Diaspora chaldéenne en Suisse: Mgr Saad Sirop reçoit le soutien de Mgr Morerod

Les 150 à 200 familles chaldéennes catholiques vivant en Suisse devraient pouvoir bénéficier cette année encore des services d’un prêtre, affirme l’évêque irakien Saad Sirop, visiteur apostolique pour les fidèles chaldéens en Europe.

Lundi 27 février, Mgr Saad Sirop était à Fribourg pour s’entretenir avec Mgr Charles Morerod, président de la Conférence des évêques suisses (CES), de l’installation d’une mission chaldéenne dans le pays.

«Mgr Morerod s’est montré très ouvert»

Une petite diaspora assyro-chaldéenne, venant principalement d’Irak, est arrivée en Suisse ces dernières décennies. «Les premiers se sont installés il y a une trentaine d’années, les autres plus récemment. Ce n’est pas facile pour un Irakien d’arriver en Suisse…», confie à cath.ch Mgr Saad Sirop. Ce dernier était auparavant évêque auxiliaire chaldéen de Bagdad, avant sa désignation comme visiteur apostolique pour les fidèles chaldéens en Europe par le Synode chaldéen et sa nomination par le pape François, le 19 novembre dernier. Il a succédé à Mgr Ramzi Garmou, archevêque chaldéen catholique de Téhéran, qui occupait ce poste depuis 1999.

«Mgr Morerod s’est montré très ouvert à la proposition de mettre sur pied une mission chaldéenne en Suisse, il nous a offert son aide», explique Mgr Saad Sirop. L’évêque irakien, né le 6 septembre 1972 à Bagdad, visite les communautés chaldéennes d’Europe depuis quatre mois. Il n’a pas encore choisi son lieu d’installation, et hésite entre la Suède et l’Allemagne, où vivent les plus importantes communautés d’immigrés assyro-chaldéens.

Négocier avec la réalité de façon rationnelle

Il estime que les réfugiés arabes de confession chrétienne peuvent mieux s’intégrer dans les pays occidentaux que leurs compatriotes musulmans, en raison de la façon de concevoir leur religion. «Les chrétiens ont plus de flexibilité, et chez eux, l’interprétation des Ecritures est davantage soumise à la raison et au sens commun».

Dans un monde de plus en plus complexe, il faut être capable de négocier avec la réalité de façon rationnelle, insiste-t-il, «de bâtir des ponts, pour communiquer, et non édifier des forteresses pour s’isoler du reste de la société. Cette ouverture est importante quand on vit en Occident, dans une société démocratique. Les chrétiens arabes sont davantage en mesure de s’adapter; les principes du christianisme les aident dans ce sens!»

Forte présence en Suède, en Allemagne et en France

Les chaldéens installés en Europe, qui parlent le soureth, un dialecte issu de l’araméen, sont quelque 85’000, avant tout en Suède, en Allemagne et en France. Des communautés sont également implantées en Belgique, au Danemark, en Norvège, en Finlande, en Hollande, en Autriche, au Royaume-Uni, en Suisse et en Grèce.

Si la plupart, surtout ceux qui sont arrivés plus récemment, viennent d’Irak, d’autres, comme par exemple en France, sont majoritairement originaires de Turquie, précise Mgr Saad Sirop. En France, trois de leurs prêtres viennent de Turquie et trois autres d’Irak, tandis qu’en Belgique, trois prêtres sont originaires de Turquie et un d’Irak.

La majorité des chaldéens vivent désormais en diaspora

La majorité des chaldéens vivent désormais en diaspora, en dehors de leurs lieux d’origine. Alors qu’ils sont aujourd’hui moins de 300’000 en Irak (ils forment dans ce pays le 60% des chrétiens qui ne sont pas partis ces dernières décennies), les chrétiens chaldéens sont plus d’un demi-million dans le reste du monde, notamment en Europe, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en Amérique du Sud.

Ils sont encore présents en petites communautés au Moyen-Orient: Iran, Syrie, Liban, Israël, Egypte et Turquie. Dans l’Empire ottoman, les chrétiens assyro-chaldéens ont été victimes en 1915, tout comme les Arméniens, d’un génocide commis sur ordre des «Jeunes Turcs», qu’ils appellent «Seyfo», littéralement «l’épée» ou «le sabre», en langue syriaque.

Le souvenir du génocide des assyro-chaldéens

Actuellement, les chaldéens restés en Irak vivent à Bagdad, mais la majorité a trouvé refuge au Kurdistan irakien, après la prise, en 2014, de la ville de Mossoul et surtout des villages chrétiens de la Plaine de Ninive par les terroristes de Daech. Si ces villages ont été libérés depuis l’automne dernier, ils ne sont de loin pas encore habitables.

«Les infrastructures en grande partie détruites doivent être reconstruites, les réseaux d’eau et d’électricité doivent être rétablis, et cela prendra du temps», constate Mgr Saad Sirop. La plupart des chrétiens estiment que le gouvernement de Bagdad n’en fait pas assez pour la reconstruction, et surtout pour leur protection.

«Les chrétiens ne vont pas retourner tout de suite dans ces villages aujourd’hui débarrassés du soi-disant ‘Etat islamique’, car ils n’ont pas de garanties de sécurité. Ils ont perdu confiance dans leurs voisins musulmans qui se sont retournés contre eux, en participant aux pillages de leur maison, en rejoignant Daech…», relève ce docteur en philosophie de l’Université grégorienne de Rome.

Restaurer la confiance prendra plus d’une génération

Plus d’une génération sera nécessaire pour que la confiance revienne. Cela concerne toutes les minorités: chrétiens, yézidis, shabaks et autres. «Après l’invasion américaine de 2003, on a vu s’installer partout dans le pays une mentalité sectaire».

Sous la dictature de Saddam Hussein, reconnaît-il, la situation était meilleure pour les chrétiens, mais également pour les autres minorités, car le raïs (président) tenait le pays d’une main de fer. «Aujourd’hui, la moitié de la population a la nostalgie de ce régime, il faut l’avouer, car c’est le sectarisme qui prédomine…» L’évêque déplore que l’Occident ait voulu  imposer à l’Irak sa vision de la démocratie. «Cela a complètement déstabilisé le pays, étant donné que  l’islam est incompatible avec ce genre de démocratie». (cath.ch/be)

Jacques Berset

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