Frères et sœurs,
Quand je rends visite à mon frère et à mon neveu qui sont fromagers à Verbier, j’aime bien visiter leur cave. C’est impressionnant de voir près de 5000 pièces de Bagnes 1 alignées de façon impeccable sur les tablards. À l’entrée de la cave, les 5 ou 6 fromages fabriqués le matin ne prennent pas un bain de soleil mais un bain de sel. C’est ainsi que commence la lente maturation qui va donner à cette pâte molle et insipide le goût sans lequel personne n’en voudrait.
Une alliance consacrée par le sel
Tous ceux qui sont aux prises avec les aliments et la nourriture savent par expérience la nécessité primordiale du sel ou du sucre dans la préparation d’un mets savoureux. Dans l ›Antiquité et le Moyen Age, le sel était une denrée précieuse et recherchée. Il servait à de multiples usages domestiques et notamment la conservation des aliments. Du fait même de cette capacité de conserver les aliments, le sel en venait à signifier la valeur durable d’un contrat. Le livre des Nombres dans la bible parle d’une alliance consacrée par le sel autrement dit une alliance inaltérable et durable entre Dieu et l’humanité. Ce pacte annonce déjà l’alliance nouvelle et éternelle scellée dans le sang du Christ.
Le rôle du chrétien : sel de la terre
Dans une perspective spirituelle, le chrétien est appelé à être sel de la terre. Non pas seulement appelé mais surtout être prêt à assumer ce rôle que le Christ lui assigne dans l’évangile de ce jour. Saint Paul nous dit de ne pas prendre pour modèle le monde présent mais de renouveler sans cesse notre façon de penser pour mieux discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. Sous cet aspect, le sel qui se dénature, c’est le chrétien qui s’immerge dans la banalité ambiante, qui succombe aux nouveaux conformismes imposés par une société via les medias qui sont censés nous informer mais qui en réalité façonnent notre opinion selon des vues bien arrêtées. L’information est manipulée et dirigée par ceux qui sont aux commandes de ce qu’il faut bien appeler un nouveau pouvoir. Les chrétiens que nous sommes auront à cœur de discerner derrière l’information à première vue innocente le parti pris et l’opinion toute faite.
Lucidité face aux défis
La parole du Christ est une aide précieuse pour celui ou celle qui veut garder la tête froide face au déferlement médiatique. Plus que jamais, notre conscience éclairée par l’Evangile doit être notre balise dans la tempête. Il nous faut beaucoup de lucidité pour affronter les défis actuels tels que l’assistance au suicide, l’avortement, l’euthanasie ou les crises migratoires.
Inviter à la joie
Jésus dit aussi que nous sommes la lumière du monde. Le symbolisme de la lumière est encore plus riche que celui du sel. La lumière de la foi brille à travers ce que nous disons et ce que nous faisons de bien. Non pas seulement dénoncer le mal mais offrir au monde des espaces de bonté, d’amour, de convivialité et de fraternité.
Nous ne devons pas passer aux yeux de l’opinion publique comme d’éternels rabats-joie mais au contraire, pour ceux qui invitent à la joie, celle que donne le Christ. Faire découvrir à celui et celle qui cherchent le bonheur que celui-ci est dans le partage, le don de soi est un cadeau inestimable. Ceux et celles qui l’expérimenteront se tourneront alors vers Dieu car c’est lui qui, d’abord, est sel et lumière.
Rendre gloire à Dieu pour les miracles
Les Juifs du temps de Jésus avaient ce réflexe devant les miracles du Christ non pas de se prosterner devant lui mais de rendre gloire à Dieu qui suscite une telle grandeur au cœur d’un homme. Il n’en fut pas de même pour saint Paul et saint Barnabé qui après avoir guéri un malade à Lystre durent lutter de pied ferme pour se débarrasser d’admirateurs trop enthousiastes qui les prenaient pour des dieux et qui voulaient leur offrir un sacrifice.
Le piège de l’orgueil
Une éducation chrétienne réussie consistera d’abord à reconnaître les dons reçus en chacun, à rendre gloire à celui qui les a semés en nous. Nous éviterons ainsi le piège de l’orgueil qui consiste à ne compter que sur nous-mêmes et à nous enfermer dans un monde sans Dieu. C’est la prière qui permet cette ouverture et qui nous différencie d’une éducation humaine à la portée de tout homme ici-bas.
5e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Isaïe 58, 7-10; Psaume 111, 4-5, 6-7, 8a.9; 1 Corinthiens 2, 1-5; Matthieu 5, 13-16