«Aider Beit Sahour», pour soutenir les habitants du «Champ des Bergers»

«N’oubliez pas que c’est ici que tout a commencé!», aime à lancer Vera Baboun, la première femme maire de Bethléem, en Palestine, lieu de la naissance de Jésus de Nazareth. A quelques encablures, voici Beit Sahour, le «Champ des Bergers», où, selon la tradition, l’ange a annoncé aux pâtres la naissance du Sauveur.

C’est de cette ville palestinienne de 17’000 habitants, majoritairement chrétiens, que viennent les fondateurs de l’association «Aider Beit Sahour», Naji et Jamileh Awad, qui vivent à Marly. Né en 1943 à Jérusalem, Naji Awad a vécu jusqu’en 1948 à Ramleh, avant que sa famille ne soit chassée lors de la prise de la ville par les Israéliens et ne se réfugie à Beit Sahour. Jamileh, née à Beit Sahour en 1949, viendra, après son mariage en 1973, rejoindre son mari, qui travaille comme infirmier à l’Hôpital cantonal de Fribourg depuis 1966. Elle travaillera alors comme infirmière assistante à l’Hôpital cantonal, puis aux soins à domicile.

Tout est parti du refus de payer des taxes à l’occupant

«Si auparavant on apportait un soutien à notre famille, confie ce couple de confession grecque-orthodoxe, tout a vraiment commencé avec la grève des impôts organisée par le Comité populaire de Beit Sahour au cours des années 1988 et 1989…»

Les habitants ne voulaient plus payer leurs impôts aux occupants israéliens, qui ne les investissaient pas pour les services à la population. Naji, s’étant rendu sur place, a été témoin des destructions et des razzias commises par les soldats israéliens. «J’ai rencontré une famille qui avait un commerce prospère. Les occupants ont vidé le magasin, ont tout pris, parce que ces commerçants refusaient de leur verser un impôt. Cela a créé une grande misère, et accéléré l’émigration des familles de Beit Sahour!» Cette lente hémorragie touche particulièrement les chrétiens de Terre Sainte, qui ne sont plus qu’une petite minorité. 

«Ils vous attendent!»

 A cette époque troublée, Naji rencontre pour la première fois le patriarche latin de Jérusalem Michel Sabbah, de passage en Suisse. Il parle également à Mgr Loutfi Laham, vicaire patriarcal grec-catholique melkite de Jérusalem, qu’il connaissait depuis longtemps. «Que pouvons-nous faire pour les habitants de Beit Sahour», demande Naji, et les deux prélats, sans se concerter, répondent: «Ils vous attendent!». C’est ainsi qu’est née l’association «Aider Beit Sahour». Fondée à Fribourg en 1990, elle a pour objectifs d’aider sur les plans médical et financier les habitants de Beit-Sahour, d’informer ses adhérents de la situation en Palestine et de sensibiliser l’opinion publique.

L’association dispose depuis l’an dernier d’un correspondant sur place, le Dr. Majed Nassar, un médecin de Beit Sahour à la retraite. Elle essaye à son humble niveau d’apporter une aide aux habitants de la ville. Toute la région vit dans une sorte de ghetto entouré d’un haut mur garni de miradors et de mitrailleuses. Pour en sortir, on ne peut le franchir qu’aux points de passage gardés par les soldats… à la condition que l’on dispose d’un laissez-passer pas forcément facile à obtenir. «L’occupant a dressé des ‘listes noires’…»

20 à 30’000 francs d’aide

«Aider Beit Sahour» (ABS) soutient les chrétiens, mais aussi des musulmans, notamment avec des bourses d’étude. Bon an mal an, l’association achemine des aides pour un montant de 20 à 30’000 francs. Actuellement, les deux tiers vont au soutien aux écoles par le financement d’écolages, le reste pour d’autres projets ou aides ponctuelles en faveur de femmes, d’aînés ou de personnes handicapées.

Depuis le début, ABS a soutenu la Clinique du Couvent Grec-Catholique, devenue en 2007 le Centre médical de Beit-Sahour (Beit-Sahour Medical Center BSMC), qui assure quelque  quarante mille consultations médicales par année. Elle a participé, par des contributions financières ponctuelles, à l’achat de lits, à la réparation ou à l’achat d’appareils médicaux et de laboratoire, ainsi qu’à de petites rénovations à l’intérieur des bâtiments.

Le principal soutien financier vient de paroisses

Quelque 300 sympathisants donnent de l’argent régulièrement ou occasionnellement, pour soutenir l’association, dirigée par un comité de 7 bénévoles. Aux débuts de l’association, on pouvait apercevoir sur les marchés, dans la période précédant Noël, la famille Awad vendant des crèches de bois d’olivier et les personnages allant avec, une spécialité de la région de Bethléem. Aujourd’hui, le principal soutien financier vient de paroisses, plus rarement de communes.

«Pour 2017, les projets principaux sont les écolages pour des élèves sans moyens fréquentant les écoles privées chrétiennes catholique-melkite, luthérienne et orthodoxe, qui accueillent aussi des musulmans. On soutient une centaine d’élèves chaque année, et quelques universitaires. L’an dernier, par le biais de l’Organisation charitable orthodoxe, ABS a payé des paniers de nourriture pour des familles dans le besoin, ou a encore subventionné des soins pour des familles sans assurance maladie», précise Naji Awad.

Des membres du comité se rendent régulièrement en Palestine et visitent à leurs propres frais les responsables des projets soutenus. Ainsi le lien est maintenu avec les héritiers des bergers, qui, il y a 2000 ans, suivirent les indications de l’ange pour se rendre à la crèche de Bethléem.


Site internet : www.aider-beit-sahour.ch 


Beit Sahour, une ville très active et très vivante

Malgré les conditions déprimantes de l’occupation, Beit Sahour est une cité très vivante: le niveau de scolarisation reste élevé et l’on y compte de nombreux groupements et associations œuvrant auprès des jeunes, des aînés, des handicapés, pour la protection de l’environnement ou le rapprochement entre les peuples. Dans la ville, les chrétiens grecs-orthodoxes demeurent majoritaires, suivis des grecs-catholiques melkites, puis d’une petite communauté luthérienne et catholique latine, vivant sans trop de problèmes aux côtés des musulmans. 

Les Eglises chrétiennes y sont très actives, avec leurs écoles, leurs dispensaires et le soutien aux familles. Si Beit Sahour compte parmi les premières villes palestiniennes pour le niveau d’éducation, il n’y a pas assez de travail pour tous. De plus, une partie importante du territoire de la ville a été confisqué illégalement par les Israéliens au profit de la municipalité de Jérusalem et de la colonie juive voisine de Har Homa.

Israël cherche à dissuader les pèlerins de se rendre à Bethléem

«Les chrétiens en ont marre, ils ne supportent plus l’arbitraire de l’occupation, le manque de travail et de perspectives pour leurs enfants… Des familles musulmanes partent aussi, mais c’est plus sensible chez les chrétiens, car ils sont peu nombreux dans la région. On constate vite leur absence!», déplore Naji Awad. Une partie importante de la population est sans emploi, et donc sans ressources. Les retraités, pour la plupart, n’ont pas de rente. Les revenus proviennent du tourisme, de l’artisanat (travail du bois d’olivier et de la nacre), de la culture de l’olive (huile, savon), de l’industrie du textile, du travail salarié en Israël. L’agriculture et l’élevage de moutons et de poules permettent à de nombreuses familles de couvrir certains besoins existentiels.

Si pour les pèlerins chrétiens, il est impensable de se rendre en Terre Sainte sans visiter Bethléem, cela ennuie beaucoup les agences de tourisme israéliennes, notent les opérateurs locaux. Elles tenteraient de dissuader les touristes de s’y rendre, en disant que la région de Bethléem est très dangereuse, qu’il y a des terroristes. Elles les poussent à se contenter de la seule visite de la basilique de la Nativité et d’ensuite quitter la ville au plus vite: «il faut surtout éviter d’y manger ou d’y dormir, afin que l’argent soit dépensé du côté israélien du mur de séparation», notent nos interlocuteurs. (cath.ch/be)

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

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