Accords du Latran, le long et difficile chemin de la conciliation

Si le 11 février est férié au Vatican, c’est parce qu’en 1929, le Saint-Siège récupérait de l’Italie, ce jour-là, l’indépendance du territoire du Vatican. Rétrospective.

En 1870, avec l’unification de l’Italie par Victor-Emmanuel II, les territoires pontificaux sont annexés, dont la ville de Rome qui devient capitale du nouveau royaume. Commence alors une longue période de crise avec le Saint-Siège.

Pendant 50 ans, les tentatives de dialogues se succèdent mais sans aucun résultat. Le pape Pie IX, refusant cet état de fait malgré des propositions de compensations financières, choisit de se considérer comme prisonnier dans son palais du Vatican. Au fil des ans, les visions politiques et juridiques des deux parties se révèlent de plus en plus inconciliables.

Déblocage sous Mussolini

En 1921, un discours de Mussolini attire l’attention du Saint-Siège et semble offrir une voie de sortie de crise. Devant la Chambre des députés, il affirme que «la tradition latine et impériale de Rome est aujourd’hui représentée par le catholicisme» et que «l’unique idée universelle qui existe à Rome est celle qui se diffuse depuis le Vatican».

Il n’en faut pas plus au Saint-Siège pour croire en la volonté de dialogue de l’Etat italien. Ce n’est cependant qu’en août 1926 que naissent de réels échanges entre les deux parties. Ces premiers contacts ne représentent encore que des rapports timides et discrets, qui seront brièvement interrompus à de nombreuses reprises. Mais à partir de là, et jusqu’à l’accord final de février 1929, le dialogue ne cessera de progresser.

La ‘question romaine’

A l’aube des véritables négociations, Mussolini formule une demande préalable à Pie XI: que ce dernier reconnaisse Rome comme capitale de l’Italie et renonce explicitement à toute revendication territoriale. Il refuse en particulier de céder un territoire ouvert sur la mer, tel qu’exigé par le Saint-Siège. La villa Doria Pamphili est par ailleurs annexée par l’Italie, tout en restant à disposition du Saint-Siège.

Le pape Pie XI répond par quelques conditions, notamment que le Saint-Siège bénéficie d’une garantie pleine et entière d’indépendance et que le concordat prévu recouvre l’ensemble de la société ecclésiale en Italie. Le gouvernement italien accède à requête, la ‘question romaine’ est en passe d’être réglée.

A la veille de l’accord, reste encore une question majeure à régler, celle du montant de la somme réglée par le gouvernement italien au Saint-Siège, en compensation de ses pertes territoriales. Ces dernières négociations sont menées par Mussolini en personne, qui offre alors 750 millions de lires et un milliard à l’avenir, contre deux milliards réclamés par le Vatican.

Les accords finaux du Latran comprennent ainsi un traité et un concordat, qui règlent les questions politiques, financières et religieuses. Le Saint-Siège reconnaît le royaume d’Italie, avec Rome pour capitale, et l’Italie reconnaît la souveraineté du Saint-Siège sur la Cité du Vatican et certains bâtiments dans Rome, dont trois basiliques, Saint-Jean de Latran, Sainte-Marie Majeure et de Saint-Paul-Hors-Les-Murs, ainsi que le palais de Castelgandolfo.

Le nouvel Etat dispose de services publics régaliens comme une gare, une poste, une monnaie, une radio. L’Italie reconnaît aussi le pape comme chef temporel du Vatican, détenant tous pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires.

«Redonner Dieu à l’Italie et l’Italie à Dieu»

En outre, l’Etat italien admet la doctrine chrétienne, faisant du catholicisme la religion officielle de l’Etat. Il accepte notamment l’indissolubilité du mariage et l’enseignement religieux obligatoire dans les écoles publiques. Cette dernière mesure, chère à Pie XI, fait l’objet de dures tractations jusqu’à la fin.

Le 11 février 1929, tout est finalement prêt pour la signature du traité: une cérémonie est organisée dans la salle des papes au palais du Latran, à laquelle aucun étranger n’est admis par crainte d’attentat.

A l’issue de la ratification, le successeur de Pierre déclare: «nous croyons qu’avec cela nous avons redonné Dieu à l’Italie et l’Italie à Dieu». Quelques mois plus tard, le 25 juillet, le pape sort en procession eucharistique sur la place Saint-Pierre, pour la première fois depuis 1870.

Certes, le concordat a réduit considérablement le territoire du Saint-Siège. Mais dans le même temps, peut-on lire dans un ouvrage du Gouvernorat de l’Etat du Vatican émis pour les 80 ans des accords de Latran, il lui «garantit un espace de liberté à l’intérieur d’un régime autoritaire, liberté indispensable pour conduire de manière indépendante son action propre sur la scène internationale». (cath.ch/imedia/ah/rz)

Raphaël Zbinden

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