme Pain se donnant en nourriture dans l’Eucharistie. C’est cet Esprit commun au Père et au Fils qui nous ouvre au mystère de Jésus, lequel nous conduit au Père. Nous sentons donc combien sa présence est irremplaçable !

Pas étonnant alors qu’un moine de la tradition orthodoxe ait pu affirmer que ›’le vrai but de la vie chrétienne est l’acquisition du Saint Esprit’’ ! (St Séraphim de Sarov) ›’Acquisition’’, non pas au sens d’une mainmise sur Lui, mais au sens d’un incessant creusement de notre cœur qui, résolument occupé à appeler l’Esprit (›’Viens !’’), s’ouvre à une disponibilité croissante qui se transforme en docilité. Dimanche passé, notre regard se portait vers l’étoile des mages. A ce propos, le Père Carré O.P. a écrit fort justement : ›’Notre étoile intérieure est la voix mystérieuse qui s’adresse à chacun de nous. Le Seigneur nous la donne pour nous aider à Le chercher : c’est l’Esprit Saint.’’

Devenir témoins de l’Évangile

Ce qui est remarquable par ailleurs, c’est que celui qui entre dans cette expérience de grâce devient aussitôt témoin de cette rencontre vécue avec le Christ, au travers de l’Esprit ! ››Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est Lui le Fils de Dieu’’, s’exclame Jean Baptiste. C’est donc un homme (cf. ›’Il y eut un homme envoyé de Dieu. Son nom était Jean…’’ – Jean 1, 6) qui se trouve mandaté pour devenir témoin de ce que l’Esprit lui a révélé sur Jésus. Or cette mission n’est en rien le propre exclusif du Baptiste : elle nous incombe à tous, nous qui sommes baptisés et qui, de ce fait, avons reçu l’Esprit pour devenir témoins de l’Évangile du Christ ›’afin que [son] salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre’’, pour reprendre l’expression du prophète Isaïe entendue tout à l’heure.

Mais il est temps maintenant de préparer nos cœurs à recevoir Celui que Jean a reconnu comme ›’l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.’’ Dans quelques instants en effet, nous répéterons ces mêmes paroles avant de communier au Corps et au Sang du Christ. Demandons avec ferveur à l’Esprit Saint de nous disposer à accueillir Jésus avec foi et amour pour devenir à notre tour ses témoins intrépides et lumineux que le monde attend !


2ème Dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques :  Isaïe 49, 3.5-6; Psaume 39; 1 Corinthiens 1, 1-3; Jean 1, 29-34


 

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